François Bayrou a maintenu ses propos et dénigré ceux des autres. Il prétend avoir apporté des « preuves ». Ainsi, il a démenti de nombreux propos des gendarmes, du juge, de la professeure qui a lancé l’alerte. Mercredi 14 mai 2025, le Premier ministre a pris son temps pour contre-attaquer, et attaquer le travail de la commission et le co-rapporteur Paul Vannier (LFI), l’accusant de manipulation et de malhonnêteté. Le Premier ministre, ancien ministre de l’Education nationale et président du conseil régional, a répété que ses « seules informations […] étaient celles qui étaient dans le journal ». 43 années au pouvoir local et national sans savoir… ni pouvoir ?
« Je n’ai pas eu le sentiment que la commission était totalement objective »
« 5h30 », lâche François Bayrou à l’issue de l’audition de la commission d’enquête parlementaire sur les violences à l’école en rassemblant ses notes et deux livres, dont une enquête sur LFI, un des nombreux messages qu’il adressera au co-rapporteur insoumis Paul Vannier durant la soirée.
La meilleure défense, c’est l’attaque ?
François Bayrou a accusé la commission de partialité : «Je n’ai pas eu le sentiment que la commission était totalement objective », a-t-il déclaré. Ou encore : « manipulation et recherche de scandale, je regrette, vous êtes tombé sur un os », a lancé le Premier ministre à la commission dont il a critiqué le travail.
Objet de ses critiques : le journal Médiapart qui a enquêté sur Betharram. Le Premier ministre dit ne pas lire ce journal « par hygiène personnelle ». Si la presse d’investigation a été l’objet de ses attaques, il a aussi contesté l’appréciation de la rapporteure Violette Spillebout (EPR) qualifiant de « superficiel » le rapport de 1996. Elle en souligne des conclusions « très favorables à Bétharram ».
Le co-rapporteur Paul Vannier (LFI) met en lumière la contradiction entre ce satisfecit de François Bayrou et sa demande d’engager « une réflexion sur la violence » dans l’établissement catholique. Mais pour François Bayrou, cela signifie que « quelque chose n’allait pas. On ne peut pas trouver conduite plus conforme à ce que doit être le devoir d’un ministre », poursuit-il.
Lire aussi:
- Affaire Bétharram : François Bayrou se défend bec et ongles face à la commission d’enquête DDM
- « Il se souvient de ce qu’il veut » : des victimes de Bétharram et des députés fustigent la défense de François Bayrou lors de son audition HUMA
« J’affirme que cette dame a affabulé devant la commission »
Durant presque 6 heures, le Premier ministre a dénigré le travail de la commission, mais aussi cherché à délégitimer le témoignage de Françoise Gullung, professeure de mathématiques à Bétharram. Elle a tenté d’alerter en vain François Bayrou, alors ministre de l’Éducation nationale et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, sur les violences au sein de l’établissement.
« Sous serment, je dis que [la professeure de mathématiques Françoise] Gullung ne m’a informé de rien », déclare François Bayrou. Il veut démontrer et dit apporter la preuve qu’elle « affabule », « Je pense que cette dame a affabulé ». Selon lui, elle ne connaissait pas le Père Carricart, l’ancien directeur de l’établissement de Bétharram accusé de viol et violence sexuelle. Il évoquera aussi dans une longue digression ou diversion la question de sa mutation et remet en question le récit de sa bousculade.
Pour le Premier ministre, « les rapporteurs [de la commission d’enquête] en) ont fait la principale lanceuse d’alerte. » « La preuve a été apportée par le dossier que ce qu’elle a affirmé était non pas faux, mais pas possible ».
« Pourquoi avoir consacré plus de trente minutes de votre audition à [la] couvrir d’injures ? », demandera la députée Ayda Hadizadeh (socialistes et apparentés) à la fin de l’audition. Le Premier ministre a beaucoup digressé et dilué sa responsabilité, analyse le député écologiste Arnaud Bonnet. Il juge « honteux » ses propos sur la professeure Françoise Gullung, « la seule femme qui a eu le courage de parler ».
Pas de responsabilité particulière, « pas d’autres informations que par la presse »
« Je n’ai pas ma part de responsabilité dans ce dont on m’accusait. Je n’ai pas couvert des pratiques, quelles qu’elles soient. Je n’ai pas eu d’informations privilégiées. Je ne suis pas resté sans rien faire quand j’ai découvert les affaires et je ne suis jamais intervenu dans une affaire », a déclaré le premier ministre. « Mais pour le reste, on a tous une part de responsabilité, tous, quel que soit le département dont on est originaire. »
Malgré tout, de ces longues heures, émane un sentiment de confusion : « Je n’ai jamais siégé, à mon souvenir, au conseil d’administration de Bétharram », « aucun souvenir à cette époque, je n’ai aucun document ». Au sujet du lieu de sa rencontre avec le juge Mirande, il dit par exemple ne pas s’en souvenir mais déclare qu’au cours de l’échange avec lui, « il ne m’a rien appris sur cette affaire [de Bétharram] parce que tout était dans le journal l’avant-veille », insiste le premier ministre.
Et que propose le Premier ministre ?
Pour protéger les enfants des violences, le premier ministre souhaite proposer la création d’une autorité indépendante comprenant « un conseil de victimes » appuyé par un conseil scientifique. Il prend l’exemple d’une loi votée en Allemagne en avril 2025, qui dépasse le cadre scolaire, embrassant le sport, la culture, la famille. Reprenant sienne la proposition d’Alain Esquerre, ancien élève de Betharram et auteur du livre Le silence de Bétharram, il explique : « il faut des victimes pour mieux écouter les victimes ».
« Je suis prêt à compléter la feuille de route » de Sarah El Haïry, haut-commissaire à l’enfance, par « une lettre de mission qui inclut la question de la lutte contre les violences », précise le Premier ministre, quand la co-rapporteure Violette Spillebout (EPR) relève l’absence de ce sujet dans son champ de compétences.
« Enfin », avait commencé par dire le Premier ministre au début de sa longue audition. Enfin, expliquera-t-il durant des longues heures, se présentant la victime accusée, diffamée, jetée en pâture à « une meute » médiatique durant quatre mois sans tribune.
Djéhanne Gani

« Il est peu d’autres démocraties au monde, peut-être aucune, où une telle chose serait possible : le Premier ministre est toujours en poste alors même qu’il est avéré qu’il a menti! »
En savoir plus sur MAC
Subscribe to get the latest posts sent to your email.