« Monsieur le Président, votre copie est hors-sujet et à revoir ! » écrit Yannick Trigance au sujet de la convention citoyenne annoncée par le Président Emmanuel Macron. Le conseiller régional socialiste souligne la contradiction de cette proposition avec la « suppression radicale décidée par le gouvernement sans réaction aucune du Président de la République » du « fonds de soutien de 41 millions d’euros qui rappelons-le, aidait les communes à passer de 4 jours à 4.5 jours de classe en finançant les activités mises en place sur le temps d’école libéré dans le cadre de cette réforme des rythmes scolaires ».
Au sortir d’une séquence de politique internationale, le Président de la République Emmanuel Macron a décidé de réinvestir la politique intérieure en soulevant un sujet dont il semble découvrir la problématique : celui des « temps de l’enfant », en particulier les temps de vacances et les horaires scolaires qui seront abordés lors d’une convention citoyenne organisée à compter du mois de juin prochain par le Conseil Économique Social et Environnemental.
Durée des vacances, horaires scolaires, activités de l’après-midi … tout sera mis en discussion pour « faire en sorte que l’organisation des journées de nos élèves soit plus favorable à leur développement et aux apprentissages, qu’un équilibre soit trouvé aussi pour faciliter la vie des familles ».
Cette irruption présidentielle dans le champ de l’éducation n’est pas sans rappeler sa propension à « court-circuiter » ses ministres de l’éducation : on se souvient de la présentation du dispositif « école du futur » à Marseille en 2021 par le président lui-même, son discours devant les recteurs à la place du ministre lors de la rentrée scolaire 2022/2023 – une première ! – ou encore ses annonces sur la réforme du lycée professionnel en mai 2023 …
« Le Président de la République frise ici le ridicule »
Mais à vouloir attraper au vol des sujets comme celui des « temps de l’enfant », le Président de la République frise ici le ridicule tant cette question a déjà été étudiée, traitée, expérimentée mais surtout pour partie éradiquée par lui-même lorsqu’il a décidé en 2017 du retour possible à la semaine de 4 jours, hérésie absolue en matière des temps de l’enfant.
En effet, alors que depuis des années les études de nombreux chrono-biologistes, chercheurs, acteurs de l’éducation – dont l’académie de médecine dès 2010 –, responsables politiques de tout bord ont mis en garde contre les effets négatifs de la semaine de 4 jours sur les apprentissages des élèves, c’est l’actuel Président de la République lui-même – via son fidèle ministre Jean-Michel Blanquer – qui a décidé en 2017 de démanteler le dispositif mis en place par Vincent Peillon en 2013 après 3 années de concertation, dispositif basé sur 5 matinées de classe qui prenait en compte les différents temps de l’enfant à travers le projet éducatif de territoire – le PEDT – et qui avait permis de passer de 20% d’enfants bénéficiaires d’activités périscolaires à plus de 70% !
Pire encore, sous l’égide de ce même Président de la République, le gouvernement Barnier a supprimé du budget le fonds de soutien au développement des activités périscolaires créé par Vincent Peillon, fonds institué par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République afin de soutenir les communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents, dans le développement d’une offre d’activités périscolaires dans les écoles maternelles et élémentaires publiques et privées sous contrat.
« 30% d’élèves – majoritairement issus des milieux les plus défavorisés – qui ont besoin d’une demi-journée de classe supplémentaire »
Fonds de soutien de 41 millions d’euros qui rappelons-le, aidait les communes à passer de 4 jours à 4.5 jours de classe en finançant les activités mises en place sur le temps d’école libéré dans le cadre de cette réforme des rythmes scolaires, réforme qui permet encore à ce jour aux élèves de 1200 communes – environ 600 000 élèves, soit 10% des élèves scolarisés en maternelle et en élémentaire – d’accéder le plus souvent gratuitement à des activités artistiques, culturelles, sportives encadrées par des professionnels qui par ailleurs, du fait de cette coupe budgétaire, vont se retrouver sans emploi.
Cette suppression radicale décidée par le gouvernement sans réaction aucune du Président de la République valide un système éducatif français d’abord et avant tout basé sur les préoccupations de certains adultes au détriment de l’intérêt de l’enfant et de ses rythmes d’apprentissage.
Si cette décision n’aura aucune incidence pour les 70% d’élèves qui réussissent à l’école, elle ancre cependant dans l’échec les 30% d’élèves – majoritairement issus des milieux les plus défavorisés – qui ont besoin d’une demi-journée de classe supplémentaire pour apprendre, qui n’ont aucun soutien à la maison et qui sont en difficultés dès leur entrée à l’école, accumulant les retards tout au long de leur parcours. Au-delà d’un dispositif qui prenait en compte l’intérêt des enfants et dont la suppression relève de sa responsabilité, le Président de la République est également hors-sujet en déclarant que « l’on a des vacances qui sont très longues l’été».
« 74 jours ou encore à la République Tchèque ou à l’Autriche -66 jours-«
On rappellera ainsi au Président de la République, qu’avec 54 jours de vacances l’été, la France se situe dans la moyenne basse en Europe comparée à l’Italie – 96 jours – à la Lettonie – 92 jours -, à la Grèce et la Turquie – 88 jours -, au Portugal – 74 jours ou encore à la République Tchèque ou à l’Autriche – 66 jours -. Une fois de plus, la méconnaissance des sujets et des enjeux sur une question pourtant cruciale renvoie le Président de la République à ses propres contradictions, ce qui devrait l’amener à davantage de retenue dans ses annonces.
Mais sans doute s’agit-il là d’une énième stratégie qui, via une convention citoyenne dont l’issue réservée aux précédentes laisse très dubitatif, consiste à faire diversion pour ne pas traiter les enjeux éducatifs du moment que sont par exemple les conditions de travail des enseignants, le traitement de la difficulté scolaire, l’accueil des élèves en situation de handicap, les effectifs dans les classes ou la question totalement occultée mais pourtant si essentielle de la mixité sociale et scolaire.
Monsieur le Président, votre copie est hors-sujet et à revoir !
Yannick Trigance
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