Il est l’un des plus discrets des candidats de gauche, le communiste Fabien Roussel fait cependant parler de lui depuis quelques semaines. Essentiellement pour deux initiatives : son hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo le 5 janvier 2022 et ses propos sur la bonne chère. De quoi déchaîner la fureur de ceux qui ont vu – même dans son camp – un « virage politique » du PC. « Des polémiques stériles loin des préoccupations des vraies gens », estime Fabien Roussel qui a accordé une interview à Charlie.
« Évidemment que le PCF peut et doit organiser des hommages à Charlie. Hier soir, cela dépassait largement l’hommage : la sélection des invités confirme un virage politique opéré par mon parti depuis qqes mois (…) ». Que vous inspire cette déclaration sur Twitter de la députée communiste Elsa Faucillon au lendemain de l’hommage que vous avez rendu aux dessinateurs de Charlie ?
Fabien Roussel : J’ai préféré surtout regarder toutes les réactions positives qu’il y a eues et bien au-delà des rangs du Parti Communiste Français. Pour savoir pourquoi Elsa Faucillon est choquée… Je vous renvoie à Elsa Faucillon. En tant que responsable d’un parti politique, je tenais à rendre hommage à ceux qui ont été tués pour leurs idées. Ces artistes, ces créateurs, non seulement défendaient la liberté d’expression, mais la représentaient. C’est essentiel, car mon parti a une histoire très forte avec les artistes. En ce moment même, place du Colonel Fabien, il y a une exposition prévue dans le cadre du centenaire du PCF. On y expose des artistes qui ont travaillé de près ou de loin avec le parti : Picasso, Marcel Duchamp, André Fougeron… Parmi eux, il y a désormais aussi Charb, Tignous, avec des dessins qu’ils nous ont donnés pendant des fêtes de l’Humanité. C’est donc un choix réfléchi d’exposer ces deux dessinateurs à côté des autres grands noms dont certains ont été censurés, d’autres tués durant d’autres périodes de l’histoire. Pour le PCF, l’art, la liberté d’expression doivent être défendus comme la prunelle de nos yeux et sans condition.
Elsa Faucillon parle d’un « virage politique depuis quelques mois », comment réagissez-vous et comment résistez-vous à ces critiques ?
Ceux qui pensent que mes prises de position sont un virage se trompent lourdement. C’est au contraire un retour à la racine de notre engagement révolutionnaire. C’est un retour au peuple dans sa diversité. Le peuple n’est pas homogène. Et s’il n’est pas nourri de valeurs progressistes fortes, alors il peut basculer. Dans l’histoire de France, il peut être celui de 1936 mobilisé pour les congés payés ou celui de 1939 qui soutenait Pétain. Cet enjeu est toujours malheureusement d’actualité. Il est donc important pour moi de revenir aux sources de nos combats révolutionnaires, avec des valeurs qui sont les nôtres : le progrès social, la justice et l’égalité des citoyens. Et l’universalisme d’une république laïque et sociale en fait partie. Quand le PC a combattu la colonisation, la guerre au Vietnam, quand j’ai combattu l’apartheid en Afrique du Sud, nous l’avons fait à chaque fois pour que les peuples puissent se déterminer librement et sans différence. On se bat pour l’égalité des droits des citoyens, pas pour des divisions.
Est-ce que certains aimeraient entraîner le PCF vers une approche communautariste des sujets politiques ?
Bien sûr, mais je reste ferme sur des positions claires. Je mène un combat de classe, pas de race. Le PC a toujours fait appel au monde du travail, au monde ouvrier, dans les usines, sans jamais faire de distinction entre les gens selon la couleur de peau, les origines… Jamais nous n’avons fait de distinction en disant on va réunir les Algériens, les Français. C’est pourquoi je regrette profondément qu’Elsa polémique sur une initiative comme celle de la soirée pour Charlie. On doit rassembler et non pas diviser.
En interne, c’est comment en ce moment ? Dans cette période électorale confuse ?
On est un grand parti avec quelque 50 000 adhérents et encore beaucoup d’élus. Il est donc normal qu’il y ait des discussions. On n’a pas tous la même approche des problèmes, pas tous le même passé militant. Mes prises de position ne plaisent peut-être pas à tout le monde, mais je les assume. Par exemple, quand j’ai fait le choix de ne pas participer à la marche contre l’islamophobie en novembre 2019. Je veux que l’on prenne conscience qu’il y a une menace terroriste de mouvements islamistes qui veulent imposer leur loi dans la République. Si on le nie, comment lutter contre ? Je n’accepterai jamais comme la normalité le fait que des dessinateurs soient accompagnés 24/24 h d’officiers de police parce qu’ils sont menacés par des jihadistes. C’est grave. Quand j’ai dit ça, ça a suscité des débats, des discussions mais je veux qu’on les ait, en interne. Et personne ne me censurera.
On vous fait aussi un procès d’intention sur les réseaux sociaux sur vos déclarations sur la viande, le vin, le fromage. Au mieux, on vous ringardise, au pire on vous traite de facho, vos propos pouvant exclure ceux qui au nom de la religion ne boivent pas de vin… Le petit monde des réseaux a-t-il perdu la raison ?
On me reproche ma phrase : « Du bon vin, de la bonne viande, du bon fromage. C’est la gastronomie française populaire » mais on oublie ce que j’ai ajouté tout de suite derrière : « Tout le monde doit y avoir accès » et encore que « le bon et le beau ne doivent pas être accessibles qu’aux privilégiés ». Ça déplaît à ceux qui me reprochent de parler trop de la France. Mais c’est caricatural encore une fois et c’est foncièrement méconnaître le peuple. J’étais hier encore dans ma permanence dans le Nord, à Saint-Amand-les-Eaux. J’y vois des travailleurs, des chômeurs, des retraités qui n’arrivent plus à payer leurs factures. Ils n’ont pas les moyens d’acheter de la viande produite en France et de qualité. Le dire n’est pas du nationalisme. C’est de la résistance à cette mondialisation qui fait faire le tour de l’Europe à un steak. C’est de la résistance à cette malbouffe qui détruit la planète, torture les animaux et ne nourrit pas correctement les humains. Voilà ce que c’est. Pendant ce temps, d’autres font des polémiques affligeantes. Quand je vois ça, je me dis que ce n’est pas étonnant que la gauche soit si bas dans les sondages.
Vous-même, vous n’êtes pourtant pas très haut…
C’est vrai. Mais je me fous des sondages. Et si ces polémiques à la con pouvaient faire basculer la gauche du bon côté alors elles ne seraient pas inutiles. Moi je veux qu’on reparle des sujets sociaux, du prix du steak, du gaz, des loyers et des salaires. Et je ne veux parler que ce ça. Le reste, c’est l’écume des vagues et je ne m’en préoccupe pas. C’est aussi pourquoi je tiens à revenir dans le Nord toutes les semaines. Pour être auprès des gens qui sont à dix mille lieux de ces faux débats. Je refuse l’emprunt d’un vocabulaire militant abscons. Et ça marche parce que les gens me comprennent quand je cause. Le mot « racisé », ici dans le Nord, dans les milieux populaires, je n’en entends jamais parler. Et « woke » c’est au mieux un ustensile de cuisine. ●
Propos recueillis par Natacha Devanda
JE SOUHAITE REJOINDRE LE COMITE DES JOURS HEUREUX du Tarn et Garonne
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