Des accords de libre-échange permettant à des pays tiers de faire croître les exportations de viande de leurs gros élevages vers l’Europe font chuter les prix payés à nos paysans. Alors que la production européenne recule en volume, la Commission et le Parlement européen légifèrent pour limiter la taille des élevages hors sols de porcs et de volailles dans les pays membres de l’Union, ce qui favorise à nouveau les importations.
Selon certaines enquêtes d’opinion, environ 86% des consommateurs français souhaitent voir figurer sur les emballages l’origine des produits au moment de faire leurs courses en magasin. Ils sont aussi 59% à considérer que cela permet plus facilement de soutenir les producteurs locaux. Mais les informations lisibles sont encore trop rares dans ce domaine. Dans une déclaration publiée le 13 mars, la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) précisait que dans cette filière « il existe un logo à disposition des entreprises pour les marques nationales comme pour les Marques de Distributeurs (MDD) : « lait collecté et transformé en France ». Nous réitérons notre demande aux industriels et distributeurs de l’utiliser sur leurs packagings. Informer correctement le consommateur, c’est un premier pas pour valoriser le lait produit dans nos campagnes et reconnaître le travail des paysans français », ajoutait la FNPL.
La filière du lait bio a perdu 200 livreurs en 2023
Ce serait effectivement un premier pas. Mais quand le pouvoir d’achat des ménages recule, les comportements d’achat se tournent souvent vers les prix bas. Voilà pourquoi les achats de produits bios reculent car ils coûtent plus cher à produire que les produits conventionnels, tandis que les distributeurs prennent souvent des marges abusives sur les produits bios. Du coup, il est arrivé en 2022 que le prix des 1.000 litres de lait bio au départ de la ferme soit plus bas que celui du lait conventionnel. Au point que des producteurs de lait bio ont fait le choix de revenir en production conventionnelle en 2023. Sur un an, la filière du lait bio a perdu 200 livreurs, soit environ 5% de ses producteurs.
Dans la filière des volailles de chair, le label rouge et le logo tricolore sont des informations qui favorisent les achats de nombreux consommateurs dans les grandes surfaces. Mais le recul du pouvoir d’achat des ménages et les achats de la restauration collective réduisent les débouchés de la montée en gamme, ce qui nous vaut ces observations de Jean-Michel Schaeffer, président de l’Interprofession de la volaille de chair :
« D’un côté, les filières font face à une pression pour réaliser leur montée en gamme et satisfaire ainsi les attentes des citoyens en matière de bien-être animal et de naturalité. De l’autre, elles observent une augmentation de la consommation de poulet standard, le poulet du quotidien, alors que celle du poulet label rouge ou bio stagne, voire diminue depuis deux ans. En résumé, on nous demande de produire de plus en plus des poulets que l’on vend de moins en moins. Pour regagner de la souveraineté, il y a trois axes prioritaires: mener des actions visant à réduire les importations à l’échelle européenne, favoriser le développement de la production de poulet standard en France, et assurer une traçabilité de l’ensemble des produits commercialisés en France et en Europe ».
Les contradictions de la politique agricole en Europe
Mais, en France comme dans l’Europe des 27 pays membres de l’Union, les importations annuelles de 200.000 tonnes de poulet bon marché en provenance des élevages industriels de l’Ukraine sont venues s’ajouter aux 500.000 tonnes annuelles importées des gros élevages du Brésil et aux 150.000 tonnes importées de Thaïlande. Et en même temps, une majorité de députés européens au parlement de Strasbourg a voté le 12 mars un texte qui limite la taille des élevages de porcs et de volailles en Europe. Concrètement, selon la Coopération agricole, le texte voté ce jour-là « impacte les élevages porcins dès 120 truies avec engraissement alors qu’un élevage français compte en moyenne 250 ». La Coopération agricole ajoute que « l’élevage avicole se retrouve également en difficulté avec un seuil divisé par deux en poules pondeuses qu’il soit en production biologique ou conventionnelle ».
La taille moyenne d’un élevage de poulet en Ukraine est cinquante fois supérieure à celle de même élevage en France et désormais plus de 50% des poulets consommés en France sont des produits importés des pays tiers. Compte tenu de cette réalité, légiférer pour limiter la taille des élevages dans les 27 pays membres de l’Union européenne revient à favoriser les importations en provenance de ces pays avec un bilan carbone très élevé compte tenu des longs transports avec le maintien de la chaîne du froid.
Comme le montre « l’Humanité » de ce 19 mars en pages 12 et 13, ces importations favorisent la déforestation en Amazonie et ailleurs pour cultiver le maïs et le soja qui nourrissent ces volailles destinées aux consommateurs des pays membres de l’Union européenne ; ce qui accélère aussi le réchauffement climatique en cours.
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