INTERVIEW. Alain Daziron, organisateur des Journées de Larrazet : « Il y a plus une crise de la pensée de l’école que de l’école elle-même »

 

L’équipe organisatrice des Journées de Larrazet réunie samedi autour d’Alain Daziron.
L’équipe organisatrice des Journées de Larrazet réunie samedi autour d’Alain Daziron. DDM – Daniel VILLA VEGA

Annulées en 2020 et 2021, les Journées de Larrazet font leur retour, les 19 et 20 novembre. Avec un thème passionnant, « Réfléchir et habiter l’école ». Alain Daziron nous en parle.

Elles font partie du paysage culturel du Tarn-et-Garonne et avouons-le en natif de ce terroir lomagnol, cela nous fait plaisir de reparler des Journées de Larrazet. Plaisir partagé par Alain Daziron, historien et animateur attitré de la Maison de la Culture, qui nous présente cette 38e édition, programmée le week-end des 19 et 20 novembre.

Alain Daziron, comment sont nées les Journées de Larrazet ?

Comme beaucoup de choses, on ne le voit qu’après. Mais Larrazet est une commune qui a l’idée d’un carrefour. Il y a ici une culture du lien, de la créativité. Larrazet a toujours été une commune ouverte, qui fédère. Ces Journées sont nées, en 1983, d’une grande ébullition des communes de la Lomagne, avec une jeunesse qui était très active dans les villages. Nous, on a été les catalyseurs de tout ça.

Ce creuset d’idées, on le retrouve aussi dans le journal « Le Trait d’union ».

C’est bien que vous fassiez le lien entre les Journées de Larrazet et « Le Trait d’union » car pour nous, cela relève d’une démarche élaborée qui me semble réfléchie et cohérente. Ce projet repose sur l’idée que l’identité d’une commune ne peut pas s’organiser sans un peu d’ordre. « Le Trait d’union » est un journal communal, à ne pas confondre avec un journal municipal. C’est même un journal de pédagogie communale. Une commune, c’est une société réelle. Le conseil municipal viendrait à disparaître, ce qui serait un malheur, la commune, elle, survivrait car elle a une réalité. Elle peut s’arrêter si les hommes et les femmes qui l’habitent n’ont plus le désir de la faire vivre. Félix Castan disait : On touche toujours le sol quelque part. Le Trait d’union a cet ancrage communal très fort.

Aujourd’hui, le débat sur l’école est pauvre. Il y a une très grande crise de la pensée de l’école qui est peut-être liée à la crise de la politique.

Les Journées de Larrazet explorent des sujets de société. Comment le thème est-il choisi ?

De façon totalement arbitraire et aléatoire, même si souvent l’actualité nous guide. Par exemple, on avait choisi d’organiser des journées sur le football à la mort de Johan Cruyff. En 2023, on a déjà choisi le thème : on parlera de l’agriculture et de l’alimentation.

Venons-en à cette édition 2022 sur le thème « Réfléchir et habiter l’école ».

C’est la 3e fois que les Journées de Larrazet s’intéressent à l’école après 2009 et 2011. L’un des objectifs de ces Journées est d’accueillir des gens qui ne se rencontrent pas forcément et qui ne pensent pas pareil. Pour moi, il n’y a pas de crise de l’école ; par contre, il y a une grande attente de l’école. Aujourd’hui, de mon point de vue, le débat sur l’école est assez amorti, il est pauvre. Il y a une très grande crise de la pensée de l’école, qui est peut-être liée à la crise de la politique. Il n’y a plus de livre de réflexion, de fond sur l’école.

Comment analysez-vous cette crise de l’école ? À quoi est-elle due selon vous ?

Il y a de grands noms de l’école qui sont un peu narcissiques, ils ne veulent pas se remettre en cause. En fait, on ne parle plus de l’école réelle mais de l’idée que l’on s’en fait. Ces Journées de Larrazet, elles, n’ont que des défis à relever, car on souhaite toucher le grand public.

C'est la troisième fois que les Journées de Larrazet abordent le thème de l'école.

