Propagande : Bolloré placarde la tête de Bardella dans toutes les gares, les cheminots somment la SNCF d’agir
Porté par l’empire Bolloré, le livre du président du Rassemblement national, Jordan Bardella, bénéficiera d’une campagne publicitaire massive. Jusqu’à submerger les gares de France. La CGT et Sud Rail appellent la SNCF à refuser cet affichage à rebours des valeurs du groupe.
Jordan Bardella a mis du temps à le pondre, mais le voici enfin. Du moins pour qui attend vraiment sa prose. Annoncé depuis plusieurs mois, le premier livre du président du Rassemblement national, « Ce que je cherche », paraîtra en librairie le 9 novembre.
Et pour assurer sa promotion, les éditions Fayard, dirigée par Lise Boëll, éditrice qui a fait d’Éric Zemmour un essayiste d’extrême droite à succès, voit les choses en grand. D’abord, l’ouvrage sera tiré à 155 000 exemplaires. Ensuite, la maison, filiale d’Hachette Livre, propriété de Vincent Bolloré par le groupe Vivendi, a prévu d’inonder les médias du groupe de ce dernier.
Du Journal du dimanche jusqu’à CNews, sans oublier Europe 1 ou le JDNews, impossible pour leur audience de passer à côté du très absent député européen d’extrême droite. Plus surprenant, son visage devrait aussi couvrir les murs des gares de tout le pays, via une campagne publicitaire d’ampleur. Au grand étonnement de la SNCF et de ses cheminots.
Selon le document détaillant la « campagne nationale gares » de Fayard pour ce livre, que nous avons pu consulter, une « visibilité massive sur les quais des gares » a été pensée. « Dans les gares Grandes Lignes, partout en France + banlieue parisienne », peut-on encore lire. Soit un « réseau de 580 faces du mercredi 11 décembre au mardi 17 décembre ». Si vous avez prévu de prendre le train, gare à l’overdose. Au total, 13 gares parisiennes sont concernées, 54 gares en banlieue parisienne et 47 gares en « province ».
Waly Dia interdit, Jordan Bardella autorisé
Un déploiement prévu par un contrat signé entre Fayard et Mediatransports, la régie publicitaire de la RATP et de la SNCF, qui souffrait d’un manque de précision. En effet, le nom de l’auteur concerné par cette promotion n’y était pas mentionné. La SNCF n’aurait appris son identité qu’aujourd’hui.
Une campagne qui fait bondir les syndicats de la SNCF. Tout en rappelant les origines du parti d’extrême droite, fondé par des Waffen-SS, Sud Rail appelle à refuser cette campagne d’affichage. Il dénonce, par communiqué, l’absence de réaction de « Gares et Connexion et de l’ensemble du groupe SNCF » qui accepte « de participer à la promotion du président d’un parti reconnu et condamné pour des propos racistes ».
Pourtant, en début d’année, comme le rappelle le syndicat, Mediatransports avait refuser les affiches de l’humoriste Waly Dia, interrompant une campagne publicitaire validée dans un premier temps. La Raison ? Celle-ci présentait, selon la régie, « un caractère politique incompatible avec le devoir de neutralité qui s’impose dans les transports publics et pourrait être considérée comme diffamatoire ou injurieuse ».
De son côté, Thierry Nier, secrétaire général de la CGT-Cheminots, a écrit à Jean-Pierre Farandou, président du groupe SNCF, pour lui faire part de son indignation : « Je vous transmets ma colère ainsi que celle des militantes et militants de mon organisation, plus largement de nombreux cheminots, y compris de l’encadrement. Je vous demande d’agir par tous les moyens en votre possession afin de faire arrêter cette provocation ». Martelant que la SNCF et les cheminots n’ont pas à « subir cette injure », Thierry Nier ajoute que le groupe « ne peut pas se soumettre à des milliardaires tout puissants qui financent les idées de haine et le rejet de l’autre au nom d’une équation économique à des fins de rentabilité financière».
Une demande prolongée par des députés NFP, qui se sont également adressés au patron de la SNCF. « Le service public ferroviaire français qui s’est construit sur l’objectif de répondre à l’intérêt général et de garantir le droit au transport quel que soit la couleur de peau, la religion ou la nationalité des usagers n’a rien à voir avec les idées de haine et racistes de l’extrême droite », lui ont-ils écrit.
Entre Wally Dia et Jordan Bardella, deux poids, deux mesures ? Contactée par Libération, la SNCF, embarrassée, communique qu’« aucun fondement légal ne permet de justifier le refus de cette campagne publicitaire, ni un quelconque retrait ». Toutefois, joint par téléphone par l’Humanité, Mediastransports précise pour sa part qu’à l’heure actuelle « aucun visuel des affiches n’a été reçu » de la part de Fayard. « Nous pouvons refuser une campagne d’affichage si le visuel proposé n’est pas conforme à notre déontologie, à la loi, ou à la neutralité des services publics, précise la régie publicitaire. C‘est ce qu’il s’est passé autour des affiches de Wally Dia qui n’ont pas été retirées, mais refusées avant tout affichage. Pour ce qui est de Jordan Bardella, en l’absence de ces visuels, et donc dans l’impossibilité de les analyser, nous ne pouvons, pour l’heure, prendre de décision ».
C’est une évidence : par ses fonctions de président du RN et d’eurodéputé de la même formation, la figure de Jordan Bardella est éminemment politique. Une interdiction de ses affiches est-elle par conséquent à prévoir ? « On peut l’imaginer, répond Mediatransports. Cela dépendra des résultats de notre analyse globale qui prend en compte l’émetteur, son message, et le contexte ». Un nouveau revers pour le RN ?
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