Après les émeutes d’extrême droite au Royaume-Uni, comment les syndicats se mobilisent contre la peste brune

Les organisations ouvrières appellent à la riposte du monde du travail après la déferlante raciste et xénophobe de ces derniers jours. La secrétaire générale du syndicat Unite martèle que « ce n’est pas le migrant qui a imposé l’austérité ».

 

D’une violence inouïe, les images ont fait le tour de la planète. Des centaines de personnes, certaines faisant le salut nazi, se sont attaquées à des hôtels et des lieux d’hébergement où se trouvaient des migrants. À l’origine de ces manifestations soutenues par l’extrême droite, de fausses informations accusant l’auteur du meurtre, le 29 juillet, de trois petites filles dans le nord-ouest de l’Angleterre, d’être un migrant musulman. Il s’agit en réalité d’un jeune homme né à Cardiff, de parents rwandais chrétiens.

Peu importe pour l’extrême droite, qui a décidé de l’ouverture de la chasse aux étrangers. Selon la chaîne Sky News, qui cite des gardes de sécurité, des demandeurs d’asile ont été forcés de dormir dans les bois après que des manifestants ont attaqué leur hôtel et tenté de l’incendier, dimanche, à Rotherham (nord-est de l’Angleterre). Un « acte de voyous d’extrême droite », a dénoncé le premier ministre travailliste Keir Starmer.

L’extrême droite s’épanouit en ligne

Des personnalités d’extrême droite comme le fondateur de la Ligue anglaise de défense, Tommy Robinson, de son vrai nom Stephen Yaxley-Lennon, ont profité de la tragédie pour répandre des mensonges racistes (son compte X est suivi par 800 000 personnes), tandis que des membres de groupes tels que Patriotic Alternative ont publié des appels à la mobilisation sur le service de messagerie Telegram.

Elon Musk, le propriétaire de la plateforme X, fervent soutien de Donald Trump, y est allé de sa participation. En réponse à un article sur X qui attribuait ce qui se passe actuellement en Grande-Bretagne à la migration de masse et l’ouverture des frontières, il a écrit : « La guerre civile est inévitable. »

Le nouveau premier ministre britannique se veut ferme mais ses déclarations sont-elles à la hauteur des enjeux ? « Quelle que soit la motivation apparente, ce n’est pas une protestation, c’est de la violence pure et nous ne tolérerons pas les attaques contre les mosquées ou nos communautés musulmanes », a déclaré Keir Starmer, le 5 août, après une réunion d’urgence avec les chefs de la police et des prisons.

« La loi sera totalement appliquée contre tous ceux qui sont identifiés comme ayant pris part » aux attaques. Aux yeux de nombreux Britanniques, ce n’est pas suffisant. Après quelques jours de stupéfaction, des manifestations opposées à l’extrême droite ont été organisées.

« Nous avons besoin de changement maintenant »

Les syndicalistes montent maintenant au créneau. Le secrétaire général du RMT, le puissant syndicat des transports, Mick Lynch, a appelé ses troupes à « faire tout ce qui est en leur pouvoir pour s’opposer à la haine et à la division dans nos collectivités et nos milieux de travail ».

Le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la communication (CWU), Dave Ward, a envoyé une lettre exhortant les comités de branche à communiquer avec les mosquées locales, les centres pour réfugiés et les groupes de solidarité afin d’offrir leur soutien sur le terrain. Le Syndicat national des étudiants (NUS) a également exhorté ses membres à se mobiliser.

Pour Sharon Graham, secrétaire générale du syndicat Unite, sans unité, la classe ouvrière ne peut pas changer la situation. « La division et la mise en accusation font le jeu des patrons », a-t-elle écrit sur Facebook. « Ce n’est pas le migrant qui a fait tomber notre système financier en 2008. Ce n’est pas le migrant qui a imposé l’austérité. »

Dans une adresse au Parti travailliste, elle a insisté : « Nous avons besoin de changement maintenant. Ne nous contentons pas de parler de dépenses responsables ou de règles budgétaires. Rien de tout cela ne parle au travailleur ou à sa communauté. Cela joue simplement en faveur de ceux qui cherchent la division. Les travaillistes n’ont qu’une seule chance. S’ils ne réussissent pas, la droite populiste émergera toujours plus forte. »

Le néolibéralisme, carburant de la haine

Selon les statistiques officielles, un cinquième des habitants du Royaume-Uni vivent dans la pauvreté. En 2022-2023, le nombre d’enfants vivant dans la pauvreté a augmenté de 100 000, passant de 4,2 millions l’année précédente à 4,3 millions. Cela représente 30 % des enfants au Royaume-Uni. Près de 3 millions d’entre eux dépendent des banques alimentaires. Pour les 10 % de ménages britanniques les plus pauvres, le niveau de vie a baissé de 20 % par rapport à 2019-2020, soit une perte de 4 600 livres sterling par an (5 344 euros).

Le Syndicat britannique des pompiers (FBU) a également réagi, notant que « cette situation a été créée tout au long des décennies. Les politiciens et les médias traditionnels ont attisé la haine des anti-migrants et l’islamophobie tout en diminuant le niveau de vie de la plupart des gens. L’austérité, la baisse des salaires et le démantèlement des services publics ont été les choix de politiciens de droite dans l’intérêt des grandes entreprises – pas des migrants. Le nouveau gouvernement travailliste a le devoir d’offrir une alternative, plutôt que de céder à la rhétorique anti-migrants ». Quant à Christina McAnea, leader du Syndicat des services publics Unison, elle a appelé les collectivités à « se tenir ensemble pour rejeter cet extrémisme odieux et travailler à la création d’une société fondée sur le respect mutuel ».

Dans une lettre adressée à la secrétaire d’État à l’Intérieur, Yvette Cooper, les cinq députés indépendants (et anciennement travaillistes) emmenés par Jeremy Corbyn ont averti : « Nous rejetons tout discours qui cherche à rejeter le blâme sur les demandeurs d’asile et les communautés immigrantes pour les décennies d’austérité et la baisse subséquente des emplois stables et bien rémunérés qui ont érodé le tissu de communautés vivant autrefois en sécurité. »

Lors des dernières élections législatives qui se sont déroulées début juillet, la victoire des travaillistes s’est accompagnée d’un effondrement du Parti conservateur. Beaucoup d’électeurs de droite ont préféré voter pour l’extrême droite, représentée par Reform UK, de Nigel Farage, au discours xénophobe et anti-migrants. Il a réussi à réunir 14 % des suffrages et ne cache pas, depuis, son ambition pour l’avenir : se hisser au sommet du pouvoir. Ses troupes sont déjà dans la rue.

 


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