« La formation professionnelle sous statut scolaire et universitaire résiste », indique Christian Sauce, professeur retraité de l’Éducation nationale et spécialiste de l’enseignement professionnel. Il livre son analyse des notes de la DEPP sur la situation des élèves et étudiants du CAP au BTS et sur l’insertion professionnelle post-lycée professionnel. Il relève le rôle important que continue de jouer le diplôme, mais aussi la baisse du taux d’emploi des sortants par rapport à 2022.
Les chiffres bruts :
La DEPP, en collaboration avec la DARES et Inserjeunes, vient de publier son enquête annuelle sur la situation des lycéens professionnels et des étudiants du CAP au BTS, six mois après le passage de leur examen en 2023. 54 % d’entre eux poursuivent leurs études l’année suivante : 51 % des inscrits en CAP, 57 % des inscrits en Bac pro et 48 % des inscrits en BTS. Le graphique ci-dessous montre que ces données sont stables entre 2022 et 2023.
Parmi les 46 % de sortants définitifs, 45 % ont un emploi salarié dans le privé ou le public en janvier 2024 : 27 % des CAP, 43 % des Bacs pros et 59 % des BTS.
Notons enfin que l’obtention du diplôme demeure un atout pour l’insertion professionnelle : 48 % des lycéens professionnels ayant obtenu leur diplôme en 2023 sont en emploi salarié, contre 39 % de ceux ne l’ayant pas obtenu !
L’analyse :
Ces chiffres bruts nécessitent quelques commentaires. Le premier est de se réjouir du taux particulièrement élevé de poursuite d’études pour les élèves de lycées professionnels, qu’ils soient en CAP ou en Bac pro. C’est un point de plus qu’en 2019 pour les CAP et 6 points de plus pour les élèves de Bac pro ! Et ce n’est pas forcément dû à l’explosion de la formation en apprentissage puisque seul 1 élève sur 5 poursuit en apprentissage. Comme le précise la DEPP, ce « résultat est similaire à celui de la génération précédente. » Le lycée professionnel n’est donc pas la voie de garage que certains se plaisent à décrire !
Le second est que le diplôme demeure déterminant dans l’insertion des jeunes. C’est une constante. Le différentiel est fort important, particulièrement en CAP (+ 12 %) et en Bac professionnel (+ 11 %). Ce constat est aussi une bonne nouvelle dans une société qui a tendance à privilégier de plus en l’employabilité immédiate au détriment de la formation méthodique et complète du travailleur et du citoyen. Pour s’en convaincre, il suffit de compter le nombre de certifications professionnelles (ou certificats maison…) enregistrées chaque mois par France compétences : plus d’une centaine ! C’est d’ailleurs cet organisme qui en parle le mieux : « La loi Avenir Professionnel a transformé le système de certification professionnelle ; dorénavant, les individus disposent de moyens accrus pour individualiser leur parcours de développement de leurs compétences et construire leur projet professionnel en adéquation avec les besoins du marché » ! Individualiser pour répondre aux besoins du marché… Tout est dit ! Heureusement, le diplôme résiste et c’est tant mieux pour les jeunes et le monde éducatif.
Le troisième est moins satisfaisant. Le taux d’emploi des sortants définitifs est en baisse de 3 points par rapport à 2022. C’est particulièrement le cas pour les sortants de CAP et de Bac Pro. Cependant, la DEPP attribue cette baisse à la situation du marché du travail en 2023. Il est vrai que le chômage des moins de 25 ans est reparti fortement à la hausse : + 0,7 % entre fin 2022 et fin 2023. Et ce n’est pas près de s’améliorer puisqu’il explose carrément : + 2,1 % entre fin 2023 et fin 2024 ! Mais une autre raison explique les difficultés des jeunes sortant de CAP, Bac Pro et BTS à s’insérer rapidement dans la vie active : la prédominance de l’apprentissage sur le marché du travail. Celui-ci est fortement soutenu par des aides publiques et plus de la moitié des emplois occupés par des apprentis à bas coût devraient l’être par des salariés en CDI ! Pour faire du chiffre, c’est parfait, mais pour ce qui est de l’insertion, c’est nettement moins bien !
La conclusion :
Reste que la formation professionnelle sous statut scolaire et universitaire résiste. C’est particulièrement le cas pour les formations du secteur industriel, celles que l’apprentissage ne développe pas car elles sont moins rentables pour les CFA et le business de la formation. C’est une leçon pour tous ceux qui s’acharnent sur le devenir de l’enseignement professionnel public pour mieux le privatiser et en tirer de substantiels dividendes ! A ce sujet, je ne saurais conclure sans rappeler à l’ordre les thuriféraires de l’apprentissage qui viendraient nous donner des leçons de morale sur une meilleure insertion des apprentis sur le marché du travail : quand on éjecte en cours de formation 36 % des apprentis du niveau CAP au niveau BTS, il est indécent de pousser des cocoricos de propagande dans le seul but de garder les aides publiques !
Christian Sauce
Télécharger les notes de la DEPP :
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