Plus des trois quarts des élèves handicapés n’ont pas accès à une scolarité normale, voire sont déscolarisés, selon une enquête publiée le 28 août par l’Unapei, un réseau d’associations, qui dénonce le non-respect par l’État français de ses obligations envers les enfants porteurs de handicap.
Caroline Boudet partage depuis plusieurs années sur les réseaux sociaux le quotidien de sa fille Louise, 8 ans, qui a une trisomie 21. À chaque rentrée scolaire ressurgissent les mêmes incertitudes et les mêmes angoisses. Louise, scolarisée en classe Ulis (Unités localisées pour l’inclusion scolaire), aura-t-elle une AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) pour l’aider ? Le nombre d’heures d’accompagnement accordé par la MDPH (Maison des personnes handicapées) pourra-t-il suffire pour donner à sa fille des chances d’avancer à son rythme ? Comment contrer les demandes répétées de sortir Louise de l’école ordinaire pour l’envoyer dans un Institut médico-éducatif (IME), dont les délais d’attente se comptent en années ?
Aujourd’hui, sa mère ne cache plus sa désillusion, sur X (ex-Twitter), face au mirage de l’école inclusive :
« À 8 jours de la rentrée, pour la première fois depuis 4 ans je ne suis pas angoissée pour ma fille scolarisée avec handicap. Le secret ? J’ai perdu toutes mes illusions, ai frôlé l’épuisement total et j’abandonne l’idée qu’un jour ce sera simple (désolée, le secret est décevant). »
La scolarisation en milieu ordinaire, un droit reconnu par la loi
Un amer constat qui résonne avec de nombreux autres témoignages de parents confrontés aux impasses de l’école dite inclusive, un principe pourtant inscrit dans la loi « handicap » du 11 février 2005 . Ce texte affirme « le droit pour chaque enfant d’accéder à une scolarisation en milieu ordinaire, au plus près de son domicile, ainsi qu’à un parcours scolaire continu et adapté ».
À l’épreuve du réel, ce droit à une éducation qui permette d’accéder à un enseignement prenant en compte les compétences et différences de chacun n’est pas appliqué. C’est ce que démontre, au-delà de ces témoignages des familles, une étude publiée ce mardi 29 août par l’Unapei, un réseau d’associations représentant les personnes atteintes d’un trouble du neurodéveloppement, de polyhandicap ou de handicap psychique.
L’enquête, menée auprès de ses membres dans six régions de France (Hauts-de-France, Normandie, Pays de la Loire, Grand Est, Bretagne et Auvergne-Rhône-Alpes), démontre que sur 2 103 jeunes accompagnés par ses associations, 23 % n’ont aucune heure de scolarisation, 28 % en ont entre zéro et six par semaine, 22 % entre six et douze et 27 % plus de douze.
En d’autres termes, près des trois quarts de ces enfants et adolescents vont à l’école moins de douze heures par semaine, alors que vingt-quatre heures d’enseignement sont dispensées en primaire et vingt-six au collège.
20 000 enfants handicapés sans solution éducative
Une alerte avait par ailleurs déjà été lancée par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, selon qui 20 000 enfants et adolescents handicapés seraient sans solution éducative et des dizaines de milliers d’autres se contenteraient de réponses éducatives partielles.
Tous les acteurs engagés dans la lutte pour les droits des élèves handicapés pointent les mêmes failles : l’absence de moyens matériels et humains, dont témoigne de façon symptomatique la précarité persistante du statut des AESH.
Les avancées récentes, leur accordant notamment la possibilité d’obtenir un CDI après trois ans d’activité, ne suffiront pas, selon les associations, à garantir l’inclusion de ces élèves laissés sur le bord du chemin, tant que la question du handicap ne sera pas considérée dans sa dimension politique, en prenant en compte la parole des principaux concernés et en mobilisant enfin de véritables moyens à la hauteur des besoins.
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