À la Fête de l’Humanité, l’ancienne base militaire du Plessis-Pâté a résonné de tous les appels à la justice pour le peuple palestinien. Un combat total où la reconnaissance d’un État doit s’accompagner de sanctions économiques, politiques et judiciaires.

La perspective de la reconnaissance de la Palestine par plusieurs pays et la mobilisation croissante au niveau mondial font-elles bouger les lignes ?

Hala Abou Hassira , Ambassadrice de Palestine en France
La situation en Palestine, dans l’ensemble de notre région et dans le monde ne changera pas sans la mobilisation de chaque homme et femme libre, sans votre mobilisation, sans votre courage et votre conviction solide que chacun mérite la liberté et que la politique du deux poids deux mesures doit cesser. Continuer de faire une exception à propos du peuple palestinien est inacceptable. Continuer d’accorder l’impunité totale à Israël est inacceptable. Ensemble, nous cherchons un moyen de sortir de l’enfer qui nous est imposé.
Un État paria et colonial viole à chaque instant le droit international, procède au nettoyage ethnique et tente de déraciner un peuple de sa terre. Le peuple palestinien ne partira pas et jouira d’un État. Il continuera à se battre pour sa terre, sa dignité et sa liberté. Seules les sanctions permettront de faire cesser le génocide en cours. Il faut utiliser les outils pacifiques et juridiques offerts par le droit international et rendre le gouvernement israélien responsable de ses actes.
La Cour internationale de justice a rendu un avis consultatif clair, qualifiant la situation en Palestine d’occupation militaire illégale. Elle a demandé l’arrêt de cette occupation. Elle a qualifié la colonisation en Palestine d’illégale. Elle a demandé aux États parties de la charte des Nations unies d’assumer leur obligation et de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à l’occupation, à la colonisation et d’imposer des sanctions. Aujourd’hui, des États – et la France en tête – vont reconnaître l’État de Palestine le 22 septembre à l’Assemblée générale des Nations unies. Nous saluons cette reconnaissance qui n’est ni un don ni une faveur mais un droit à l’autodétermination.
Cette reconnaissance doit être accompagnée de mesures concrètes. Il faut un embargo sur la livraison d’armes à Israël, la suspension totale de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, l’arrêt de toutes les relations avec l’État d’Israël. Le droit international a été coécrit par des mains françaises. Ce droit a été imaginé après les crimes les plus atroces pour empêcher d’autres crimes contre d’autres peuples. Aujourd’hui, le droit international est menacé par le fascisme mais doit rester notre boussole.
Il ne s’agit pas seulement de Benyamin Netanyahou, c’est l’ensemble de l’appareil judiciaire et institutionnel israélien qui essaie d’expulser, de déraciner et d’éradiquer la présence palestinienne sur sa terre. Nous, le peuple palestinien, cherchons la justice, l’égalité, la paix. Nous avons fait la concession la plus douloureuse de notre histoire en acceptant d’établir notre État sur 22 % de la Palestine historique.
Nous l’avons fait avec un seul objectif : celui de vivre en paix avec les Israéliens. Il n’y aura jamais de paix dans notre région tant qu’Israël ne respectera pas le droit du peuple palestinien à vivre en égalité et en dignité. La question palestinienne par sa centralité est la question qui touche les consciences de la terre entière. Sans le règlement de cette question, personne ne vivra en sécurité et en liberté. Sans vous, nous ne pourrons nous tenir debout sur notre terre. Vous nous donnez la force.
L’Espagne a été pionnière dans la reconnaissance de la Palestine en Europe. Comment ce processus s’est-il déroulé et comment la mobilisation gagne-t-elle encore en ampleur ?

Sira Rego, Ministre communiste espagnole de la Jeunesse et de l’Enfance
Devant un génocide, un projet colonial et d’occupation, il n’y a pas de neutralité. Il n’y a pas de deux poids deux mesures. Historiquement, l’Espagne a toujours été proche de la cause palestinienne. En tant que gouvernement de gauche, notre mission est de faire remonter dans les institutions ce que nous entendons dans les rues espagnoles. Notre feuille de route réside dans l’application du droit international et des multiples résolutions des Nations unies.
Dès notre premier Conseil des ministres, nous avons décidé de suspendre la coopération militaire avec Israël. Malheureusement, ce pays poursuit sa politique génocidaire. C’est pour cela que nous sommes passés à la seconde étape, qui a été la reconnaissance de l’État palestinien.
Il est donc important que tous les peuples qui soutiennent les droits des Palestiniens choisissent la gauche. C’est elle qui soutient la Palestine aujourd’hui. Il y a eu de très fortes mobilisations populaires ces derniers jours pendant le tour d’Espagne. Cette pression nous a poussés à annoncer de nouvelles mesures contre le génocide en cours à Gaza. Il faut des sanctions et la rupture de tous types de relations avec l’État génocidaire israélien.
Peut-on parler d’une évolution de la position de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, grâce à la pression politique et populaire ?

