Ces 4 et 5 janvier 2023, 9 contributions ont été publiées.
Je développerai particulièrement (ci-après) celle intitulée « L’humanité, porteur de communisme » , des camarades Nathalie Simonnet, Isabelle de Almeida, Thierry Aury, Gilbert Garrel et Hervé Bramy :
Les autres contributions sont :
- Le temps d’après « les jours heureux », du camarade Alain Boutroue, de l’Oise, aborde l’évolution sociale avec un regard de longue période et s’interroge : « Les crises de 1968, 1973, 2008, 2019, devenues incessantes, nous rappellent, que tout notre peuple et nous même devons reconsidérer le monde libéral, l’économie du grand capital. Sinon, nous ne parviendrons pas à changer durablement cette société. » Il soulève et apporte des éléments de réponses à 3 questions :
- 1. Quelle conception du bonheur ?
- Cette question est longuement développée, j’en retiens ces quelques phrases : « Les jours heureux, ne peuvent se passer de l’autonomie de chaque individu.(…) La question des besoins passe par l’égalité d’accès à tout type de ressources, ainsi que la reconnaissance de la contribution, et de la place de chacun, aussi bien symboliquement que matériellement. En clair, construire une société sans classes. Le bonheur est dans la finalité du partage, des richesses, tant matérielles, que philosophiques dans une société plus sobre, tournée vers l’usage collectif et raisonnée de nos ressources »
- 2. La crise climatique ne doit-elle pas être déterminée dans le sens d’une urgence sociale, peut-elle être la prémice des jours heureux, que le camarade formule aussi dans une problématique mondiale, notant que « le partage désintéressé des savoirs, et des avancées technologiques, la mise en commun des moyens financiers par l’impôt sont devenus ringards et que nos populations riches vivant en occident ne peuvent plus constituer une perspective de développement pour les peuples de notre planète. »
- 3. Quelle notion de gestion et de gouvernance ? « Nous devons nous défaire du règne de l’individualisme que nous inflige cette société capitaliste. Articuler l’individu, l’humain et le collectif, pour mettre en œuvre le bonheur des jours heureux, tant pour l’individu que pour ce qui nous ressemble et nous organise »
- Réflexion sur les notions de travail et d’emploi, des camarades des sections d’Antibes et Cannes, des Alpes Maritimes, reprend la distinction « travail et emploi », déjà abordée par le camarade Régis Régnaut le 2 janvier dernier.
- Après avoir analysé l’évolution du travail sous l’influence du capitalisme, de la concurrence et du libéralisme : « Le travail se définit comme une activité de transformation de la nature, du monde social et de l’individu lui-même. Il est souvent confondu avec l’emploi, qui n’en constitue que la forme rémunérée dans le cadre d’un contrat ou d’un statut. Tout travail crée des richesses, qu’il soit rémunéré ou pas. Il peut être un plaisir, une source d’émancipation et concourt à la socialisation. Son utilité sociale, sa cohérence éthique et sa capacité de développement lui donnent du sens. Ne pas avoir les moyens de réaliser son travail aussi bien qu’on le voudrait, réaliser un travail qui contribue à la dégradation de l’environnement ou ne pas pouvoir exercer son intelligence et sa créativité sont des facteurs de perte du sens du travail. C’est ainsi que dans notre société de capitalisme mondialisé et financiarisé, le travail dans l’emploi devient trop souvent source de souffrance.
- Les camarades appuient sur les notions de « salaire socialisé », de « qualifications » et plaident pour un renforcement de notre travail d’explication : « Le travail est présenté comme un coût par le capitalisme, alors qu’il devrait être considéré comme un investissement, car créateur de richesses. Le langage capitaliste qui met en avant le pouvoir d’achat a pour objectif d’effacer dans la conscience collective la notion de salaire socialisé. Il est donc nécessaire d’apporter des propositions politiques pour une véritable reconnaissance du travail par l’augmentation du Smic et des grilles salariales, mais ce n’est pas suffisant. En effet, cette reconnaissance pécuniaire du travail ne lui donne pas forcément un sens. En effet, on constate de plus en plus de reconversions professionnelles de salarié.es correctement payé.es qui démissionnent pour un emploi moins rémunéré mais dont le travail a un sens. L’impact de l’organisation du travail dans l’emploi et sur son sens doit nous conduire à réfléchir sur l’intervention des salarié.es dans les entreprises et sur le management. »
- Enjamber la présidentielle pour un PCF révolutionnaire et uni, du camarade Jean Dartigue, de Gironde, (déjà publiée et analysée le 2 janvier)
- Pourquoi faut-il viser la majorité absolue (50 % des voix plus ua moins une) dans le vote de la base commune et donc nécessite un second tour, du camarade Daniel Scheh, de Seine-et-Marne (contribution qui me semble désormais sans objet puisque ne sont – sauf erreur de ma part – enregistrés que deux textes : la base commune majoritaire du Comité National et le texte alternatif).
