Transports : « J’alerte sur les conséquences délétères d’un financement des réseaux sur le dos des usagers », lance Jean-Luc Gibelin (PCF)

À la recherche de 200 milliards d’euros pour l’entretien et la modernisation des réseaux routiers, ferrés et fluviaux, la conférence de financement des transports bruisse du retour des Partenariats publics privés. L’élu communiste d’Occitanie Jean-Luc Gibelin met en garde contre la logique d’utilisateur-payeur et propose d’autres pistes de financements.

 

Lors d’une réunion de la conférence de financement, Ambition France transport, le 12 juin, le gouvernement a largement plaidé en faveur des Partenariats publics privés (PPP), pour soutenir les futurs projets d’infrastructures. Alors que 200 milliards sont nécessaires pour développer des projets structurant tel que les Services express régionaux métropolitains (SERM) ou pour éviter l’effondrement de réseaux existant, le ministre de l’Économie Éric Lombard assure qu’« augmenter la part de financement privé dans nos infrastructures est indispensable pour décarboner nos économies. » Membre de la commission Transport du PCF, Jean-Luc Gibelin rappelle le sous-investissement de l’État et présente des pistes de financements.

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L’État fait des appels du pied pour bâtir des PPP pour les futures infrastructures de transport. Est-ce une piste à étudier ?

Dans un contexte budgétaire que Bercy dit restreint, la recherche de cofinancement n’est pas une hypothèse à rejeter. Mais ériger les PPP comme une solution unique, comme le fait l’exécutif, est une erreur. Selon lui, les PPP permettent de diminuer l’engagement financier ministériel et demandent un engagement sur une durée très longue.

Or les crises des Gilets jaunes et du Covid ont débouché sur un choc de demande de déplacements fiables et décarbonés, y compris dans les territoires reculés. Cela n’était pas anticipable 20 ans en arrière.

Face à ces bouleversements, s’engager financièrement avec des acteurs privés sur une longue durée n’est pas un choix pertinent. Nicolas Sarkozy a fait le choix des PPP s’agissant de lignes à grande vitesse. Plusieurs voix affirment que les péages sur la portion Tours-Bordeaux sont plus chers que ceux de SNCF réseau car le gestionnaire doit se rembourser, sur les tarifs des usagers.

Éric Lombard a prévenu de l’abandon de certains projets, à l’issue des arbitrages de cette conférence. L’Humanité a révélé une note de Bercy jetant le trouble sur l’avenir des futures lignes à grande vitesse (LGV) Grande Ouest et PACA ainsi que SERM. Craignez-vous le désengagement de l’État ?

Les SERM sont une promesse d’Emmanuel Macron, à laquelle 26 collectivités ont répondu pour résorber les fractures territoriales et développer les mobilités décarbonées. L’exécutif ne peut revenir sur la parole du chef de l’État ou demander aux collectivités de financer seules ces projets.

Les lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse, Nice-Marseille mais aussi Perpignan-Montpelier sont attendues et nécessaires, et portent une dimension européenne. Avec un abandon, le gouvernement risque de se disqualifier.

La ministre des Comptes publics affirme que les transports dégageraient 57 milliards de recettes sectorielles, mais bénéficieraient de 79 milliards de financements publics. C’est la première fois qu’un gouvernement présente de tels chiffres, avec une telle balance. Cela demande à être clarifié.

La réalité est que l’État se désengage. Singulièrement dans le rail où la France n’investit annuellement que 51 euros par habitant dans l’infrastructure contre 115 euros en Allemagne ou 215 au Royaume-Uni, qui a décidé de renationaliser ses chemins de fers.

La proposition de taxer les billets de train pour financer les infrastructures a été soulevée dans l’atelier ferroviaire. Cette logique d’utilisateur-payeur, en matière de transports, est-elle soutenable ?

Je me refuse à commenter le travail en cours des ateliers. Cependant, j’alerte sur les conséquences délétères d’un financement des réseaux sur le dos des usagers. En Occitanie, nous avons démontré que la fréquentation des transports tient de la qualité de l’offre et d’une gamme tarifaire attractive. La fréquentation des transports régionaux est en hausse de 68 % depuis 2019, contre 30 % sur le plan national.

Avec des offres de gratuité par l’usage, les recettes commerciales sont en hausse de 40 %. Pour gagner des recettes il faut donc augmenter le nombre d’usagers, pas la tarification. Mais il faut des infrastructures ferroviaires. La pétition lancée par la présidente d’Occitanie Carole Delga, pour sauvegarder les petites lignes, est à diffuser et à signer largement. L’État doit faire le choix du ferroviaire.

Le ministre des Transports, Philippe Tabarot, semble enclin à étudier une taxation du foncier. Est-ce un signe encourageant ?

Les communistes proposent d’appliquer les recettes gagnantes du Grand Paris Express dans l’ensemble de l’hexagone. Grâce à une taxe sur les bureaux en Île-de-France, il a été possible de créer 200 kilomètres supplémentaires de métro. Nous demandons, a minima, de tripler cette taxe, en zone prémium, et d’affecter ces nouvelles recettes au développement du ferroviaire en région.

Par ailleurs, nous proposons d’élargir la taxe sur les surfaces de stationnement qui existe en Île-de-France ainsi que la création d’une taxe sur les colis. Couplées à une hausse du versement mobilités et une surtaxe sur l’aviation d’affaires, ces nouvelles recettes atteignent 8 milliards d’euros par an.

Enfin le carbone doit être mis à contribution. Les bénéfices annuels des autoroutes sont de l’ordre de 4 milliards d’euros, dont 2 milliards devraient être réorientés vers le ferroviaire immédiatement.


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