Présidentielle. « Les jours heureux ? Évidemment que ça me parle ! »

Aux côtés des communistes, de nombreux sympathisants rejoignent les comités de campagne de Fabien Roussel, le candidat du PCF à l’Élysée crédité pour la première fois ce vendredi de 5 % par un sondage. À Marseille, Hélène, une jeune vendeuse et ancienne syndicaliste étudiante, et Pascal, un travailleur social et militant associatif, ont décidé de franchir le pas.

Hélène@ Nicolas Cleuet

Hélène@ Nicolas Cleuet

Peut-on encore s’intéresser à une élection présidentielle en 2022 sans être un militant de longue date ? Si les Français, selon les politologues, sont encore assez peu dans le bain de la campagne, Hélène et Pascal, eux, ont franchi le pas. Ils en sont même devenus acteurs à part entière en rejoignant le comité des Jours heureux des 9 e et 10 e arrondissements de Marseille.

Comme tous les communistes avec lesquels ils s’activent pour faire connaître leur candidat, ils se sentent encourager par les « Oh les cocos ne lâchez rien ! » entendus à la sortie d’une station de métro, trois jours avant le meeting de Fabien Roussel dans la cité phocéenne. Eux, ont choisi de ne pas adhérer mais ils mènent campagne tambour battant comme « compagnons de route ».

Elle, a 27 ans. Ancienne syndicaliste étudiante, et malgré un master 2 en physique chimie, elle travaille comme responsable d’étage dans une boutique. Lui, est mandataire judiciaire à la protection des majeurs. « C’est juste le nouveau terme pour tuteur », précise-t-il, bonnet rouge vissé sur la tête, avec un accent qui ressemble à s’y méprendre au chant des cigales. Elle a trouvé la suite de son engagement étudiant auprès des communistes. « Au-delà de leurs idées politiques, ils sont toujours aux côtés des populations. Par exemple, quand des sections organisent du soutien scolaire, ça me parle », assure Hélène. Lui ne se définit pas comme communiste. « Je laisse ça à ma femme !, s’amuse Pascal, elle a une façon de penser, de réfléchir. Devant la télévision, elle ne peut s’empêcher de tout décrypter. »

Tous deux sont des membres actifs du « Comité des jours heureux » de leurs quartiers. Des assemblées générales y sont organisées tous les mois. Et c’est d’abord la fraternité qu’elle y trouve qui a séduit Hélène. « Les communistes ont une bienveillance auprès de tout le monde. Dès que j’ai une question sur la politique ou la société, ils prennent le temps de m’expliquer leurs points de vue », raconte la jeune vendeuse. Travaillant 43 heures par semaine, elle ne peut consacrer que peu de temps à la campagne, « généralement le soir de mon jour de repos, et l’accueil des habitants est de plus en plus positif ». « Moi je reste un simple mercenaire, quand on m’appelle et que je peux donner un coup de main, je fonce », poursuit Pascal. Fils d’un militant socialiste, ce président d’une association luttant contre la bétonisation à marche forcée de la cité refusait de s’engager dans les joutes politiques avant le Printemps marseillais. Il en a été l’un des candidats étiquetés « société civile ». « L’élection de Benoît Payan m’a fait dire que les choses pouvaient bouger », assure-t-il. Car aux dernières municipales, la gauche unie a mis fin aux années de la droite Gaudin, mortifères pour les classes populaires. Et d’ajouter : « je suis de la gauche qui veut que ça change ! »