- Formation des adhérents : pourquoi former au marxisme ? Du camarade Jean-Paul Legrand, du Tarn : Le camarade développe (en complément d’autres contributions, elles sont nombreuses sur ce sujet) la nécessité de développer et de professionnaliser notre système de formation, en insistant particulièrement sur la formation au marxisme : « Notre parti doit revenir aux écoles élémentaires de cellule dans le même mouvement que la création de milliers de cellules. L’étude d’un texte aussi fondamental que celui du Manifeste du parti communiste de Mars et d’Engels est indispensable. Elle peut se faire par des lectures en commun avec l’objectif d’en dégager les principaux concepts qu’on trouvera aussi dans l’étude de la préface de la « Critique de l’économie politique » de Marx. Dégager les principaux concepts et les mettre en relation avec la réalité du capitalisme tel qu’il se développe aujourd’hui ferait de nos formations des moments attractifs de grand intérêt accessibles à tous les adhérents et leur permettrait de mieux analyser la réalité, et par conséquent de mieux la transformer »
- Le débat dans le parti, du camarade Alain le Douaron, de Côte d’Or, est un court dialogue entre deux camarades, autour de la stratégie du parti, de la Nupes. En voici un court extrait : « On me dira tout ce qu’on voudra, si aujourd’hui “les autres” font (quand même petitement) le bilan de leurs erreurs, c’est quand même parce que le PCF existe et s’exprime. Et, sans ressasser le passé même récent, si nous n’avions pas eu un candidat communiste à la Présidentielle, JAMAIS nos propositions des Jours Heureux n’auraient été entendues, voire COMPRISES par bcp » de gens qui pour certains ont cédé aux sirènes de F.I. par ce vote utile. Je maintiens, c’est la présence de notre candidat communiste qui a permis à Mélenchon de faire son score.
- Avis sur base commune au CN, du camarade Pierre Bachman, des Bouches du Rhônes est une longue série de réflexions et de questions sur différents points du texte de base commune. Globalement le camarade appelle à un renforcement des capacités d’analyses sociologiques, économiques, anthropologiques et même psychologiques du parti. Ainsi, par exemple : « il est juste mais beaucoup trop court, d’imputer nos scores présidentiels à la forme des institutions. Les raisons en sont plus profondes, lointaines, contradictoires et trop souvent minimisées ou ignorées. Ainsi, nos affirmations sur l’individualisme ne permettent pas de comprendre que nous sommes passés depuis les années 70 ou 80 d’un mode d’identification glissant des rapports sociaux de production (en particulier les métiers) à des rapports de consommation, nécessitant des consommateurs extravertis et des producteurs soumis et introvertis. Et comme il s’agit des mêmes personnes, nous sommes entrés dans des formes de sociétés schizophrènes avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les idéologies, les personnes, les pratiques quotidiennes et les conceptions de la civilisation. ». Autre exemple : Une référence relativement lancinante revient aussi avec les « Gilets Jaunes ». Par contre, j’observe la relative faiblesse des références aux mouvements sociaux qui se sont développés en 2018 puis en 2019. Ces mouvements, brisés par la gestion de l’épidémie de Covid 19, ouvraient pourtant des perspectives substantielles et peut-être décisives à la condition de mettre les acteurs qui y ont participé en convergences, en discussions, en confrontations au travers probablement « d’États généraux des luttes ». Ils étaient nombreux, variés et porteurs d’alternatives à repérer et à formaliser ensemble ». Le camarade conclut par « Pour terminer cette longue contribution largement critique, je ne remets nullement en cause les choix électoraux les plus récentes mais je souhaite inciter l’ensemble du Parti à reprendre des réflexions théoriques qui aujourd’hui font défaut et peuvent nous conduire sur de fausses voies. Les critiques ci-dessus n’ont pas forcément à trouver des développements dans le document du congrès mais il faut qu’il les pointe comme des enjeux à remettre en travail et en actions. De ce point de vue, la forme, l’objet et la rédaction de ce texte le permettent-ils ?
