Gérard Le Puill
Le 11 mars, trois jours après la journée internationale des femmes, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de a Souveraineté alimentaire, tenait une conférence de presse pour annoncer « le lancement d’un groupe de travail relatif à la place des femmes en agriculture». Elle inaugurait, en même temps, une exposition photographique intitulée «Femmes et Agriculture ».
On se gardera ici de critiquer les objectifs avancés par Annie Genevard. Mais pour s’installer et poursuivre son activité dans la production agricole, il faut pouvoir tirer un revenu de la vente de ses produits. Nous avons montré dans notre article publié hier que les enseignes de la grande distribution refusent toujours de payer le juste prix. Le 10 mars, la tonne de blé rendue au port de Rouen pour l’exportation cotait 213euros contre un prix moyen supérieur à 300 sur la seconde moitié de l’année 2022 et 260 en mars 2023. Commentant ce prix anormalement bas en 2025, le cabinet Argus Media indiquait que « la géopolitique prend le pas sur les fondamentaux du marché des grains, reléguant pour l’instant les nombreux risques climatiques au second plan ».
Quand on passe du blé au maïs, cette céréale cotait 195 euros la tonne à Creil le 11 mars contre 250 en mars 2023 et 340 en en septembre 2022. La semaine passée, selon l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM), « les prix français du maïs ont subi le contexte baissier et volatile venu d’outre-Atlantique, de même que le renforcement de l’euro ». L’AGPM indiquait que cette chute des cours s’est également produite « sous l’effet de l’annonce de surfaces de maïs en forte hausse aux Etats-Unis en 2025, puis de la panique liée à l’annonce de l’instauration de droits de douane par Donald Trump ». L’AGMP ajoutait que « les plans de dépenses militaires annoncés de l’Union européenne ont par ailleurs fait bondir l’euro face au dollar », ce qui réduit la compétitivité des céréales françaises sur les marchés internationaux.
Quand l’offre diminue sensiblement les prix remontent
En France, malgré le vote de trois versions de la loi Egalim qui devait permettre aux prix payés aux paysans de couvrir leurs coûts de production et de dégager un revenu décent de leur travail, les prix de vente des animaux comme des végétaux évoluent en permanence de manière spéculative. Ils sont orientés à la baissé quand l’offre excède la demande. Ils augmentent quand l’offre est insuffisante pour répondre à la demande solvable. Le nom de « broutards » est donné aux veaux de l’année issus des races à viande comme la charolaise et la limousine. Beaucoup de ces jeunes bovins sont exportés vivants vers huit à neuf mois au moment du sevrage. Ils partent en Italie, en Espagne, en Grèce et ailleurs pour y être engraissés. Le 3 mars dernier, sur le marché de Châteaumeillant, le kilo vif de broutard de race charolaise cotait 5,24euros contre 3,70 en mars 2024 comme en mars 2023.
Cette longue période de prix bas ne permettait aux éleveurs de tirer un revenu de leur travail. Du coup, pour ne pas trop s’endetter, ils ont vendu des vaches reproductrices dont ils avaient besoin pour produire. Le nombre des vaches en production a ainsi diminué de 730.000 têtes entre 2018 et 2023. C’est donc le recul des naissances de veaux sur plusieurs années qui a débouché sur un manque de broutards disponibles pour l’engraissement par rapport à la demande en viande bovine en France et en Europe, d’où la remontée des cours actuellement. En témoigne ce commentaire dans «La France Agricole» du 7 mars concernant les broutards :
« Le commerce reste dynamique, dans un contexte d’offre limitée. La demande est forte et les tarifs continuent de progresser pour l’ensemble des gammes de broutards. En femelles, l’offre ne couvre toujours pas la demande à l’export. Celles de qualité restent recherchées pour l’élevage ou la reproduction. En bovins d’embouche et d’élevage, le niveau élevé des prix de la viande et la faiblesse de l’offre dynamisent le marché. Le commerce est actif sur les marchés et les tarifs sont soutenus pour le bétail maigre d’embouche ou d’herbage ».
Quand sa nourriture coutait cher, le prix du porc était bas
Depuis plus de deux ans les producteurs français de céréales subissent les baisses de prix que les éleveurs de bovins ont connues avant eux. Pour ces éleveurs, il a fallu que le cheptel en production diminue au point de ne plus pouvoir répondre à la demande solvable en viande pour que les cours remontent. En France, comme dans les autres pays membres de l’Union européenne, les éleveurs de porcs ont souvent subi cette situation. Le 10 mars 2025, le kilo de carcasse de porc cotait 1,68 euros alors que le prix du maïs et des tourteaux de soja qui entrent dans leur alimentation sont bas. Mais en 2022, quand les céréales étaient très chères, le prix du kilo de carcasse de porc sur le marché au cadran de Plérin dans les Côtes d’Armor fut pendant de longs mois sous la barre de 1,30 euros.
Installer des jeunes en agriculture devient urgent alors que la majorité des chefs d’exploitations a plus de cinquante ans en France. Mais qu’il s’agisse des femmes ou des hommes, il sera difficile d’installer des jeunes et de préserver notre souveraineté alimentaire si les prix agricoles continuent de fluctuer en fonction de l’offre et de la demande, sans tenir compte de l’évolution des coûts de production.
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