Et pour cause. Comme beaucoup, ces sympathisants vivent au quotidien les conséquences des régressions sociales des dernières décennies. « Quand j’ai commencé en 1994, avec le statut d’assistant social, je suivais 45 personnes maximum. Maintenant j’en ai 85 », témoigne, un brin furax, Pascal. Le nœud du problème est pour lui évident : « une politique de réduction des coûts » qui lui donne « l’impression d’être un gestionnaire de patrimoine ». Après deux années de prépa au lycée du parc à Lyon, Hélène s’est inscrite en 3e année de licence, à Luminy, près de Marseille. « Mes conditions de vie en cité U m’ont conduit à rejoindre l’UNEF. Dans ma chambre, le plafond de la douche était tellement pourri qu’il tombait. » Durant ses études, les mobilisations ont réussi à arracher un échelon 0 bis pour les bourses, d’un montant de 1 042 € versé sur 10 mois. « Si on n’a pas la chance d’avoir des parents qui peuvent nous aider, on ne peut étudier dignement. Fabien Roussel a raison de faire de la jeunesse une priorité, quand d’autres souhaitent augmenter les frais de scolarité. » Une allusion à Emmanuel Macron, qui estime désormais qu’ « on ne peut pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix », quand le candidat du PCF table sur un revenu étudiant de 850 euros minimum, ouvert à tous. « Regardez le scandale dans les EPHAD ! enrage à son tour Pascal. En confiant leur gestion au privé, le capitalisme, avec sa logique de bénéfice à tout prix, dégage de l’argent sur le dos des retraités. C’est une connerie monumentale, mais on continue de leur déléguer des missions publiques ! » Pour le travailleur social, c’est au cœur du système économique qu’il faut s’attaquer. « Au pouvoir sous Hollande, les verts et les socialistes ont montré qu’ils ne voulaient pas la rupture, déplore-t-il. Il faudrait au contraire taper dans le portefeuille des grosses entreprises et des riches. »

La gauche n’en est pas moins en difficulté, aucun de ses candidats ne parvient à franchir durablement la barre des 10 %. « À défaut d’une victoire, Fabien Roussel remet de l’espoir dans la vie des gens. On fait des belles choses et advienne que pourra », répond Hélène, un brin fataliste. Pour Pascal, l’essentiel c’est qu’avec des propositions comme l’embauche de 90 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dans l’Éducation nationale, « la candidature communiste permet un débouché politique à nos revendications ».

D’ailleurs, dans la cité de la bouillabaisse, la polémique autour du vin, de la viande et du fromage laisse pantois ces deux néomilitants. « Je ne regarde pas les chaînes infos parce que ça m’énerve et je n’étais même pas au courant de cette polémique », balaye l’ex syndicaliste de l’Unef tandis que Pascal s’agace. « Ceux qui l’ont critiqué sont totalement idiots. D’autant que dans sa réponse, Roussel réussi à poser la question sociale de l’accès à une alimentation de qualité pour les plus pauvres », reproche-t-il. « Cela me rend malade de voir la misère dans la rue en bas de chez moi. La gauche ne peut pas gagner la présidentielle, mais quand j’écoute les communistes, ils parlent de la vie vraie, et mènent la bataille idéologique », insiste-t-il. Le « roussellement » – selon la formule utilisée à Marseille par le député du Nord pour prendre le contre-pied de la théorie du ruissellement si chère à Emmanuel Macron – fait de mesures sociales dont le Smic à 1 500 euros net, les 32 heures et la retraite à 60 ans, ça lui parle.

Comme Hélène, il a d’ailleurs prêté main-forte pour le meeting de Fabien Roussel. « C’était une première pour moi et c’était impressionnant, rapporte Pascal. Voir autant de fraternité, ça fait chaud au cœur. Les gens réagissaient à l’unisson non pas par fétichisme, mais parce que le candidat portait leurs tripes ! » La jeune femme avait participé à celui de la place Stalingrad en novembre à Paris, « mais ici, il y avait plus de monde », se réjouit-elle confiant son émotion de voir « chanter l’internationale, tous ensemble, le poing levé ». Une symbolique militante qui se transmet aussi à l’occasion de cette campagne. « J’ai appris la signification des Jours heureux il n’y a pas longtemps. Je ne suis pas communiste moi ! », s’amuse Pascal, qui voit dans ce slogan, repris du programme du Conseil national de la Résistance, « un très beau projet de société ». « Évidemment que ça me parle. Ce n’est pas le but de la vie de se lever tous les matins en étant triste, s’enthousiasme Hélène, je ne veux pas avoir que des contraintes, mais du « temps pour » ! ». La suite ? « La campagne est bien partie ! La présence de Sophie Camard est un signal positif », glisse le travailleur social. Figure du printemps marseillais, la maire du 1er secteur de Marseille et suppléante de l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale a annoncé son soutien à Fabien Roussel, le temps de la présidentielle, convaincue que « la gauche ne peut exister sans parler au monde du travail ». Un élargissement, vivement souhaité l’équipe de campagne du candidat et qui pourrait contribuer à ancrer la « dynamique Roussel », déjà visible dans la cité phocéenne et qui commence à se répercuter dans les enquêtes d’opinion, avec un premier sondage Opinionway le créditant de 5 %.


Rejoindre le comité des jours heureux du Tarn et Garonne

 

 


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