- Aller de l’avant sans faux semblants, sans arguments d’autorité, du camarade Sébastien Laborde est une contribution d’explication, claire et structurée autour de la stratégie du parti proposée par la base commune. Elle commence par retracer les changements obtenus depuis le 38ème congrès : « Depuis le précédent congrès du PCF, les bouches se sont ouvertes, et la parole des communistes peut à nouveau compter nationalement. Nous pouvons débattre avec les autres forces, nous pouvons discuter avec des pans entiers de la société, du salariat qui ne nous entendaient plus. Nous pouvons agir, sans que l’on nous assigne le rôle du soumis, au nom d’une unité sur un projet sur lequel il nous est interdit de nous prononcer car les accords seraient définis en catimini et en haut lieu. Ce temps-là est révolu.
Le camarade analyse ensuite les échecs successifs des stratégies de rassemblements et les enseignements à en tirer : S’agissant de la gauche plurielle, quels enseignements tirons-nous de notre mutisme à partir de 2000 jusqu’à la présidentielle de 2002 ? A propos du TCE et de la victoire de 2005, quels enseignements tirons-nous de la catastrophe de 2007 et de la tragi-comédie des collectifs antilibéraux ? A propos du Front de gauche, que dirions-nous aujourd’hui du populisme de gauche initié par Jean-Luc Melenchon que notre direction nationale n’a pas dit en 2016 ? Si il y a 2 enseignements à tirer de ces périodes durant lesquelles de nombreux signataires du texte alternatif étaient des responsables de premier plan du Parti, c’est d’une part qu’un Parti communiste fort est dans ces démarches notre bien le plus précieux et celui de la gauche et du monde du travail et d’autre part que nous devons pouvoir dans ces démarches de rassemblement nous exprimer, agir, et parfois, oui, dire nos désaccords avec nos partenaires, y compris stratégiques et programmatiques, affirmer notre originalité, pousser nos arguments et notre point de vue pour éviter les impasses et les désillusions et sans céder aux volontés hégémoniques des uns et des autres. Ce que nous n’avons pas su ou pas assez fait dans le passé de mon point de vue, notamment avant 2017.
Le camarade détaille ensuite les faux arguments, les arguments d’autorité, par lesquels on voudrait imposer des idées : « Argument d’autorité que voudrait être la liste des anciens responsables signataires du texte, censée nous impressionner. Ce baroud d’honneur pour revenir en arrière, vers la stratégie qui nous a conduits à l’échec, localement et au plan national est pourtant sans issue. » ; « Argument d’autorité en dissertant dans l’absolu sur le communisme, alors que leur texte fait tout pour éviter la question fondamentale : si l’objectif c’est le communisme, alors il y a besoin d’un parti communiste qui contribue, dans le rassemblement, à donner son avis sur la perspective » « Argument d’autorité en renonçant à la raison pour l’émotion paralysante : face à la peur du fascisme, à la catastrophe climatique, il faudrait renoncer à une analyse communiste. » et « Argument d’autorité encore avec des mots qui donnent les apparences du sérieux. « Capitalocène », « décivilisation », « productiviste » … mazette, voilà qui cherche à impressionner ! Mais dans le vrai débat intellectuel, ces arguments-là ont peu de crédit (…) »
En conclusion, le camarade appelle au débat collectif et fraternel autour du projet de base commune : « Depuis le dernier congrès, le PCF s’est remis en chantier, durant la pandémie, dans le cadre des élections européennes et de l’élection présidentielle. Les militants, les responsables que nous sommes exprimons à nouveau dans le débat public notre originalité de communistes sur de nombreux sujets, et nous avons été encouragés en cela par les candidatures de Fabien Roussel à la présidentielle, de Ian Brossat aux européennes, et de nos camarades aux législatives. Cela a permis de faire entendre des solutions crédibles et cohérentes issues de nos travaux et de notre projet, ce qui n’était plus arrivé depuis longtemps. Cela a permis aussi de commencer à renouer avec les classes populaires pour qui la gauche n’incarne plus une perspective de changement radical de leurs conditions de vie. Emparons-nous du texte de base commune adopté par le conseil national et poursuivons, amplifions l’ambition de reconquête portée lors du 38e congrès de notre Parti. Assumons nos choix et débattons avec respect, en toute liberté, sur un pied d’égalité, et en toute fraternité. Nous avons de nombreuses questions à approfondir ensemble, celle de l’analyse des crises, de la centralité de la crise systémique, celle du communisme comme un chemin de luttes et une visée de changement civilisationnel, celle de la place des sciences et des idées dans notre combat pour le changement de société, celle de la lutte contre l’extrême droite, celle du rassemblement bien sûr, de celles et ceux que nous voulons unir, et celle du parti enfin, de son rôle, de sa place, de son renforcement et de ce que nous voulons en faire, avec des directions jouant pleinement leur rôle et mettant en œuvre les décisions très majoritaires des communistes. »
