La bataille des retraites est l’occasion de faire un travail idéologique de fond sur la nature même du capitalisme et ses alliés par Daniel Arias

 

Je suis tout à fait d’accord avec cette analyse de Daniel Arias. J’en parlais hier avec une amie marseillaise communiste qui se plaignait que les dirigeants de sa section, des soutiens de Pierre Laurent qui de fait empêchent selon elle que soient menés les débats du congrès et n’organisent des réunions qu’autour des élus de la NUPES. Elle me disait: “ils continuent à empêcher le débat des communistes et maintenant leur sujet favori c’est la NUPES et les “retraites”. Pourtant, le débat autour des retraites et la mobilisation nécessaire peuvent au contraire nous aider à préparer un Congrès sur le fond, y compris sur la nécessité d’avoir un parti communiste qui ne se substitue pas aux organisations syndicales mais soit apte par ses analyses et perspectives politiques d’être vraiment une des conditions de la victoire. De ce point de vue, il est clair que l’attitude de Fabien Roussel est la plus positive, mais il reste à reconstruire la totalité du champ politique de classe, y compris en matière de paix, dont a besoin cet affrontement. Une action vaut mieux qu’un programme disait Marx dans le programme de Gotha, mais encore faut-il que cette action se nourrisse d’une perspective politique qui fait justement l’objet de ce texte qui mériterait une relecture (1). nous y sommes. (note de danielle Bleitrach dans histoireetsociete)

La bataille des retraites est une des composantes de la guerre contre les salaires: le salaire étant le salaire direct dit “net” augmenté des cotisations salariales et de la mal nommée part patronale. C’est la démolition minutieuse du salaire indirect menée par les gouvernements bourgeois de droite et de sa composante dite sociale libérale qui a mené à la casse des retraites, de l’assurance chômage et maladie, elle rogne depuis peu les allocations familiales avec l’atteinte aux APL. Cette guerre insidieuse évite de toucher directement le salaire nominal de plus en plus subventionné par les impôts sans résoudre les contradictions entre le profit et le salaire. Le salaire nominal est cependant attaqué en particulier par le salaire d’embauche des jeunes travailleurs exploités en dessous du SMIC et par les mécanismes de précarité et licenciements qui permettent de revoir les contrats à la baisse, chaque nouveau contrat amenant le salarié encore plus proche du SMIC voire avec les aides pour les jeunes et les seniors en dessous du SMIC. La guerre au salaire est sans limite: pôle emploi propose des essais gratuits d’une semaine de travail pour “convaincre l’employeur”.

Cette guerre au salaire est menée par une propagande massive servie par les média, propriétés des grands bourgeois ou de l’État dominé et contrôlé par les bourgeois ou leurs, serviteurs.

La bourgeoisie utilise habilement les institutions démocratiques à sa disposition: les multiples assemblées élues et le multipartisme qu’ils nomment pluralité ; elle détourne la démocratie en manipulant les organisations des travailleurs syndicats et partis en les soutenant, en les créant ou en les corrompant. Dans cette guerre de nombreux acteurs qui servent aujourd’hui directement le patronat ont fait leurs armes politiques dans des formations dites “d’extrême gauche”, en réalité des organisations affichant et encourageant ouvertement l’anti communisme et s’opposant aux organisations léninistes avec souvent les arguments de l’extrême droite ; nombreux finiront dans les organisations patronales, dans les média, dans des commissions sur mesure ou à la tête des syndicats diviseurs et collaborationnistes et parfois dans les directions des principaux partis ouvriers.

Touchant directement au mode de production capitaliste et à l’intensification de l’exploitation l’enjeu des retraites est l’occasion de débusquer les menteurs, de combattre les mythes et de poser les vrais enjeux des retraites.

L’enjeu ne se limite pas à une meilleure répartition des richesses entre les parasites bourgeois et l’ensemble des travailleurs pas plus qu’à une lutte stupide pour l’augmentation du salaire net qui ne dit rien du salaire réel qui est direct et indirect.

