Dans la France de 2025, les chômeurs sont de plus en plus contrôlés, quand les aides publiques aux entreprises, premier poste de dépense de l’État pour un montant d’environ 200 milliards d’euros par an, ne le sont toujours pas. Une commission d’enquête sénatoriale se penche sur le sujet et lève de nombreux lièvres.

Bruno Le Maire le disait il y a à peine un an : il faut s’assurer de « l’efficience » de chaque euro versé par l’État. « Les Français doivent en avoir pour leur argent. » Sauf que les aides aux entreprises sous toutes leurs formes, le premier poste de dépense publique, ne sont pas mesurées et encore moins évaluées. Une commission d’enquête est en cours – jusqu’à juillet – au Sénat pour prendre ce sujet à bras-le-corps et chaque nouvelle audition renforce sa pertinence et son urgence. Rien qu’obtenir le montant annuel des aides publiques perçues par les entreprises relève de la gageure.
Carrefour : en six ans, 37 990 salariés en moins, et 2 milliards d’aides publiques
L’enseigne de grande distribution a mis en place un système permettant de se débarrasser de salariés d’un côté et de bénéficier d’aides publiques de l’autre.
Il y a bien un « système Bompard », du nom du PDG de Carrefour, et son audition à la commission d’enquête sénatoriale sur les aides publiques aux entreprises l’a mis en exergue. D’un côté, il y a ce que le patron dit publiquement et fièrement : « 170 000 personnes travaillent aujourd’hui sous nos enseignes en France. Nos 6 000 magasins forment un réseau unique au sein de nos territoires. » De l’autre, il y a ce qu’il présente aux actionnaires, tout aussi fièrement, et que Fabien Gay, le rapporteur, a déniché. Tableau à l’appui, il affirme que « les effectifs de Carrefour en France n’ont cessé de diminuer, passant de 112 000 salariés en 2017 à 109 000 en 2018, 101 000 en 2019, 96 000 en 2020, 92 000 en 2021, 80 000 en 2022 et 74 418 en 2023 ». La différence ? Le recours de manière industrielle à la franchise ou la location-gérance. Avec ce système, le franchisé doit prendre en charge les salariés en plus de payer une redevance et souvent un loyer à la marque. Les travailleurs perdent souvent leurs conquis – dont une semaine de vacances –, leur ancienneté, et se retrouvent isolés des organisations syndicales du groupe. Pour Carrefour, en revanche, c’est tout bénef : le groupe s’accorde une rente, et si ces enseignes ont des mauvais résultats ou ferment, Alexandre Bompard s’en lave les mains, cela ne figurera pas dans son bilan comptable. Les syndicats sont vent debout contre ce système et estiment qu’il s’agit d’un plan social déguisé. La CFDT a assigné le distributeur en justice sur ce point.
Cette politique est d’autant plus socialement préjudiciable que la multinationale bénéficie chaque année de 250 millions d’euros d’aides fiscales en France, et de plus de 100 millions de baisses de cotisations, au titre d’aides au maintien dans l’emploi. « En six ans, Carrefour a bénéficié de 2 milliards d’euros : ce n’est pas négligeable, surtout lorsqu’on connaît les bénéfices réalisés par le groupe et le montant des dividendes versés aux actionnaires. Or 37 990 emplois ont été supprimés durant la même période. Dès lors, l’argent public ne sert pas à maintenir l’emploi », a tranché Fabien Gay.
Quand Mathilde Lignot-Leloup, présidente de section de la première chambre de la Cour des comptes, a avancé le chiffre de 55,4 milliards d’euros d’aides d’État par an, Marc Auberger, inspecteur général des finances, estime le montant à « environ 170 milliards d’euros. Mais je pense qu’on en oublie… » Avant d’ajouter, hésitant : « Il se peut que l’on atteigne 200 milliards d’euros. » L’écart est conséquent et s’explique par le fait que personne ne s’est vraiment accordé sur la définition de ce qu’est une aide publique et sur le périmètre de ces aides. Subvention, crédit d’impôt, allègement de cotisation…
42 % pour les grandes entreprises, 35 % pour celles de taille intermédiaire et 23 % pour les PME
« C’est une aide publique lorsque cela émane d’une politique publique, avec des objectifs et des moyens associés », tranche le fiscaliste Vincent Drezet, porte-parole d’Attac, qui défend une acception plutôt large du phénomène. Cela représente environ 2 200 programmes d’aides aux entreprises, réparties dans plusieurs administrations et ministères. « Je ne sais pas du tout si quelqu’un dispose d’éléments sur le nombre total de dispositifs », a même reconnu lors de son audition Sylvain Moreau, directeur des statistiques d’entreprises de l’Insee.
