Extrême droite : L’inquiétante bascule de l’opinion (notre dossier)
NDLR de MAC: Et bien entendu l’opération de communication des ministres Véran et RimaAbdulMalak en visite dans la cité Uvale offrent une tribune au roitelet RN de Moissac qui en profite pour distiller son venin, bien content de trouver là une audience de portée nationale a ces propos fascisants. Cela était tellement prévisible que cela en est pathétique!
Les communistes font bien de ne pas se compromettre dans ce genre de confrontation stérile. Ils préfèrent porter la contradiction sur le terrain dans les entreprises, les quartiers, les villages pour redonner de l’espoir et du sens, lutter pour garantir les droits conquis et en gagner d’autres. Ils font le choix de combattre le capitalisme dont le RN n’est autre que le bras armé qui préside à la peur, à l’ignorance et au repli sur soi.
La progression du Rassemblement national dans les urnes et dans les sondages est-elle la conséquence d’une adhésion grandissante à ses idées fondamentalement xénophobes et autoritaires ? Les études sociologiques montrent une réalité plus complexe. Un enseignement utile pour mieux le combattre.
Le constat est indéniable : l’extrême droite monte. Dans les urnes, Marine Le Pen a fait progresser, au premier tour de 2022, le score de son père en 2002 de 140 %, avant de faire élire 89 députés. Depuis, les sondages se suivent et empirent. Aidée par la complaisance médiatique et les « plateaux d’argent » offerts par la Macronie – selon les mots de la députée Renaissance Nadia Hai à propos de la loi immigration, lundi 11 décembre –, l’image du Rassemblement national n’a jamais été aussi radieuse. Pour la première fois depuis 1984, les Français sont plus nombreux à penser que le Rassemblement national ne présente pas de danger pour la démocratie (45 %) que le contraire (41 %), selon l’institut Verian-Epoka. Les différentes listes d’extrême droite sont annoncées autour de 35 % aux élections européennes de juin et Jordan Bardella, président du RN, ferait même « un bon premier ministre de cohabitation » pour 46 % des Français, selon un sondage Elabe publié mercredi.
Une bataille culturelle qui porte ses fruits
Faut-il pour autant en conclure que les idées sécuritaires et xénophobes du RN progressent massivement dans la société française ? Selon Jérôme Fourquet, « l’évolution des votes est forcément un bon indicateur de la diffusion de tel ou tel corpus idéologique ». Le politiste, sondeur à l’Ifop, souligne surtout que « la bataille culturelle du RN, menée sur les réseaux sociaux, la culture et les médias traditionnels porte ses fruits ». Cette guerre des mots et des idées conduit au fait que, pour 53 % des Français (Ifop, 2022), la théorie raciste et complotiste du « grand remplacement » est une « réalité en France ».
Le « racisme anti-Blancs », concept qui n’est pas reconnu sous sa forme « systémique » par les sciences humaines, progresse lui aussi : il était perçu comme une « réalité » par 56 % des sondés en 2012, contre 80 % dix ans plus tard (CSA). Ainsi, sur les concepts liés à l’immigration, la sécurité, mais aussi l’antiparlementarisme et le rapport à l’autorité, les études vont globalement dans le sens d’une adhésion grandissante aux fondamentaux de l’extrême droite. La part de sondés « en désaccord avec les idées du RN » est passée de 77 % à 54 %, selon le baromètre annuel de l’institut Verian-Epoka.
La tolérance en hausse constante
Et pourtant, d’autres travaux, au long cours, contredisent cette tendance à une « extrême droitisation » de la société française. Créé en 1990, le baromètre annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) montre un recul constant de « l’intolérance ». L’un de ses coordinateurs, le sociologue Vincent Tiberj, va même jusqu’à en conclure qu’« en regardant l’évolution des idées constitutives de l’extrême droite comme le racisme, l’intolérance vis-à-vis de l’immigration et des préférences sexuelles, nous n’assistons pas du tout à une montée de l’extrême droite ». Concrètement, l’« indicateur de tolérance », une échelle de 0 à 100 mise en place par les auteurs du baromètre en cumulant toutes les réponses de l’enquête, est passé de 46 en 1991 à 64 en 2022. Les images négatives sur les « Noirs », les « Arabes », les « musulmans » sont en recul constant, comme l’idée qu’il y aurait « trop d’immigrés en France ».
Alors comment expliquer ce paradoxe entre « un niveau élevé de tolérance » et « la montée des votes d’un parti exclusionniste comme le Rassemblement national », soulevé par Nonna Mayer, également coordinatrice du baromètre ? La chercheuse du CNRS explique que le baromètre intègre dans son échantillon représentatif des personnes absentes des bureaux de vote : les non-inscrits, les mal-inscrits, les étrangers résidant en France ou les abstentionnistes.
