Éducation nationale : pourquoi la grève couve dans les écoles ?
Premier syndicat de l’enseignement primaire, le FSU-Snuipp, a déposé 102 alertes sociales dans tout le pays pour dénoncer une situation « explosive » dans les écoles.
Pendant que le ministre amuse la galerie en (re) mettant sur la table le redoublement ou le port de l’uniforme, l’école continue à se dégrader et celles et ceux qui la font – élèves, personnels, familles – à souffrir. À quelques jours du dévoilement de la très attendue enquête internationale PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), le 5 décembre, la FSU-Snuipp, premier syndicat de l’enseignement primaire, a pris une initiative sans précédent : déposer 102 alertes sociales, dans chaque département de France, en métropole et dans les outremers.
Des écoles sous-dotées
L’alerte sociale, c’est le dernier stade avant le préavis de grève. « Les conditions de travail des enseignantes, enseignants et AESH (Accompagnants d’élèves en situation de précarité, NDLR.) dans les écoles se sont profondément dégradées, entraînant perte de sens du métier, mal-être voire souffrance au travail » dénonce le syndicat qui pointe « les réformes imposées par les ministres successifs depuis 2017 » mais aussi « les pressions hiérarchiques locales ».
Interrogée par le site spécialisé Le café pédagogique, sa porte-parole, Guislaine David, explique que « si les conditions de travail se dégradent, c’est parce que les conditions d’enseignement sont elles aussi dégradées », en particulier en raison « du manque de moyens alloués à l’inclusion ». Les fiches portées dans les registres santé et sécurité au travail se multiplient dans des proportions alarmantes, où selon elle les enseignants « déclarent se sentir dépassés face à des élèves qui « explosent », qui vont mal et pour qui la réponse pédagogique est inadaptée. (…) L’école inclusive se fait au rabais, avec des AESH sous-payées, pas formées et sans enseignantes ou enseignants spécialisés ».
On sait que la mesure phare de Jean-Michel Blanquer pour le primaire, le dédoublement des classes, de la grande section au CE1, en éducation prioritaire, s’est traduite non par des embauches, mais par le siphonnage des autres classes en général, et en particulier de dispositifs comme les Rased (Réseaux d’aide spécialisés aux élèves en difficulté). Dans le même temps, la présence de personnel infirmier et de psychologues, ressources précieuses pour l’inclusion, s’est réduite comme peau de chagrin au point que parfois, le minimum légal des visites médicales obligatoires n’est plus assuré. « Les AESH sont nécessaires aux besoins des élèves », souligne encore Guislaine David, « mais sans qu’elles – ce sont très majoritairement des femmes – ne soient ni accompagnées, ni outillées, ni formées ».
Des classes surchargées
Ces difficultés et cette souffrance viennent s’ajouter comme autant de détonateurs dans un contexte déjà largement explosif. Le manque de personnels titulaires entraîne, plus encore dans les départements urbains ou ruraux les plus déshérités, l’embauche de contractuels déjà fragilisés car peu formés.
Une des spécificités du primaire est aussi qu’on ne peut y camoufler les absences non remplacées par des mesures comme le « pacte » : elles aboutissent donc à « bourrer » les élèves sans maîtres dans les autres classes, accentuant les difficultés de tous.
C’est donc dans ce contexte explosif que doit se tenir, mardi 5 décembre, un groupe de travail ministériel, avec les syndicats, sur le sujet des conditions de travail. Une échéance que le ministre de l’Éducation, Gabriel Attal, aimerait sans doute voir reléguée au second plan derrière les annonces qu’il devrait faire en réaction aux résultats de PISA – où personne ne s’attend à voir la France briller.
Mais le climat social dans les écoles, dans les prochaines semaines, dépendra sans aucun doute des réponses qui y seront apportées, ou qui auront été apportées au plan local, à cet appel à l’aide des enseignants du primaire.
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