- Un projet de base commune qui ne rassemble pas ! Du camarade Francis Chambrelan de l’Eure, est une contribution très critique, courte mais qui peine à développer un argumentaire cohérent. Le camarade reproche à la base commune de ne pas rassembler suffisamment le parti et particulièrement seulement 58 % du comité national. Mais, nombre de ceux qui au CN se sont opposés au texte n’ont pas pris la peine de contribuer à l’écriture commune. Ils savaient déjà qu’ils s’opposeraient, car leur seul projet est de revenir sur les acquis du 38ème congrès et la réaffirmation du parti dans la politique nationale. Sur le fond, on trouve cette « critique » : « Ce projet ne prend pas en compte celles et ceux qui, malgré nos différences, veulent rassembler avec les autres forces politiques à gauche ». Pourquoi et en quoi ces camarades ne se sentent pas pris en compte ? Aucun élément ne vient l’expliquer et tout le reste est à l’avenant.
Le débat du jour : L’Humanité :
Notre journal « L’Humanité » fait décidément partie des débats cruciaux de ce congrès. Dans les contributions du 2 janvier, nous avions examiné celle du camarade Luc Foulquier, sur les statuts qui abordait longuement la question du journal, relevant notamment que :
« On ne sait plus à qui appartient le journal ? Bien sûr, on ne revient pas sur le fait qu’il n’est pas l’organe du Comité National. C’est clair. Mais c’est un journal communiste ! Il faut préciser ce que ça veut dire.
On peut imaginer un journal « communiste » qui ne défende pas ou ne fasse pas connaître les positions du PCF… et dans le même temps on demande aux membres du PCF de lire l’Humanité et le magasine, de les diffuser et de les aider financièrement ! (Je précise que je suis un fidèle lecteur et diffuseur de ces titres).
Mais des camarades me disent (faute d’accord) qu’ils ne les lisent plus. Cela cache aussi le recul de la lecture. Il est vrai que parfois l’Huma fait trop de place à d’autres ! Ignore les travaux des commissions du PCF, et les potentialités qu’il y a parmi les membres du Parti. J’ai un « gros dossier », par exemple, sur l’écologie et l’énergie. Bien trop souvent sont exposées des positions très éloignées de celles du Parti (sur le nucléaire …). Beaucoup d’interventions d’autres organisations (associations, partis) et peu de membres du PCF. »
Une contribution collective des camarades de diverses fédérations revient sur le sujet. C’est heureux, car cela confirme que débattre du sens du quotidien communiste au sein du congrès du Parti Communiste est pertinent.
A la question que pose le camarade Luc Foulquier « C’est un journal communiste ! Il faut préciser ce que cela veut dire » les camarades répondent en plusieurs phrases, dont la synthèse est complexe : En premier lieu, ils disent que l’Humanité « appartient à ses lectrices et ses lecteurs dont de nombreux communistes membres ou non du Parti communiste français, des citoyens issus de divers courants de pensée. » Mais à la fin de leur contribution, ils reviennent sur cette question en disant : « L’Humanité est en effet le relais de ces luttes sociales et des alternatives face à ce capitalisme destructeur. » Dès lors, considérer que l’Humanité n’est pas communiste c’est mettre en danger le seul journal de gauche en France, le seul quotidien communiste dans les pays capitalistes. Sa disparition, sa perte serait un obstacle à nos ambitions ».
Ainsi, pour ces camarades, l’Humanité est un journal communiste, mais aussi un journal de gauche, qui appartient à ses lecteurs (mais, comme chacun sait et c’est bien pour cela qu’on en parle dans le cadre du congrès, l’Humanité appartient aussi aux communistes).
La contribution des camarades le souligne en remarquant que le journal ‘L’Humanité » ne vit que grâce à « l’étendue des participations citoyennes aux initiatives de soutien au journal ». Et ils précisent aussitôt que « Les militants du PCF sont principalement ceux que l’on retrouve chaque fin de semaine sur les marchés pour proposer la lecture de l’Humanité-Magazine. Ce dispositif original et historique des Comités de défense puis de promotion de l’Humanité mériterait de bénéficier de nouvelles impulsions communes entre les équipes du Parti et de l’Humanité afin de redéployer les énergies et gagner de nouveaux lecteurs ».