Ce qui fait dire à Fabien Gay, sénateur communiste et rapporteur de la commission d’enquête (par ailleurs directeur de notre journal), que ces aides bénéficient avant tout aux grands groupes, les seuls à même de s’y retrouver dans cette jungle. De cela aussi les sénateurs essaient de s’assurer. Les seuls chiffres clairs à ce propos ont été apportés par la direction générale des entreprises, en charge notamment de 3 à 4 milliards d’euros de subventions d’État directes réparties ainsi : 42 % pour les grandes entreprises, 35 % pour celles de taille intermédiaire (ETI) et 23 % pour les PME.
Pour le reste, c’est le grand flou. « Le meilleur moyen de ne pas avoir à discuter de l’efficacité de ces aides, c’est de ne pas se mettre d’accord sur leur périmètre », commente Vincent Drezet. Plusieurs fois, le rapporteur a questionné, en vain, ses interlocuteurs sur cette absence de transparence : révèle-t-elle une volonté politique ? « C’est sûr qu’à partir du moment où on va voir que ces aides qui étaient censées créer de l’emploi et de la croissance ont aussi créé beaucoup d’effet d’aubaine et d’effets pervers – comme des trappes à bas salaires –, cela va éclabousser tous ceux qui ne jurent que par la baisse des cotisations et le ruissellement », ajoute le porte-parole d’Attac.
Plusieurs fois Fabien Gay s’est pris à rêver d’un tableau, où on pourrait regarder, entreprise par entreprise, quelles aides publiques elles ont touchées et pour quel montant. « C’est un enjeu démocratique », a appuyé le sénateur LR Olivier Rietmann, président de la commission d’enquête. Souvent, ils se sont vu opposer une fin de non-recevoir par les administrations, au nom des secrets fiscaux et des affaires.
Quid de l’évaluation de l’efficacité des aides
Pourtant les grands groupes auditionnés ont souvent joué le jeu, certes avec plus ou moins de bonne volonté. Le patron d’ArcelorMittal a très clairement exposé toutes les aides perçues en introduction, ajoutant : « Il est impératif d’améliorer la transparence » de ces dispositifs. Il a en revanche fallu tirer les vers du nez à la direction de Sanofi.
Chez Michelin, des machines payées avec des aides publiques et délocalisées
En 2017, Michelin a touché plusieurs millions d’euros de Cice pour moderniser une usine… qu’il a fermée en emportant les machines financées par le contribuable.
Si une audition s’annonçait houleuse, c’était bien celle de Michelin. « Je suis scandalisé qu’un groupe comme le vôtre touche de l’argent public, verse 1,4 milliard d’euros de dividendes, ait un plan de rachat d’actions de 1 milliard d’euros et licencie 1 200 personnes ! » a attaqué Fabien Gay, le rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur les aides publiques aux grandes entreprises. « Ce n’est pas nous qui fixons les règles applicables », s’est contenté de répondre Florent Menegaux, président de la gérance du groupe Michelin. Parce que le groupe touche des aides diverses : des « soutiens à l’emploi » et à la compétitivité via des baisses de cotisations, le bouclier énergétique pour faire face à la hausse des prix de l’électricité, des crédits d’impôt sur les bénéfices grâce au mécénat, du crédit impôt recherche, des subventions directes de l’État et des collectivités pour moderniser les usines… « Notre business model n’est pas de recevoir des aides ! » a cru bon de préciser Florent Menegaux.
Quid du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) ? En 2017, Michelin a touché 4,3 millions d’euros de Cice pour son site de La Roche-sur-Yon (Vendée), afin de financer la rénovation d’ateliers de cuisson et l’achat de huit nouvelles machines pour faire des pneus de poids lourds. Sauf que, peu après, Michelin a fermé l’usine et envoyé six de ses appareils, encore dans les cartons, en Espagne et en Roumanie. « Ces machines-outils ont été achetées avec l’argent du contribuable français et vous les avez déployées ailleurs », a insisté Fabien Gay. Après avoir assuré qu’il avait tout fait pour essayer de sauver le site et admis que, « oui, l’argent public français doit servir en France », Florent Menegaux a concédé que « si le Cice n’a pas servi à acheter des machines restées en France, ce ne serait pas anormal qu’on le rembourse ». En 2019, Michelin avait restitué les aides accordées par les collectivités locales, mais refusé de rendre le Cice. Mieux vaut tard…/
La palme revient probablement à Google France, venu avec quasiment aucun chiffre à présenter, malgré le questionnaire fourni en amont par les équipes du Sénat. Pas même le montant de Cice perçu, ce qui a eu le don d’agacer passablement les membres de la commission d’enquête : « Il ne faut pas commencer une audition en prenant les sénateurs pour des lapins de trois semaines », s’est énervé le président.