Les mensonges

Les charges pèsent sur les entreprises: le chiffre d’affaire d’une entreprise est le résultat du travail collectif de l’ensemble des salariés où chaque individu se voit assignée une mission par l’encadrement. Ce travail collectif est celui d’une entreprise mais pas uniquement il faut y intégrer le travail de tous ceux qui produisent les composants du produit et par extension à la société entière comme travailleur générique global. Ces dites charges permettent aux privés d’emplois d’obtenir un revenu et de prendre part à la consommation des biens et services produits par les actifs ; une partie du résultat des ventes, 30 à 40%, est consommée par le profit capitaliste. Ces revenus sont d’autant plus consommés rapidement qu’ils tendent à égaler les dépenses contraintes. Les plus aisés des privés d’emploi peuvent épargner, consommer du luxe et investir dans le capital des entreprises le plus souvent indirectement par les contrats d’assurance vie. Les allocations de remplacement du salaire font fonctionner l’économie en maintenant la consommation et en partie l’investissement.

Ces cotisations en dehors de servir les ménages sont également le salaire des personnels qualifiés qui assurent les soins de santé et financent les investissements matériels et les frais de fonctionnement des établissements de soin. Ce qui représente une part non négligeable de l’activité économique. La formation du personnel de soin est aussi assurée par les cotisations. Et comme toute activité économique elle produit des flux qui
alimentent le Trésor Public et le financement du fonctionnement de l’État nécessaire à ces mêmes entreprises. La compensation des cotisations par l’impôt réduit les moyens de l’État pour investir dans d’autres domaines.

La part patronale des cotisations sociales est une manipulation totale facile à démontrer: la part dite “patronale” est totalement couplée à chaque salarié et ne dépend que du niveau de salaire de chaque employé selon lequel le taux de cotisation est modulé ou pris en charge par l’État par le mécanisme des exonérations. Que l’employé soit licencié et immédiatement la cotisation dite patronale n’est plus versé à la sécu, qu’un employé soit
embauché ou augmenté au delà des seuils et la part de cotisation “patronale” augmente.

Cette part “patronale” n’est qu’une imposture elle est de même nature que la cotisation salariée.

Les omissions

La démocratie dans la direction de la sécurité sociale a été démolie progressivement : d’une élection des directeurs des caisses directement par les salariés nous sommes arrivés à une gestion paritaire artificielle en y ajoutant les syndicats collaborationnistes et y compris le patronat en invoquant la démocratisation. Les déficits et les compensations de cotisations par l’impôt ont permis la prise de contrôle de la sécurité sociale par la direction bourgeoise de l’État dans la forme anti parlementaire de la Vème République.

Les exonérations de cotisations “patronales” compensées par l’État sur les bas salaires jouent comme un piège et encourage les employeurs à maintenir les salaires sous certains seuils. Les exonérations sur les heures supplémentaires encouragent l’intensification de l’exploitation et diminuent ainsi la masse salariale indirecte des pensionnés. À ceci s’ajoute l’organisation internationale du travail avec le recours au travail non déclaré —
non réservé aux immigrés — ou au travail légal avec les travailleurs détachés soumis aux cotisations sociales en vigueur dans leur pays d’origine pour des travaux en concurrence effectués en France.

Le racisme entretenu permet de cantonner la main d’œuvre immigrée dans certains secteurs d’activités réduisant ainsi leur marché et par conséquent leur valeur, leur salaire, les divisions entre pays d’origine amplifiant le racisme au travail ; le chômage étant plus fort dans ces populations les emplois les plus pénibles, dangereux et mal payés leurs sont proposés d’autant plus qu’ils ignorent souvent leurs droits ou sont dans des situations délicates.

L’allongement du temps de travail sous le régime capitaliste détériore la santé physique et mentale des travailleurs entraînant des dépenses de santé en partie captées par l’industrie pharmaceutique multi nationale.

Les évolutions technologiques au service du profit ou de la qualité au travail ont le même objectif: augmenter la productivité, c’est à dire diminuer le temps de travail dans chaque marchandise avec une tendance allant vers la robotisation totale de certaines unités de production. Il faudra bien tenir compte de cette évolution historique qui ne s’est jamais démentie depuis les premiers outils. L’Homme cherche toujours à limiter sa peine et maximiser sa satisfaction et pour certains leurs profits.

La course au profit dans un marché ouvert demande toujours une plus grande pression sur le salaire et une augmentation de la productivité ce qui ne favorise pas l’emploi bien au contraire.

Les diversions

Avant la réforme Jeanneney de 1967 la sécurité sociale ne comptait qu’une seule caisse qui sera divisé en 3 caisses distinctes: assurance maladie, allocation familiales et retraite. Faisant ainsi apparaître des déficits dans des secteurs d’une même entité juridique: la sécurité sociale.