De fait, l’Humanité s’efforce de satisfaire en même temps deux identités différentes : journal communiste d’une part, journal « de gauche » d’autre part. Cette ambiguïté est difficile à tenir dans la durée et la remarque du camarade Luc Foulquier (« Mais des camarades me disent (faute d’accord) qu’ils ne les lisent plus. Cela cache aussi le recul de la lecture. Il est vrai que parfois l’Huma fait trop de place à d’autres ! Ignore les travaux des commissions du PCF, et les potentialités qu’il y a parmi les membres du Parti. ») le confirme.
Pour les camarades dont la contribution a été publiée ce 4 janvier, cela ne semble pas poser problème : Au moment où les communistes, parmi d’autres, sont appelés à concevoir une visée communiste de notre temps, l’examen du rôle et de l’utilité de l’Humanité est essentiel. Les lectrices et les lecteurs de l’Humanité, dans leur diversité, convergent vers un même but : bâtir une société d’émancipation. Le dépassement du système capitaliste qui exploite avec la même vigueur les êtres humains et la nature, dès lors s’impose. Confronter les consciences aux réalités de notre monde est donc primordial pour accélérer le mouvement et le rassemblement des forces qui aspirent à la transformation de la société. Avec l’Humanité, il s’agit de donner à voir, comme nous l’avions déjà souligné lors du 28ème congrès, les initiatives novatrices et les alternatives sociales et démocratiques, ce déjà là de communiste dans les quêtes de révolution progressiste.
Ici, les communistes, sont des lecteurs « parmi d’autres » qui « convergent vers le même but : bâtir une société d’émancipation » et il s’agit de « rassembler les forces qui aspirent à la transformation de la société ». Et la conclusion absconse semble tout droit tirée du texte alternatif, avec ses formules creuses « donner à voir les initiatives novatrices et les alternatives progressistes » et l’inévitable formule passe-partout du « déjà-là de communisme ».
Cela laisse penser que les camarades, dont les orientations n’ont pas été retenues par les communistes lors du 38ème congrès se retrouvent parfaitement dans le contenu produit par l’Humanité depuis.
La presse communiste : des enseignements historiques :
Lors des dernières rencontres internationalistes de Vénissieux, un débat a été organisé sur la situation italienne. L’Italie avait, jusqu’à la crise des années 90, le plus grand parti communiste d’Europe occidentale. Il disposait d’ailleurs d’un très grand quotidien « L’Unità », fondé par Antonio Gramsci en 1928. Ce parti s’est auto-dissout et transformé en parti social-démocrate en 1991. L’Unità s’est alors transformé en un journal « de gauche » (aspirant probablement à « construire des majorités de progrès »). Cela a tenu quelques années, mais la boussole était perdue, et l’élan militant s’est dispersé. On ne peut pas rassembler dans la durée sans rassembler autour de quelque chose de solide. L’Unità a traversé une série de crise, dans les années 2000, puis a disparu, renaissant parfois temporairement.
A Vénissieux, la question a donc été posée à un camarade franco-italien, Luciano Gelmi : comment un parti communiste aussi puissant que le PCI a-t-il pu ainsi disparaître? Son principal élément de réponse a été de dire que le parti communiste italien était un temps si grand, si glorieux, qu’être membre du parti communiste fut très à la mode en Italie. Le parti a attiré alors à lui des éléments qui n’étaient pas communistes ou qui ont rapidement cessé de l’être lorsque la situation est devenue difficile. Leur présence massive a changé l’identité du parti et l’a conduit à disparaître.
La France a connu un phénomène similaire, mais, heureusement, à un bien moindre degré. Celui-ci s’est arrêté avant la disparition fatidique du parti, car la base communiste y a fait obstacle. Dans l’adversité des années 90 et 2000, le PCF a été comme le roseau, qui plie mais ne cède pas. Mais de ces plis, sont restées des ambiguïtés, des doutes. Et, à mon humble avis, ce sont ces ambiguïtés et ces doutes que nous retrouvons aujourd’hui lorsque nous essayons de clarifier la situation de l’Humanité. L’Humanité n’a en effet pas échappé aux crises que nous évoquons : restructurations, licenciements, baisse de pagination, difficultés financières. Le parti lui-même, en proie à la mutation, a certainement contribué aux doutes qui ont envahi son journal. Nous avons été jusqu’à faire entrer au capital du journal des groupes de médias capitalistes, comme le groupe Lagardère et TF1, en 2001. Cette situation est aujourd’hui révolue et nous en sommes tous très heureux. Nous pouvons admettre que c’était un gros pli sur le roseau. Mais l’Humanité a traversé tout cela, comme le PCF et grâce à l’engagement constant des militants communistes.
