En tenant compte de l’inflation, le salaire réel des professeurs a stagné ou baissé, alors que les salaires du privé ont eux continué à monter. Les profs, qui étaient des classes moyennes « supérieures ou un peu supérieures » il y a 25 ans ont aujourd’hui dégringolé dans l’échelle sociale. Les profs ont subi un déclassement indéniable. La preuve avec les explications de Ludo, d’Osons Causer.
Le déclassement salarial
Quand on regarde l’évolution des rémunérations des enseignants depuis 25 ans, on pourrait croire que les profs sont de mieux en mieux payés.
Oui, le chiffre écrit sur leur fiche de paye a augmenté, mais attention, ce chiffre ne tient pas compte de l’inflation, de la hausse des prix qu’il y a eu depuis 1996. Il fournit donc une information très limitée.
Quand on regarde l’évolution du salaire réel, qui tient compte de l’inflation, la situation est bien moins reluisante.
Les profs certifiés, qui forment le gros bataillon des profs de collège/lycée, ont perdu 9% de salaire réel. Ils sont aujourd’hui à peine au-dessus du salaire moyen, alors qu’ils étaient bien plus haut il y a 25 ans.
Les profs des écoles stagnent et viennent de passer sous le salaire moyen. Les agrégés, qui sont un peu l’aristocratie des profs, ont perdu 12 % de salaire réel. Ils étaient au niveau des cadres du privé et ont aujourd’hui complètement décrochés.
En tenant compte de l’inflation, le salaire réel des professeurs a stagné ou baissé, alors que les salaires du privé ont eux continué à monter. Les profs, qui étaient des classes moyennes « supérieures ou un peu supérieures » il y a 25 ans ont aujourd’hui, ils ont dégringolé dans l’échelle sociale. Les profs ont subi un déclassement indéniable.
Le gel du point d’indice
Derrière ce grand déclassement, il y a une logique. Les profs sont des fonctionnaires. Contrairement aux salariés du privé, ils ne peuvent pas négocier leur salaire.
Leur salaire dépend du point d’indice et ce point d’indice a décroché par rapport à l’inflation.
Ça fait 25 ans que ce point d’indice – qui entraîne avec lui la rémunération de tous les fonctionnaires, prof ou non – augmente beaucoup moins vite que les prix. Entre 2000 et 2023, les prix ont augmenté de 50% mais le point d’indice lui, seulement de 14%. Voici la principale cause de la chute du salaire réel des profs.
Il est important de bien comprendre la portée de ce décrochage pour mieux situer l’augmentation de 3,5 % annoncée par le ministre Stanislas Guérini en 2022. En réalité, cette augmentation de 3,5% pendant une année avec une inflation à 5,2% représente une perte de pouvoir d’achat de 1,7% (SOURCE : INSEE, Indice des prix à la consommation – Glissement annuel).
Face à ce décrochage, que penser des revalorisations annoncées par le gouvernement pour la rentrée 2023 ?
Les « revalorisations » 2023 de Macron
Première chose à noter : les revalorisations proposées par Macron pour la rentrée 2023 ne sont pas des hausses de salaires mais des hausses de primes. 2 milliards de primes pour être exact C’est important de noter la différence parce que les primes n’entrent quasiment pas dans le calcul de la retraite.
Grâce à la hausse de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE ou ISAE au primaire), tous les profs toucheront au moins 100 € net / mois supplémentaires s’ils sont à temps plein.
Les profs en début de carrière (moins de 15 ans de carrière) verront leur prime d’attractivité augmenter jusqu’à 222 € net /mois (pour l’échelon 6, de 8 à 12 ans d’ancienneté).
Enfin, les primes pour professeurs principaux des classes de première, terminale et seconde année de CAP seront revalorisées pour atteindre des niveaux similaires à celles des autres professeurs principaux.
En savoir plus sur les primes : voir l’article très complet du Café Pédagogique.
Le collectif Nos Services Publics a fait le calcul de l’impact de ces primes 2023 sur la rémunération des profs.