Les cotisations deviennent des charges pour les employeurs, ici le terme charge vient du vocabulaire comptable qui sépare les recettes et les charges de l’entreprise dont font partie bien sûr la totalité du salaire mais aussi les charges financières et de fonctionnement. C’est sur le salaire que l’effort est porté pour augmenter le profit ; les charges financières et autres loyers ne sont jamais publiquement dénoncés: ils alimentent le profit capitaliste.

L’âge de départ à la retraite tout comme l’augmentation des annuités, à ne pas confondre avec des années, vise non pas à faire travailler plus pour combler un déficit mais bien à diminuer le salaire nominal de remplacement que sont les pensions des retraités. Cela se traduit par une baisse réelle des salaires indirects quand les carrières de plus en plus incertaines et les bas salaires ne permettent pas de totaliser les annuités. Plus les salaires
approchent du SMIC plus il est difficile de totaliser les “trimestres” composant une annuité si les périodes de chômage sont importantes.

Les retraites insuffisantes ont permis de faire accepter les petits boulots complémentaires pour tous les retraités, ceux qui le souhaitent et ceux qui y sont contraints, sous des formes juridiques permettant de travailler sous les conditions salariales légales par le biais de l’entreprise individuelle et du statu fiscal de la micro entreprise. Ce travail dont la rémunération ne produit aucun salaire socialisé entre en concurrence avec le salaire normal le plus souvent dans des activités peu qualifiées et mal rémunérée augmentant la concurrence dans les métiers les plus précaires. Depuis 1999 le taux d’emploi des plus de 60 ans a triplé, celui des plus de 65 ans augmente également surtout depuis 2007.

Cette lutte si elle est mal menée par les organisations des travailleurs va masquer la question fondamentale de la propriété des moyens de production ; les coopératives, les emplois du secteur public et des entreprises d’État ne sont pas suffisamment évoqués.

L’emploi stable dépasse l’enjeu du financement de la sécu il est la base de la tranquillité et de la sécurité des travailleurs. Cette sécurité dépend des formes juridiques des entreprises et des moyens mis en place par les travailleurs organisés pour étendre cette sécurité. Cette extension passe par la prise du pouvoir politique dont le résultat va des statuts des travailleurs de la fonction publique, des électriciens gaziers, des cheminots et des mineurs imposés par les luttes sociale et l’organisation des communistes jusqu’à sa forme la plus aboutie en URSS et dans les ex pays socialistes européens.

L’âge de départ à la retraite

La réforme de la ministre du PS Touraine a porté l’âge de décote à 67 ans et aujourd’hui il faut cotiser 43 annuités pour pouvoir prétendre au taux plein.
En 2021, l’âge moyen de départ à la retraite des droits directs du régime général est de 62,9 ans. Il est un peu plus élevé pour les femmes : 63,2 ans contre 62,7 ans pour leshommes.

À 60 ans le taux d’emploi n’est plus que de 44%, à 31 ans 34% , à 65 ans 10,3%, ces statistiques serviront à diminuer la cotisation chez les seniors” comme ce fût le cas chez les jeunes. Les aides pour l’embauche d’un senior commencent dès 45 ans avec des contrats de professionnalisation”  2000€ auxquels s’ajoutent des exonération decotisations “patronales”. La mise en place de CDD senior démontre bien les problèmes d’emploi existant au delà de 57 ans pour lesquels ces CDD permettent d’espérer cumuler des trimestres, faisant de ces population de demandeurs d’emploi des proies faciles pour le patronat: les demandeurs d’emploi seront prêt à se sacrifier pour pouvoir avoir une meilleure retraite quelque soit le niveau de salaire. Les bas niveaux de salaire et le plafonnement à 4 trimestres cotisés par an garantiront l’effet des décotes sur les futures pensions et ainsi la baisse de la masse salariale globale.

Les plus durement impactés seront les salaires modestes ; les plus riches pourront compenser par des placements financiers et immobiliers.

Pour conclure

L’allongement de l’âge de départ à la retraite ne vise pas à maintenir dans l’emploi mais bien à la casse des salaires.

La bataille sur les retraites n’est autre que la guerre des salaires ; guerre qui arrivée à son terme d’acceptation par les salariés se transforme de forme juridique à répression policière et physique dans un capitalisme avec un gouvernement qui prendra une forme fasciste quand les moyens de propagande ne suffisent plus à augmenter les profits.

