Tout est parti de la participation annoncée d’Emmanuel Macron à la messe célébrée par le pape ce samedi, dans le stade Vélodrome à Marseille. Elle suscite de vives critiques à gauche, qui fustigent une entrave à la laïcité. C’est dans ce contexte que le sénateur LR des Bouches-du-Rhône Stéphane Le Rudulier s’exprime le 18 septembre sur X (ex-Twitter) sur le sujet : « Messe du pape à Marseille en présence du président Macron. Pour sortir de toute polémique et hypocrisie j’ai déposé avec 34 sénateurs une proposition de loi pour consacrer les racines judéo-chrétiennes de la France Assumons nos racines et notre héritage au grand jour ! ».
Quelques heures plus tard, le sénateur communiste des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias lui répond : « Je souhaite que le président n’assiste pas à cette messe, au nom du principe de laïcité, consubstantiel de notre République laïque et sociale. Mieux, je propose de constitutionnaliser l’article 2 de la loi de 1905 afin d’acter une séparation totale ». Les positions sur le sujet sont diamétralement opposées au sein de la Chambre haute, que ce soit sur la présence du Président à la messe du pape ou sur leur division de la laïcité.
La présence d’Emmanuel Macron à la messe du pape ne fait pas l’unanimité au Sénat
Les sénateurs ne sont donc pas d’accord sur la venue d’Emmanuel Macron à la messe du pape à Marseille. Pour le LR Stéphane Le Rudulier, c’est un une polémique de trop : « Il faut arrêter l’hypocrisie, tous les présidents de la République sont premier chanoine du Latran. Que le Président aille à Marseille rencontrer le pape et participer à la messe ne me choque nullement. Il faut ouvrir les yeux, la venue du pape est une bonne nouvelle pour Marseille. Cela fait cinq cents ans que cela n’avait pas eu lieu », explique-t-il. « Et puis ce n’est pas le premier président à assister à une messe du pape », argumente-t-il, faisant référence à la présence de Valéry Giscard d’Estaing à une messe de Jean Paul II en mai 1980, « à l’époque, ça n’avait pas fait autant de polémiques ».
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Le communiste Pierre Ouzoulias n’est pas du tout de l’avis du sénateur marseillais. Il explique à Publicsenat.fr : « La présence d’Emmanuel Macron à une messe, en sa qualité de président de la République, me gêne. Comment voulez-vous faire respecter la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école si vous allez à une messe en tant que Président ? Tout le monde a le sentiment qu’il y a deux poids deux mesures : il y a des dérogations pour la religion non majoritaire, parce que la majorité, ce sont les non-croyants, et pas pour les autres religions ».
Les « racines judéo-chrétiennes » de la France : « L’expression me fait bondir »
Ces positions antagonistes proviennent de visions qui s’affrontent sur la laïcité. Pour le LR Stéphane Le Rudulier, la laïcité telle que définie dans la loi de 1905, qui consacre la liberté de culte et la neutralité de l’Etat face à eux et à leur financement, peut se conjuguer avec « l’expression culturelle plus que cultuelle » que constitue la présence d’Emmanuel Macron à une messe. « Notre pays a des racines judéo-chrétiennes, les Français ont un attachement particulier à cet héritage », argumente-t-il. Le sénateur a d’ailleurs déposé en mai 2023 une proposition de loi visant à inscrire une mention aux « racines judéo-chrétiennes » de la France à l’article 1er de la Constitution. « Cela éviterait les polémiques récurrentes sur les crèches et le sapin de Noël dans les mairies », explique-t-il.
Pierre Ouzoulias, lui, rejette complètement le recours à l’expression « racines judéo-chrétiennes de la France ». Le sénateur, qui est aussi archéologue, explique : « La France n’a des racines judéo-chrétiennes que depuis la Shoah. Les juifs ont été persécutés pendant 2 000 ans et ont été expulsés au moins dix fois du royaume de France. La première mesure antisémite en France date du IVe siècle. L’expression me fait bondir, parce que la chrétienté occidentale s’est construite dans l’exécration du Juif ».
Le sénateur communiste, lui, prône une laïcité qui ne serait pas « imparfaite ». Il regrette qu’aujourd’hui, des dérogations territoriales, comme le concordat en Alsace Moselle, existent. « Je considère qu’il y a une dérive néoconcordataire dans notre pays aujourd’hui. Il y a une continuité depuis 2018, une décharge politique assumée, revendiquée, de ce sujet. Ce n’est bon ni pour la laïcité ni pour l’Église catholique », se désole le sénateur. Il regrette particulièrement l’attitude d’Emmanuel Macron, lors de son discours devant la Conférence des évêques de France en 2018, où il affirmait qu’il fallait « réparer le lien » entre l’Eglise et l’Etat, ou encore celle d’Edouard Philippe qui, dans son dernier livre Des lieux qui disent, affirme que la loi de 1905 « n’est peut-être pas en mesure de traiter la spécificité de l’islam ».
Pourquoi tant de divisions sur la laïcité ?
Jusqu’au Sénat, Chambre haute, lieu de la réflexion de fond et des compromis, la laïcité est donc un sujet qui divise. Pour Pierre Ouzoulias, c’est parce qu’aujourd’hui, elle souffre de ces dérogations territoriales et des « grignotages » que la loi de 1905 a subis au cours des années, notamment sur l’enseignement privé. « Il faut lui donner une définition plus explicite dans la Constitution », explique le sénateur qui a déposé en novembre 2022 une proposition de loi pour inscrire dans la Constitution la non-subvention des cultes par l’Etat.
Pour Stéphane Le Rudulier, ces vifs débats autour de la laïcité sont dus à l’évolution de la société. Il dénonce « certains responsables politiques, d’extrême-gauche, qui instrumentalisent cette notion de laïcité pour en faire un combat politique électoraliste, pour monter les gens les uns contre les autres ». « Il y a la nécessité d’un dialogue avec tous les cultes, notamment le culte musulman », explique-t-il. « La droite se dit grande défenseure de la laïcité par rapport à la gauche, alors qu’à chaque fois que je propose des amendements pour supprimer le concordat, par exemple, ils votent contre. Elle défend la laïcité quand cela cible une religion en particulier », dénonce Pierre Ouzoulias. La droite et la gauche sont-elles donc irréconciliables sur le sujet ? « C’est un sujet qui clive la droite et la gauche, mais il faut en discuter, c’est ce qui fait évoluer le débat », nuance Stéphane Le Rudulier.
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