Le sujet de l’évaluation de l’efficacité des aides était en revanche moins consensuel. L’économiste Maxime Combes, coauteur du livre « Un pognon de dingue, mais pour qui ? » (Seuil, 2022), auditionné à l’ouverture de la commission d’enquête en février, posait un cruel constat : « Les entreprises massivement aidées entre 2020 et 2022 ont-elles massivement investi dans l’intelligence artificielle ? Pas vraiment, puisque l’on doit organiser un sommet pour cela. Dans les technologies de rupture ? Pas davantage et on le déplore souvent. Dans la relocalisation d’entreprises ? Le secteur industriel représente moins de 10 % du produit intérieur brut aujourd’hui. »
De leur côté, les patrons auditionnés assurent que ces dispositifs leur sont indispensables, certains s’essayant même à un chantage à l’emploi si elles se voyaient rabotées. Le crédit impôt recherche (CIR) ? « C’est un outil d’attractivité et de compétitivité (…) qui fait que nous sommes dans la moyenne européenne pour le coût du chercheur », affirme le vice-président recherche et développement France de Sanofi.
Gavé d’aides publiques, STMicro délocalise et ne paie pas d’impôts
Le spécialiste des semi-conducteurs se cache derrière le caractère stratégique de sa production pour profiter de la collectivité sans rien lui rendre.
En Début avril, interrogé dans le cadre de la commission d’enquête sénatoriale sur les aides aux grandes entreprises, Jean-Marc Chéry, le PDG de STMicro, assurait – sous serment – que l’article de « Bloomberg » évoquant un plan de 2 000 à 3 000 suppressions de postes était « faux dans les nombres et faux dans les termes ». Dix jours après, il annonçait aux syndicats un plan de départ volontaire de 2 800 emplois directs, en plus de « l’attrition naturelle » et de deux arrêts de lignes de production en France, pour les délocaliser en Asie. L’une de ces lignes sera stoppée à Crolles, le site isérois, dans lequel l’État français a pourtant annoncé un investissement de 2,9 milliards d’euros…
Mais la banque publique française BPI, qui détient 14,1 % du capital (comme le ministère italien des Entreprises), ne réagit pas, malgré une nouvelle interpellation syndicale ce 16 avril. Pas plus que Bercy. Si STMicro est aidé à ce point, c’est parce que le groupe est l’un des rares fabricants de puces et de semi-conducteurs européens, composants nécessaires aux industries de la défense, de l’automobile ou des télécoms. Il est au donc au cœur de la stratégie de souveraineté numérique et industrielle européenne.
Pire, malgré le fort actionnariat public, le siège de STMicro est basé en Suisse et le groupe a payé entre 0 et 100 000 euros d’impôts sur les sociétés en France ces dernières années, malgré des résultats positifs – particulièrement lors du Covid et de la pénurie de semi-conducteurs – et des dividendes versés chaque année entre 100 et 200 millions d’euros. « Les marchés français et italiens ne représentent que 4 % de notre chiffre d’affaires », se justifie Jean-Marc Chéry aux sénateurs, qui s’étonnent de cette absence d’impôt. « Vous êtes très largement subventionné, vous avez touché 487 millions d’euros d’aides publiques françaises en 2023, ne pensez-vous pas que nous sommes en droit d’attendre un retour à la collectivité ? » l’a interpellé Fabien Gay. « Combien y a-t-il de sociétés de semi-conducteurs en France, qui emploient 12 000 personnes ? » s’est contenté de répondre le PDG. Circulez…
Quant aux baisses de cotisations et au Cice, cela « nous a permis de rester compétitifs vis-à-vis de nos concurrents », enchérit de son côté Guillaume Darrasse, directeur général d’Auchan Retail. Et ce qu’il y a de fantastique avec la compétitivité, c’est qu’elle ne peut pas s’évaluer, surtout pas en termes d’emplois créés, assure Louis Gallois, père du Cice. « Quelle est la légitimité d’une politique publique qui n’est pas évaluable ? rétorque Vincent Drezet. D’autant qu’ils réduisent la compétitivité à ce qu’ils appellent le « coût du travail », alors que c’est aussi la stabilité politique, la qualité des infrastructures de transport, les systèmes de santé et d’éducation, qui rendent un pays attractif et compétitif. »
« Cette subvention a pesé très lourd dans le budget de l’État, ce qui peut nous amener à douter de sa légitimité »
Des études a posteriori, notamment de France Stratégie, ont porté une analyse critique, voire accablante sur l’utilité sociale et économique du Cice ou du CIR. Mais pour qu’il y ait une réelle mesure de l’efficacité de ces dispositifs, il faudrait des contrôles. Ce qui se révèle très compliqué, selon Marc Auberger. « Tout est cloisonné, toutes les administrations fonctionnent en silo : Urssaf, DGFIP, Ademe, le CNC, France 2030, etc. Chacun gère ses propres dispositifs », déplore l’inspecteur général des finances. « Ce n’est pas faux, pointe Vincent Drezet, qui fut secrétaire national de Solidaires finances publiques. Sauf qu’il aurait pu en être autrement, on aurait pu créer une autorité de contrôle, mettre toutes ces données en commun… Là il y a une responsabilité politique de ne pas le faire. »
L’opposition se fait encore plus franche lorsqu’il s’agit de proposer une conditionnalité. Fabien Gay a résumé les choses ainsi : « En tant que parlementaire et citoyen, il est choquant de voir qu’une entreprise dont le chiffre d’affaires atteint plusieurs milliards d’euros touche des aides, tout en versant plusieurs milliards d’euros de dividendes, et annonce la même année un plan de suppression de 2 500 emplois. Elle n’a peut-être pas besoin d’aides publiques. »
D’ailleurs, corrélation ou coïncidence, la rémunération des actionnaires du CAC 40 a été multipliée par près de cinq depuis 2010, quand sur la même période les aides aux entreprises ont augmenté de 215 %. Évidemment, les dirigeants d’entreprise n’y voient aucun rapport.
