« L’école touche le fond : des fonds pour l’éducation », le mot d’ordre dans les rues était fin de l’austérité, un autre budget pour les services publics. Grève massive dans l’Éducation nationale ce 18 septembre : enseignants, lycéens, parents d’élèves et syndicats dénoncent un budget insuffisant, des conditions de travail dégradées et un avenir menacé pour l’école publique.

En cette rentrée scolaire à peine amorcée, l’école est déjà en colère. Ce jeudi 18 septembre, enseignants, personnels de l’Éducation nationale, lycéens et parents ont battu le pavé pour réclamer plus de moyens, de reconnaissance et de justice sociale. « L’école touche le finds : des fonds pour l’éducation » arborait une professeure dans la manifestation parisienne. La mobilisation interprofessionnelle, portée par une intersyndicale unie, a vu des taux de grève atteignant 45 % dans le second degré et 33 % dans le premier degré, selon les syndicats majoritaires de la FSU.

« C’est une mobilisation réussie dans le monde enseignant : 45% de grévistes dans les collèges et les lycées, des enseignants très présents dans les cortèges. On est à la mi-septembre, encore dans une séquence de rentrée, et pourtant les personnels sont mobilisés», affirme Sophie Vénétitay, du Snes-FSU. « Cela dit beaucoup de choses de la colère profonde du monde de l’Éducation. On sait que les personnels sont fatigués, parfois amers mais il y a aussi de la combativité quand on se souvient de ce qu’on a fait sur le Choc des Savoirs » poursuit-elle.

Une colère et un ras-le-bol : « nos impôts, nos cotisations sociales pour l’école et l’hôpital, pas pour les multinationales »

Depuis plusieurs années, la situation dans les écoles se dégrade : classes surchargées, pénurie de professeurs, manque criant d’AESH, remplacements non assurés… Et la nomination du Premier ministre Lecornu en remplacement de François Bayrou n’a pas apaisé les tensions sur le budget. « Lecornu au rebus » pouvait-on notamment lire place de la Bastille ou « nos impôts, nos cotisations sociales pour l’école et et l’hôpital, pas pour les multinationales ».

Dans plusieurs établissements de Seine-Saint-Denis – département en première ligne – la grève est majoritaire : au collège Saint-Exupéry de Noisy-le-Grand, au lycée Feyder d’Épinay-sur-Seine, ou encore au collège Travail de Bagnolet. Des signes clairs d’un ras-le-bol général, dans un territoire souvent symbole des inégalités scolaires. « Les personnels de l’Éducation nationale, déjà très impactés ces dernières années par la destruction des services publics, la dégradation des conditions d’exercice et une absence de revalorisation salariale, se retrouvent à nouveau pleinement concernés par les mesures d’économie envisagées. »

« Pas d’argent pour la guerre, mais pour l’école ! »

« Le gouvernement a changé, mais le plan Bayrou reste », dénonce Antoine, lycéen en 1ère au lycée Victor Hugo, présent dans les cortèges le 10 et le 18 septembre. « Je suis là pour dénoncer les réductions de personnel dans les hôpitaux et les écoles. Il faut que ça change. »

Dans les cortèges, la jeunesse est au rendez-vous. Elle clame d’une voix : « On est des jeunes déter et révolutionnaires » ou « Ça suffit l’argent pour l’économie de guerre, on veut de l’argent pour l’hôpital et l’école ! »

Du côté des enseignants, le constat est le même. Simon, professeur d’histoire-géographie au lycée Henri-Poincaré à Palaiseau (Essonne), décrit un quotidien de plus en plus difficile : « Même si le Premier ministre a changé, on sait que les projets restent les mêmes. Il faut faire pression sur le futur gouvernement pour faire entendre nos revendications. » Pour lui, au quotidien, les besoins sont présents : « En Île-de-France, on manque de manuels, les conditions d’enseignement sont dégradées. Je suis aussi en solidarité avec mes collègues de la voie professionnelle, qui naviguent à vue. »

« On a raison de se mobiliser »

Aurélie Gagnier, secrétaire générale du SNUipp-FSU, insiste : « Dès la rentrée, on constate un manque de moyens criant. Dans 57% des écoles, il manque un AESH pour accompagner les élèves en situation de handicap. Ces élèves ont besoin d’un accompagnement de qualité. On a raison de se mobiliser. Il faut maintenir la pression. C’est une question de société, pas seulement d’éducation. »

Selon une enquête du syndicat, plus d’un quart des enseignants du primaire ne sont pas titulaires de leur classe, certains postes étant occupés par des contractuels ou des remplaçants. La FCPE, principale fédération de parents d’élèves, a elle aussi lancé un appel massif à la mobilisation : « Depuis plusieurs années, l’Éducation nationale traverse une crise sans précédent », écrit-elle dans un communiqué. « Chaque enfant a droit à un enseignement de qualité, chaque élève en situation de handicap doit bénéficier d’un accompagnement digne, chaque jeune doit pouvoir réussir dans un environnement propice à son bien-être. »

« Stop à l’injustice, stop à la maltraitance »

Du côté du SE-Unsa, le ton est tout aussi ferme. La secrétaire générale Elisabeth Allain Moreno pointe une rupture nécessaire avec les politiques d’austérité : « Ce 18 septembre très attendu et préparé dans tous les champs professionnels a marqué par sa très forte mobilisation partout en France la détermination à exiger une rupture dans la politique néolibérale et un tout autre cap budgétaire. » Elle poursuit : « Alors nous sommes aussi venus dire Stop ! Stop à l’injustice, stop à la maltraitance de l’employeur, stop au salaire bloqué ! S’il veut vraiment sortir le pays et ses agents publics d’une spirale infernale qu’il a créée, le futur gouvernement n’a plus d’autre choix que d’entendre cette colère et ces exigences. »

L’école au bord du point de rupture

Au cœur de cette journée de grève : le refus de l’austérité et la volonté d’obtenir un budget à la hauteur des besoins réels. Pour les syndicats comme pour les citoyens présents, il s’agit d’un moment de bascule pour les services publics. « Il faut se dire que chacun a un rôle à jouer. Former au budget, comprendre la répartition des richesses : c’est aussi ça défendre l’école », résume Aurélie Gagnier.

La mobilisation du 18 septembre 2025 s’inscrit dans un contexte social tendu, marqué par la mémoire des grandes manifestations pour les retraites de 2024. La secrétaire géénrale du Se-UNSA rappelle que « les personnels de l’Éducation nationale, déjà très impactés ces dernières années par la destruction des services publics, la dégradation des conditions d’exercice et une absence de revalorisation salariale, se retrouvent à nouveau pleinement concernés par les mesures d’économie envisagées. » Pour les syndicats, la journée pourrait être le point de départ d’un mouvement plus large, à la croisée des luttes pour l’éducation, la justice sociale et la défense des services publics. « Il y a aussi la menace de l’extrême droite, une conscience du caractère crucial du moment. Maintenant l’enjeu, ce sont les suites ! » résume Sophie Vénétitay.

Djéhanne Gani