Résultat : pour l’essentiel des profs de collège et de lycée, qu’ils soient agrégés ou certifiés, la hausse du point d’indice de 2022 et les primes Macron pour 2023 ne compensent même pas l’inflation des dernières années. 70 % des profs gagneront moins à la rentrée 2023 qu’en 2021. Macron invente la revalorisation qui t’appauvri.
Seuls les profs en début de carrière, qui ont entre 2 et 12 ans d’ancienneté, gagneront plus en 2023 qu’en 2021 malgré l’inflation. Cela dit, d’après les calculs de Nos Services Publics, la hausse de pouvoir d’achat n’est pas mirobolante : entre 1.6 et 6.5 % supplémentaires maximum, selon leur statut et leur ancienneté. Même les profs les mieux servis par les annonces Macron sont très loin des +10% annoncés pour tout le monde.
La situation des professeurs contractuels est encore pire. Aujourd’hui, ces profs précaire représentent 1 prof sur 9 au collège et au lycée (p,169). A la rentrée 2010, il y a 10 ans, ils n’étaient seulement qu’1 prof sur 20 (p,18).
38,6 % de ces profs précaires travaillent à temps partiel. Ils n’auront ainsi même pas droit à l’intégralité des 100€ de prime de présence devant les élèves.
SOURCE : Bilan social de l’Éducation nationale 2020-2021, Tableau 5.1, Part du temps partiel dans le secondaire public, p.175
Le Pacte et le temps de travail des enseignants
En plus des 2 milliards de prime, le gouvernement propose 1 milliard d’euros pour un pacte avec les enseignants : « Vous voulez plus d’argent ? Ok pas de soucis, faites des heures supplémentaires et vous gagnerez plus. »
Concrètement, les heures sups proposées, c’est que des profs de primaire aillent faire du soutien scolaire dans les collèges, c’est de s’engager à remplacer au pied levé un prof absent, c’est la coordination de « projets pédagogiques innovants ».
SOURCE : Sgen-CFDT, “Salaire des enseignants et des CPE : quelle augmentation ? Quelles primes ?”, Avril 2023, Tableau “Missions du pacte”.
Le sous-entendu derrière ce Pacte c’est : les profs ne doivent pas tant bosser que ça, s’ils veulent pas s’appauvrir, ils ont cas bosser davantage. Ce cliché des « profs qui travaillent pas beaucoup », avec leurs 16 semaines de vacances scolaires, on est allé le passer à l’épreuve des faits.
Quand on regarde le nombre d’heures passées en classe dans l’année, les profs français passent beaucoup plus de temps à enseigner que leurs voisins. C’est vrai au collège…. au lycée…. et surtout au primaire.
Malgré les nombreuses vacances scolaires, les profs français enseignent plus que leurs voisins. Et si on ajoute au temps d’enseignement, la préparation des cours, la correction des copies, le suivi des élèves et les autres tâches qui vont avec le métier, on se rend compte que les profs travaillent déjà pas mal. Entre 38 et 44h par semaine d’après la dernière enquête Emploi du temps de l’INSEE.
Surtout que la réalité du travail des profs, c’est qu’en plus de décrocher niveau salaires et de travailler plus d’heures que dans les autres pays, nos profs sont aussi ceux qui doivent faire cours aux classes les plus chargées.
Taille des classe : la France mauvais élève
Vous le voyez pour l’école primaire ou au collège – où on a carrément les classes les plus chargées d’Europe – la France est un des pays avec le plus d’élèves/classe.
Évidemment, plus les classes ont d’élèves, moins c’est facile de faire cours et de transmettre les connaissances, moins c’est facile de faire régner le calme, ou de prendre du temps pour accompagner chaque élève et ne pas en abandonner en route.
Que fait Macron face à ces classes surchargées ? Depuis quelques années, du fait de la démographie, le nombre d’élèves baisse un peu. Macron pourrait en profiter pour diminuer la taille des classes.
Mais non, Macron a décidé… d’en profiter pour supprimer 1500 postes de profs à la rentrée 2023.
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Une réflexion sur « Comment Macron appauvrit (encore) les profs (Vidéo + schémas) »