Selon l’Observatoire des multinationales, les fastueux résultats annoncés pour 2021 débouchent sur une gargantuesque distribution de capital, en hausse de 57 % par rapport à 2021. Au bénéfice de qui ? Et d’où vient cet argent ? Explications.
L’Observatoire des multinationales a fait les comptes. Après épluchage minutieux des rapports financiers 2021 des multinationales françaises, l’organisme qui scrute à la loupe le CAC 40 manque de superlatifs pour qualifier, dans sa note publiée ce mercredi (1), le niveau historique de captation des bénéfices enregistré l’an dernier par les actionnaires et grands patrons de ces grands groupes : « Records de bénéfices, records de dividendes, records de rachats d’actions, records de rémunérations patronales… Cela ressemble à une véritable curée, rendue possible par l’argent public avec la bénédiction du pouvoir exécutif. »
Les fastueux résultats annoncés pour 2021 débouchent sur une gargantuesque distribution de capital. Aux 57,5 milliards d’euros de dividendes versés s’ajoutent les 23 milliards d’euros de rachats d’actions réalisés pour augmenter les cours des titres restants. En tout, 80 milliards d’euros (+ 57 % par rapport à 2021) vont être captés par les porteurs de parts. Au premier rang desquels se classent la famille de Bernard Arnault (2,4 milliards d’euros de dividendes pour 2021), le tentaculaire fonds de gestion d’actifs BlackRock (plus de 2 milliards d’euros) et… l’État tricolore, qui devance les familles Bettencourt et Pinault.
Les grands patrons ne s’oublient pas : ils empochent près de 237 millions d’euros rien qu’en rémunération, soit une moyenne de 5,9 millions d’euros pour chacun d’entre eux en 2021, contre 4,8 millions en 2020.
Les grands groupes se taillent la part du lion dans les plans de relance
Il y aurait de quoi se réjouir de ce décompte vertigineux s’il profitait à l’ensemble de la société, selon la bonne vieille théorie du ruissellement. L’allégresse n’est pas de mise. « Nous disons que le CAC 40 fait sécession car, depuis vingt ans que l’on observe leurs faits et gestes, ces multinationales ont toujours profité des crises pour assurer une plus grande rentabilité économique et financière, par des ajustements dont les salariés sont la principale variable, via des suppressions d’emplois, des délocalisations d’activités, analyse Maxime Combes, économiste et coauteur du rapport. Du Covid-19 à la guerre en Ukraine, elles ont fait appel à l’argent public tant qu’elles ont pu, sans jamais rien garantir en termes de développement de l’emploi, de relocalisation, de transition écologique, mais aussi d’égalité femmes-hommes, d’amélioration de la démocratie en entreprise, sans se préparer… Bref, sans jamais participer à l’intérêt général. »
Les données compilées par l’Observatoire démontrent même l’inverse. « 100 % des groupes du CAC 40 ont profité au moins d’une des nouvelles aides mises en place pour faire face à la pandémie et à ses conséquences – et le plus souvent de plusieurs aides », est-il noté dans le rapport. Aux prêts garantis, activité partielle, reports et baisses de cotisations et autres plans de soutien sectoriel gouvernementaux, dans lesquels les multinationales ont puisé allégrement, s’ajoutent les colossaux achats de dettes de ces mêmes entreprises par les banques centrales. Les grands groupes se taillent aussi la part du lion dans les plans de relance 1 et 2 (100 milliards d’euros et 30 milliards d’euros), tout comme dans les 150 milliards d’euros d’aides publiques annuelles en exonération de cotisations sociales post-Cice, crédit d’impôt recherche…
Pour quel résultat ? « Certains des groupes les plus aidés du CAC 40 sont aussi ceux qui suppriment le plus d’emplois, constate la note. Sur les six groupes du CAC 40 qui versent le plus de dividendes au titre de l’année 2021, cinq ont encore supprimé des milliers d’emplois l’année écoulée. » Épinglés notamment : Stellantis (plus de 3 milliards d’euros de dividendes, mais plus de 17 000 emplois dans le monde), Total Energies (6,8 milliards d’euros de dividendes et 1,8 milliard de rachats d’actions, mais 4 167 suppressions d’emplois dans le monde, dont 700 en France) , Sanofi (plus de 4 milliards d’euros à ses actionnaires et presque 4 000 emplois supprimés, dont une centaine en France).
Quant aux négociations sur les salaires, elles ont toutes débouché sur un petit rien, pas à la hauteur des bénéfices engrangés. « En même temps qu’ils avaient recours à l’activité partielle, PSA et Fiat ont créé Stellantis, qu’ils ont domicilié aux Pays-Bas (patrie de l’optimisation fiscale – NDLR). En ce sens, ils font sécession, reprend Maxime Combes. A minima, il serait bon de les taxer. Mais je pense qu’il faut aller plus loin. Que voulons-nous ? Des entreprises privées qui garantissent financièrement l’État providence ? Ou un État qui garantisse les intérêts privés ? »
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