Mais aujourd’hui, le vent tourne. L’orientation « néo-libérale » du capitalisme impérialiste fait face à une résistance croissante et à ses propres contradictions. Il est possible d’ouvrir de nouvelles pages.
Une autre conception du rôle d’un journal communiste :
Les camarades affirment que « L’Humanité est une exception mondiale » et que c’est « le seul quotidien communiste dans les pays capitalistes ». L’Huma est certainement une exception mondiale, ne serait-ce que par son histoire, mais ce n’est certainement pas le seul quotidien communiste dans les pays capitalistes. La presse communiste mondiale a toujours existé, existe encore et existera toujours. De fait, la plupart des organisations communistes ont leur journal et souvent, plusieurs journaux (en France aussi, n’oublions pas nos revues, ni la presse régionale, si importante). Un des plus importants journaux communistes dans les pays capitalistes, par exemple, est le Shinbun Akahata, le quotidien du Parti Communiste Japonais, dont la diffusion est d’environ 900 000 exemplaires. Le parti Communiste Japonais vient d’ailleurs de se lancer, suite à son dernier congrès, dans une grande campagne qui mène de front le recrutement pour le parti et le développement de la diffusion de son journal. L’objectif est d’augmenter les deux de 30 %. Une campagne commune du renforcement du parti et du journal … un exemple à suivre ?
Un journal communiste n’est pas pour autant une voix unique ni uniforme, le porte parole de la direction du parti, il s’adresse à l’ensemble du prolétariat, et même au-delà, en portant la voie de la conscience de classe. Il doit l’embrasser dans sa diversité, dans toute sa richesse.
En revanche, il n’est pas là seulement pour « donner à voir ». Il est là pour susciter et organiser l’action. On nous cite souvent la phrase de Marx, tirée de l’Idéologie Allemande « Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel.» Mais, généralement, on en occulte la signification : voici ce qu’écrit Marx, quelques lignes plus loin : On voit également, d’après ces discussions, combien Feuerbach s’abuse lorsque (…) se qualifiant “d’homme communautaire”, il se proclame communiste et transforme ce nom en un prédicat de “l’homme”, croyant ainsi pouvoir retransformer en une simple catégorie le terme de communiste qui, dans le monde actuel, désigne l’adhérent d’un parti révolutionnaire déterminé.(…) En réalité pour le matérialiste pratique, c’est-à-dire pour le communiste, il s’agit de révolutionner le monde existant, d’attaquer et de transformer pratiquement l’état de choses qu’il a trouvé.
Un journal « communiste », ce n’est pas simplement un journal qui s’ajoute un qualificatif, un prédicat. Pour le militant pratique, c’est à dire pour le communiste, il s’agit d’attaquer et de transformer pratiquement le monde existant.
Cela ne signifie donc pas s’isoler dans une idéologie. Quelques années plus tard, dans le Manifeste du Parti Communiste, Marx et Engels développe cette idée d’attaquer et de transformer pratiquement le monde existant :
« En somme, les communistes appuient en tous pays tout mouvement révolutionnaire contre l’ordre social et politique existant.
Dans tous ces mouvements, ils mettent en avant la question de la propriété à quelque degré d’évolution qu’elle ait pu arriver, comme la question fondamentale du mouvement.
Enfin, les communistes travaillent à l’union et à l’entente des partis démocratiques de tous les pays.
Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social passé. Que les classes dirigeantes tremblent à l’idée d’une révolution communiste ! Les prolétaires n’y ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner.
Voilà le rôle et l’identité d’un quotidien communiste : c’est un journal qui a « sa carte du parti dans sa poche », car être communiste n’est pas une « simple catégorie ». C’est être, ainsi que le sens commun le dit, “l’adhérent d’un parti révolutionnaire déterminé“. C’est d’appuyer tout ce qui va dans le sens de la révolution du changement, de la démocratie, en effet, mais en y mettant en exergue le but final : la transformation des rapports de propriété. C’est travailler à l’union, sans jamais dissimuler ses buts : “le renversement violent de l’ordre social passé”.
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