Prix de vente plancher ou garanti par l’État, régulation des marchés et fin de la concurrence… le Modef et la Confédération paysanne ont avancé, ce mardi, leurs solutions pour rendre sa dignité à l’agriculture familiale.
Il y a comme un hiatus. D’un côté, les dirigeants de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs évoquaient auprès du premier ministre, lundi soir, des revendications purement techniques : « Pas d’interdiction (de pesticides ni d’intrants chimiques – NDLR) sans solution » de rechange dans le futur « plan éco-phyto », la suspension de l’obligation européenne de 4 % de terres en jachère… De l’autre, les syndicats agricoles progressistes ont, eux, resserré leurs revendications lors de conférences de presse, ce mardi, sur un seul et même enjeu : les revenus des agriculteurs.
« Face aux grandes difficultés du monde paysan, on voit bien que l’on veut détourner les discussions pour passer à autre chose et, peut-être, éviter quelques responsabilités. Mais ne nous trompons pas de cible. Le grand problème que soulève le mouvement actuel est existentiel. C’est le revenu », souligne Pierre Thomas, éleveur dans l’Allier en agriculture biologique et président du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef).
Les conséquences de l’ultra-libéralisme
Militante elle aussi Modef, Lucie Illy, arboricultrice bio dans les Hautes-Alpes, décrit un système à bout de course. « Je vends mes pommes à 40 centimes à un négociant. J’ai diversifié avec de la vente directe et en restauration collective. Sans effet sur ma rémunération. Depuis six ans, je suis à – 6 000 euros par an. »
Dans l’Héraut, Didier Gadéa, viticulteur, raconte son merlot pays d’Oc vendu 60 centimes le litre, commercialisé quelques kilomètres plus loin en magasin à 9 euros la bouteille. « Des marges énormes se font sur le dos des producteurs et des consommateurs. Les négociations dans le cadre des lois Egalim ne permettent pas de couvrir nos frais. »
« Notre climat en France est extrêmement favorable à l’agriculture. Il y a quinze ans, nous étions autosuffisants, reprend Pierre Thomas. Mais aujourd’hui, nous importons 50 % de notre alimentation. Or, nous devons faire face au changement climatique, aux problèmes sanitaires, répondre à la demande sociétale légitime de protéger notre environnement. La seule solution, c’est d’obtenir un prix agricole garanti par l’État, qui nous permette de renouveler les générations d’exploitants : 45 % vont partir à la retraite dans les dix ans ! »
À la Confédération paysanne aussi, le mot d’ordre est le revenu. « On a senti venir ces mobilisations. C’était inéluctable face à une politique agricole ultralibérale fondée sur la concurrence entre agriculteurs pour la recherche de toujours plus de compétitivité, analyse Laurence Marandola, porte-parole nationale. Deux mesures peuvent protéger les paysans en augmentant leur rémunération : la régulation des marchés et l’instauration d’un prix plancher de vente de nos productions, interdisant ainsi la vente sous les coûts de production. »
Les militants des deux syndicats portent déjà ces revendications sur certains blocages. La Confédération paysanne annonce des actions en propre et sous d’autres formes les jours prochains. Les deux organisations n’attendent plus qu’une chose : porter leurs demandes sous les ors de la République, pour l’heure réservés aux syndicats cogestionnaires d’un système à bout de souffle.
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