Seul Patrick Pouyanné, PDG de Total, a reconnu qu’une entreprise qui aurait été massivement aidée pendant le Covid n’aurait pas dû verser de dividendes. « Il parlait pour lui », a sèchement répliqué son homologue de Vinci. Quid alors du bouclier énergétique ? Fabien Gay a questionné Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie : « En 2023, le groupe percevait 1,9 milliard d’euros au titre du bouclier tarifaire (ainsi que 150 millions d’euros d’autres aides – NDLR), alors qu’il enregistrait 5,2 milliards d’euros de résultat net et distribuait 3,4 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires. Cette subvention a pesé très lourd dans le budget de l’État, ce qui peut nous amener à douter de sa légitimité. » « Nous avons une vision très différente, monsieur le rapporteur », lui a répondu l’intéressée. Il est vrai que, lorsqu’il s’agit des entreprises, il faut comprendre « l’efficience » chère à Bruno Le Maire ainsi : subventionner sans contrôle, exonérer sans contrepartie et protéger les secrets des puissants.
Sanofi : plus de 1 milliard d’euros de crédit impôt recherche et de moins en moins de chercheurs
Le calcul est édifiant. En dix ans, à hauteur de plus de 100 millions d’euros par an, Sanofi a touché plus de 1 milliard d’euros de crédit impôt recherche. Dans le même temps, le groupe a procédé à quatre plans de suppressions de postes dans la recherche et développement : 2014, 2019, 2021 et en 2024, avec l’annonce de 330 nouvelles coupes dans ses effectifs de chercheurs en France, principalement à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Soit un total d’au moins 3 000 départs, a calculé le rapporteur de la commission sénatoriale, Fabien Gay, qui insiste sur le fait que « ce ne sont pas des reclassements, mais des licenciements secs ». « Comment expliquez-vous que vous soyez l’un des champions du CIR tout en faisant fondre vos effectifs en R&D ? » a questionné frontalement le sénateur communiste. Jacques Volckmann, vice-président recherche et développement France, conteste le chiffre : « Parce qu’en 2014, nous avions 5 000 personnes dans la R&D et aujourd’hui environ 4 000, la réduction s’établit donc autour de 1 000 postes de chercheurs et développeurs. »
Le rapporteur l’attendait au tournant sur le sujet de l’efficacité. « En plus de supprimer des postes, on a été infichu en France de trouver un vaccin contre le Covid pendant la crise sanitaire », s’est-il emporté. « Nous n’avons pas eu d’aide spécifique pour le développement de ce vaccin », s’est un peu piteusement défendu le directeur France de Sanofi.
Évidemment, le groupe touche d’autres subsides : du crédit mécénat, du crédit d’impôt famille, des exonérations et allègements de cotisations mais aussi des subventions de Bpifrance, de l’Ademe, des régions et des collectivités. Et l’année dernière, le groupe a réalisé un bénéfice net de 5,74 milliards d’euros et versé à ses actionnaires un dividende de 3,92 euros par action au titre de cet exercice 2024, marquant trente années d’augmentation consécutives. Mais jamais, tout au long de l’audition, la direction de Sanofi n’a accepté de lier d’une manière ou d’une autre aides publiques, dividendes records et licenciements. « On a le sentiment qu’avec ces entreprises, qui ne renoncent à aucune aide, ni à aucune suppression d’emploi, c’est fromage, dessert et digestif toujours, et que les salariés sont eux aussi toujours la variable d’ajustement » a conclu Fabien Gay.
En savoir plus sur MAC
Subscribe to get the latest posts sent to your email.