Dont une part significative des jeunes qui, plus tolérants, contribuent fortement à voir l’indice de la CNCDH progresser. « Cette enquête réalisée lors d’entretiens en face-à-face permet de mieux représenter la diversité sociale et ethnique » de la société française, insiste Nonna Mayer, en comparaison avec les scrutins et même les sondages en ligne, basés sur les listes électorales et l’accès au numérique. « L’échantillon en ligne, surtout pour des sondages politiques, sera plus proche de la France qui vote et plus à droite », ajoute-t-elle.
La sécurité et l’immigration dans les têtes des électeurs
Une autre explication, moins positive, peut tenir au fait que, même si les clichés et l’hostilité envers les minorités baissent, dans le même temps, des concepts qui ne sont plus perçus comme xénophobes se diffusent. Banalisée par les médias, reprise par la droite, rendue respectable par la comparaison avec le discours d’Éric Zemmour, Marine Le Pen capte désormais un électorat qui ne se considère pas comme raciste.
Ainsi, dans le dernier baromètre de la CNCDH, réalisé en novembre 2022, 42 % des personnes interrogées jugent que « l’immigration est la principale cause de l’insécurité », contre 35,4 % en 2021. 59,6 % pensent que « de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale », contre 52 % en 2021. Des chiffres qui sont aussi liés à un contexte : cette dernière étude a été réalisée en pleine affaire Lola, du prénom d’une jeune fille violée et tuée à Paris, dont la coupable présumée était sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Cet élément souligne l’importance des thèmes mis en avant dans le débat public. L’extrême droite l’a bien compris, comme lorsque ces dernières semaines, elle a tout fait pour que les phares médiatiques se dirigent vers le drame de Crépol (Drôme), en tentant d’imposer son récit d’une « guerre civilisationnelle » en cours. L’enjeu, pour les adversaires de l’extrême droite, serait donc de renverser, de toute urgence, l’agenda politico-médiatique imposé, auquel participe actuellement le gouvernement avec son projet de loi immigration.
Ce contexte contribue à faire monter les thèmes de « l’immigration » et de la « sécurité » en haut des « préoccupations des Français », même s’ils restent derrière « le travail et les salaires ». Ainsi, pour Antoine Bristielle de la Fondation Jean-Jaurès, « si la France est de moins en moins intolérante, en revanche, au moment du vote, les préoccupations liées à l’immigration, à la sécurité, sont beaucoup plus présentes dans l’esprit des électeurs ». « Il y a un bloc toujours conséquent de gens intolérants et, désormais, ils votent en fonction de leur intolérance », abonde Vincent Tiberj.
La crise sociale comme vecteur de diffusion de la xénophobie
Enfin, la banalisation du RN et son discours sur le pouvoir d’achat lui ont-ils permis de progresser sans nécessairement diffuser ses idées xénophobes et identitaires ? C’est un des postulats sous-jacents du livre Une histoire du conflit politique (Seuil, 2023) de Julia Cagé et Thomas Piketty. Selon ce dernier, « si les ouvriers des villages et des bourgs ont basculé en partie vers le RN, ce n’est pas du fait d’un vote anti-immigrés mais d’abord d’un sentiment d’abandon socio-économique ». Un point de vue peu partagé par d’autres spécialistes de la sociologie électorale.
« La grande force de Marine Le Pen est d’être parvenue à articuler les préoccupations sociales avec le cœur historique de son logiciel qui sont les questions identitaires et sécuritaires », rétorque Jérôme Fourquet. « Dans une société où s’intensifient les concurrences du marché du travail, mais aussi sur l’accès aux services publics, au logement, à la santé, l’idée du « nous d’abord » progresse. Ce « nous d’abord » peut donc créer une adhésion au discours de la préférence nationale », ajoute le sociologue Ugo Palheta. Dès lors, la crise sociale devient un vecteur important de diffusion des idées d’extrême droite. En premier lieu en direction d’un électorat populaire historiquement à droite, qui se contente des propositions libérales du RN « pour le pouvoir d’achat », basées sur des baisses d’impôts, de cotisations et de taxes.
Malgré tout, le tour d’horizon de ces différentes études sur les idées des Français amène à un autre constat : celles portées par la gauche, sur les services publics, les salaires, le blocage des prix, sont très largement majoritaires. « Mais aujourd’hui, tandis que Le Pen est présentée médiatiquement comme l’alternative principale à Macron, la gauche n’est pas vue comme une alternance crédible », analyse Ugo Palheta. Et ne réussit pas à imposer ses thèmes et sa vision du monde dans le débat public.
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