Le salaire dans sa totalité n’est imputable qu’au travailleur et il n’est qu’une partie de la valeur qu’il crée, le reste est répartis entre investissements, charges de fonctionnement, impôts et profits.

Cette guerre n’est pas une question morale mais le résultat d’un mode de production fondé sur l’accumulation et dont l’accroissement du profit est indispensable sans quoi il entre en crise systémique et conduit à sa propre paralysie.

La seule solution de sortie temporaire des crises systématiques est la destruction de capital: autrement dit la guerre par des moyens militaires quand les moyens culturels ne suffisent plus à contenir la crise.

Cette bataille est aussi une bataille pour la démocratie contre la bourgeoisie, rejetée par la majorité des français la réforme sera soutenue par les représentants de la minorité bourgeoise appuyée par les hypocrites tels les du PS qui ont alimenté ses réformes anti démocratiques de la sécurité sociale communiste. Ces mêmes forces qui ont pour le passé soutenu et favorisé la monté du fascisme jusqu’à la grande catastrophe de la seconde
guerre mondiale. En Allemagne pour éviter le pouvoir des conseils d’après la seconde guerre mondiale la bourgeoisie a soutenu l’alliance entre la social démocratie et ceux qui allaient former le nazisme. Ces adeptes de la démocratie s’accommodent bien de la Vème République de la métropolisation et de toutes les atteintes en toutes part à l’expression démocratique des travailleurs.

Non pas qu’ils aient quoique ce soit contre la démocratie mais elle est un obstacle majeur, même réduite et sous contrôle, aux appétits infini et pathologiques de la classe bourgeoise dominante qui ne connais de règles que celle et quand ça arrange ses intérêts ; en conditions fasciste se sera la fin des dernières normes entravant la liberté d’exploiter.

Cette même alliance de la bourgeoisie multi formes: patrons, personnels cadres de l’économie et professionnels de la politique et des média est à l’œuvre actuellement faisant son lit de toute la propagande anti communiste depuis la Révolution d’Octobre.Seul le changement de mode de production pour le socialisme peut mettre un terme à cet affrontement.

In fine il s’agit de savoir si l’on souhaite laisser les affaires communes dans les mains des bourgeois ou bien les gérer démocratiquement.

Socialisme ou barbarie ; Paix ou guerre ; là est le message manquant et pourtant fondamental de cette lutte qui se poursuit contre les travailleurs.

Références

https://www.securite-sociale.fr/la-secu-cest-quoi/histoire/les-grandes-dates

https://www.statistiques-recherches.cnav.fr/age-de-depart-a-la-retraite.html

https://www.insee.fr/fr/statistiques/3646000?sommaire=3646226

https://travail-emploi.gouv.fr/emploi-et-insertion/mesures-seniors/

(1) note de danielle Bleitrach :

La Critique du programme de Gotha est un texte écrit par Karl Marx en 1875 à la veille du congrès d’unification du mouvement socialiste en Allemagne lors du congrès de Gotha. Ce texte a dans un premier temps eu une diffusion confidentielle, et il ne sera publié qu’en 1891et commenté qu’ après la mort de Marx. Derrière la critique du programme de Gotha, c’est une critique de la philosophie et de l’influence de Lassalle qu’opère Marx. Lassalle aussi devrait être relu dans le contexte du débat sur la nation: voir le Maitron sur Lassalle : https://maitron.fr/spip.php?article216431
Le texte de Marx est construit autour de quatre enjeux, le travail, le droit, la lutte des classes et l’État.Le travail n’est pas la source de toute richesse dans la mesure où la nature est aussi valeur d’usage. En ce sens, l’homme n’est pas maître de la nature, ce qui constitue une dimension écologique. Le mode de production façonne le travail et conditionne la distribution. De même, le problème n’est pas le travail en soi mais le système du salariat. Marx critique ainsi le programme allemand qui s’attaque à la distribution sans en chercher les causes au sein de la production. Il explique de plus que le travail est central puisqu’il est la mesure de l’égalité en ce sens qu’il est le même étalon et qu’il ne reconnaît aucune différence de classe, une relecture me parait intéressante aujourd’hui y compris par rapport à notre débat autour de la Chine, de la rareté et du socialisme. Non pas seulement pour nous en référer à une orthodoxie quelconque mais pour voir comment se posent aujourd’hui des problèmes qui ont déjà donné l’occasion d’affrontements théoriques.

 

 

 


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