Lycée professionnel. L’Élysée veut frapper vite et fort

En mettant la réforme de la voie professionnelle au rang de ses priorités, avec un projet de loi annoncé d’ici à l’été, Emmanuel Macron ravive les inquiétudes des défenseurs de la filière.

« Pour Emmanuel Macron, le lycée pro doit uniquement servir à l’insertion, afin de servir son objectif du plein-emploi à l’horizon 2027   », explique Catherine Prinz, de la CGT Éduc’action. NICOLAS MESSYASZ/SIPA

« Pour Emmanuel Macron, le lycée pro doit uniquement servir à l’insertion, afin de servir son objectif du plein-emploi à l’horizon 2027 », explique Catherine Prinz, de la CGT Éduc’action. NICOLAS MESSYASZ/SIPA
 

Si les récentes annonces de l’exécutif sur le « pacte » et la rémunération des enseignants ont été abondamment commentées, celles qui concernent l’avenir des lycées professionnels sont – c’est hélas habituel – passées presque inaperçues.

Pourtant, alors que la « voie pro » compte pour environ un tiers des lycéens français, leur portée n’est pas moindre, au contraire. D’autant que, à en croire les syndicats, vent debout depuis la prise de parole du président de la République le 17 avril, c’est peut-être l’existence même de la filière qui pourrait se voir mise en cause.

Malaise depuis qu’en juillet, l’enseignement et la formation professionnels sont sous la double tutelle des ministères de l’Éducation… et du Travail

Par leur forme même, les annonces d’Emmanuel Macron ont de quoi inquiéter. Parmi les trois grands chantiers (ordre et justice, travail et « mieux vivre ») vers lesquels il souhaite orienter l’action du gouvernement, s’il a rattaché l’éducation nationale au « mieux vivre », la réforme de la voie professionnelle a, quant à elle, été abordée au chapitre « travail ».

Une séparation qui vient accentuer le malaise ressenti depuis que, dès la nomination de Carole Grandjean comme ministre déléguée, en juillet 2022, l’enseignement et la formation professionnels ont été placés sous la double tutelle des ministères de l’Éducation… et du Travail. Du jamais-vu depuis les années 1930.

Et, dès le 18 avril, devant les représentants du patronat, le président de la République en a remis une couche. Il a confirmé qu’il voulait accélérer l’allure de la réforme de la voie pro annoncée en septembre, et qu’à cet effet un projet de loi serait présenté « d’ici à l’été ».

« Il s’agit de faire travailler plus les vieux et les jeunes »

Or, une loi, « il n’en a jamais été question dans les échanges avec le ministère », s’inquiète Axel Benoist, cosecrétaire général du Snuep-FSU. « Cela ne peut que nous faire craindre davantage un basculement complet vers une tutelle du ministère du Travail… et vers toujours plus d’apprentissage. Ce serait d’ailleurs cohérent avec le reste des réformes, celle des retraites bien sûr, mais aussi celles de l’assurance-chômage, du RSA… Il s’agit de faire travailler plus les vieux et les jeunes… »

Sur le plan du contenu, pas de quoi rassurer, en effet. Alors que la mobilisation des personnels avait conduit Carole Grandjean à manœuvrer en recul sur la volonté présidentielle d’augmenter de 50 % la durée des stages, Emmanuel Macron revient à la charge… par la bande.

L’idée serait de ne pas accroître la durée des stages sur les trois ans de lycée, mais d’en diminuer la charge en seconde pour mieux l’augmenter en terminale. Une mauvaise idée, juge Axel Benoist : « La terminale, c’est l’année de la certification, ce n’est vraiment pas celle où il faut diminuer le temps de présence des élèves dans les établissements. »

« On casse l’ascenseur social, c’est inadmissible »

Cela pourrait aussi s’accompagner d’un aménagement du calendrier s’inspirant – malgré les fortes critiques dont elle fait toujours l’objet – de la réforme du bac général. On aurait, dès mars, les épreuves écrites, suivies d’une période de stage, puis retour au lycée pour passer un « grand oral ».

À l’issue de celui-ci, les élèves seraient séparés en deux groupes : ceux qui envisagent une poursuite d’études reprendraient les cours. Alors que l’expérience du bac général vient de montrer, de l’aveu de Pap Ndiaye lui-même, à quel point il pouvait être compliqué d’intéresser les élèves aux cours une fois les épreuves les plus importantes passées, on peut s’inquiéter encore plus si le même principe était appliqué au lycée pro, où, reconnaissent tous les profs, faire venir les élèves en cours est parfois la chose la plus difficile…

Quant aux élèves qui viseraient une insertion professionnelle, ils repartiraient sur une nouvelle période de stage. On ne saurait mieux montrer, explique Catherine Prinz, de la CGT Éduc’action, que « pour Macron le lycée pro doit uniquement servir à l’insertion, pour servir son objectif du plein-emploi à l’horizon 2027. Nos élèves sont issus de catégories socioprofessionnelles défavorisées, souvent en difficulté scolaire : en les traitant ainsi, on les pousse à renoncer à la poursuite d’études. On casse l’ascenseur social, c’est inadmissible ».

Le possible abandon partiel des volets les plus décriés de la réforme Blanquer ne suffira sans doute pas à calmer les inquiétudes. « On ne veut plus former ces jeunes à un métier, juste à des postes de travail, reprend Catherine Prinz. Cela va de pair avec la mise en place des blocs de compétences au risque, à terme, du démantèlement des diplômes. »

Or, sans un vrai diplôme, remarque Axel Benoist, « c’est la possibilité d’évoluer dans son métier qui est remise en cause ». Autant de raisons pour qu’élèves et enseignants de la voie pro se fassent entendre lors des rassemblements du 1er Mai.

 

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