Marc Botenga, Député européen du Parti du travail de Belgique
Le gouvernement belge a été contraint d’annoncer des mesurettes avant même la grande mobilisation du 7 septembre, qui fut la plus grande de l’histoire belge pour la Palestine. Il faut mesurer la brèche qui est en train de s’ouvrir. Lors de son discours sur l’état de l’Union, Ursula von der Leyen a constaté le divorce entre les Européens, les jeunes en particulier, et leurs dirigeants. C’est notre force et c’est ainsi que l’on en finira avec le génocide et la colonisation illégale. Je suis optimiste mais les mesures annoncées ne sont pas suffisantes.
Durant l’apartheid, l’Afrique du Sud a dû faire face à une campagne Boycott, désinvestissement, sanctions très importante dans la lutte de libération. Aujourd’hui, nous avons besoin de mesures similaires. Quand la Russie viole le droit international en Ukraine, dix-huit paquets de sanctions. Contre Israël, on attend toujours le premier.
L’an passé, les échanges commerciaux de l’Union européenne avec Israël avoisinaient les quarante milliards d’euros. Aujourd’hui, les mesures annoncées par Ursula von der Leyen équivaudraient à quelques dizaines de millions tout en continuant à livrer des armes.
Face à un génocide, on propose un autre fusil, une autre balle. Nous n’avons pas des relations normales d’État à État. Israël ne paie pas de tarifs douaniers, il a accès aux subsides européens. Le fonds de défense européen sert même à financer les entreprises de l’industrie militaire israélienne.
Le ministère israélien de la Défense reçoit lui aussi des fonds. Cette complicité s’exprime aussi par le renseignement, la coopération politique… La pression populaire a rendu possibles les concessions mêmes minimes d’Ursula von der Leyen. Nous avons ouvert une brèche et allons les faire reculer davantage pour imposer un autre modèle.
Emmanuel Macron devrait annoncer la reconnaissance de la Palestine par la France lors de la prochaine Assemblée générale de l’ONU. Est-ce suffisant ?

Ian Brossat , Sénateur communiste
Je voudrais dire l’immense fierté que nous avons à voir la solidarité avec la Palestine s’afficher dans toutes les allées de la Fête. C’est un soulagement car nous avons en tête la chape de plomb qui vise à intimider ceux qui dénoncent la famine organisée par le gouvernement israélien ou le génocide. C’est l’occasion de saluer le travail remarquable des journalistes de l’Humanité.
Alors comment empêcher le génocide en cours ? La première réponse, c’est de refuser de se taire et de continuer à lever la voix pour dire la réalité de ce qui se passe en Palestine. Les maires qui ont fait le choix de hisser le drapeau de la Palestine à Avion, Ivry ou Stains se sont vu intimer l’ordre de le retirer et ont été traînés devant les tribunaux. Ils ne les ont pas retirés. Bravo à eux ! Tant de maires ont affiché des drapeaux ukrainiens sans que cela ne pose problème. On touche du doigt ce deux poids deux mesures.
Une députée, Caroline Yadan, a déposé une proposition de loi pour nous empêcher de parler de génocide. Vous voyez l’absurdité dans laquelle nous nous trouvons quand les institutions internationales elles-mêmes parlent de génocide, quand le gouvernement israélien lui-même revendique le génocide et que Benyamin Netanyahou explique que toutes ses actions visent à empêcher la création d’un État palestinien.
Eh bien, nous, nous en faisons le serment : nous ne nous tairons jamais. Il se trouve que, par mes origines familiales, j’ai quelques échos de l’état du débat en Israël. Notre problème ne se résume pas à Benyamin Netanyahou. Il tient dans l’extrême droitisation de la société israélienne. C’est une société biberonnée au racisme depuis des décennies. Nous ne pouvons faire dépendre l’avenir des Palestiniens de la seule société israélienne.
Il y a une responsabilité qui repose sur nos épaules et sur la communauté internationale dans son ensemble. Et notre responsabilité est de nous dresser et de ne pas laisser le peuple palestinien seul face à ce massacre. Comment ne pas voir que si on laisse Israël continuer le massacre, nous planterons un drapeau sur un charnier ? Il faut des sanctions extrêmement puissantes si nous voulons que cet État soit viable et que le peuple palestinien puisse vivre libre.
Qu’est ce qui doit régir les relations internationales ? La force brutale et fasciste ou le droit international ? Si ce dernier a encore un avenir alors il faut considérer que l’autodétermination des peuples est un droit inaliénable et qu’elle ne peut être soumise à des conditions.
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