C’est la troisième fois que les Journées de Larrazet abordent le thème de l’école. Photo DDM

Réfléchir et habiter, ces deux verbes questionnent, surtout le second.

Habiter l’école, cela vient du réflexe, de la culture d’un enseignant. Un professeur est heureux d’avoir habité l’école toute la journée. Les grands mots, comme refonder l’école, ça ne me plaît pas du tout, c’est de la langue de bois. Habiter l’école, c’est du concret. Cela revêt plusieurs dimensions selon moi. Habiter la classe, être à la hauteur, compétent, relationnel. En classe, il faut tenir la tranchée, il faut savoir aussi mettre son cours en récit. Il y a aussi la dimension d’habiter le sens, de se demander ce qu’on transmet aux élèves. Enfin, il s’agit d’habiter les interfaces, de construire des relations avec la société, les familles. Il faut construire l’autorité.

L’institution Education nationale est experte dans l’art d’enterrer tous les débats et de mettre la poussière sous le tapis.

Où va l’école ?

En un temps où l’école est comme saisie de vertige, bien malin qui pourrait dire doctement où va l’école. Cela nous invite à beaucoup d’humilité et justifie à elle seule nos Journées et ce, d’autant que l’institution Education nationale est experte dans l’art d’enterrer tous les débats et de mettre la poussière sous le tapis !

Un mot sur vos invités.

Dans les personnes qu’on a sollicitées, on a eu quelques échecs. Luc Ferry, Marcel Gauchet et Philippe Meirieu n’ont pas donné suite. Mais on a un panel très intéressant. Je pense à Vincent Troger, un homme des sciences de l’éducation qui a une pensée très claire. Sur l’histoire des grandes réformes de l’école, il va remettre de bons repères dans toutes les têtes. On accueillera aussi Laurent Lescouarch, de l’université de Caen. Lui va aborder l’interface école/familles, ce qui accroche entre les parents et les professeurs.

Je voudrais aussi parle d’Anne Barrère, une personne de grande qualité. Cette chercheuse en sciences de l’éducation est originaire du Pays basque ; elle était déjà venue aux Journées de Larrazet en 2011. Elle explique que le sens du métier a été oublié à force de réformes.

Pour la table ronde du samedi soir, je réunirai Vincent Denis, principal du collège de La Salvetat-Saint-Gilles ; Audrey Bassau, professeur d’histoire à Paris qui sera la régionale de l’étape puisqu’elle est la fille du maire de Tournecoupe, commune de la Lomagne gersoise ; André Tricot, un homme exceptionnel, formateur spécialiste du métier d’enseignant mais aussi du numérique et Cécile Baron, membre du collectif des écoles marseillaises. Ce collectif d’enseignants et de parents s’est mobilisé pour dénoncer le mauvais état des écoles dans certains arrondissements de Marseille. Il prône l’excellence pour tous.

Le dimanche, nous accueillerons Benoît Falaize, du centre de recherches de Sciences Po. Cet historien, inspecteur pédagogique régional est le coauteur du livre Les territoires vivants de la République, contrepoint bien sûr de l’ouvrage d’Emmanuel Brenner sur les Territoires perdus de la République. Philippe Champy, auteur et éditeur, nous expliquera ce qui bloque dans l’école de la République. Enfin, Roger-François Gauthier interrogera la fonction de l’école aujourd’hui. Il organise un colloque à Paris sur les savoirs et a coécrit un livre avec Champy, « Contre l’école injuste ».


Informations pratiques

38es Journées de Larrazet, samedi 19 et dimanche 20 novembre sur le thème « Réfléchir et habiter l’école ».
Samedi: conférences à partir de 14 h, table ronde « Au cœur du quotidien de l’école» à 21 h.
Dimanche: conférences à partir de 14 h. Entrée libre et gratuite au forum.

Repas: 15€ (réservez à l’avance auprès de la Maison de la Culture de Larrazet au 06.82.49.12.04).

Page Facebook: @journeeslarrazet2022.

Site internet: www.maisondelaculture-larrazet.fr

Renseignements: Maison de la Culture de Larrazet.

E-mail: adaziron@wanadoo.fr


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