Embrasement (Edito de l’Huma)

Maud Vergnol, codirectrice de la rédaction.

Maud Vergnol, codirectrice de la rédaction.

Le gouvernement redoutait l’embrasement. Il a eu lieu. L’émotion après le meurtre de Nahel par un policier à Nanterre a laissé place à la colère chez une partie de la jeunesse des quartiers populaires. Les secousses se sont fait sentir sur tout le territoire, où des dizaines de commissariats et bâtiments publics ont été incendiés. Des nuits difficiles pour les habitants de ces quartiers, qui se sont réveillés sans transports, sans mairie ou sans école, autant de services publics si précieux. Ces dégradations reviennent, pour ceux qui les commettent, à retourner la violence contre eux-mêmes. « Oui, mais quand on ne crame pas les voitures, il ne se passe rien » a-t-on entendu ces derniers jours. Comment leur donner – entièrement – tort après l’année écoulée ? L’indifférence du pouvoir aux cris de la société ne peut qu’engendrer de la violence.

Alors bien sûr, le souvenir de 2005 est dans toutes les têtes. Le 27 octobre de cette année-là, la mort de Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, électrocutés alors qu’ils tentaient d’échapper à un contrôle de police, avait embrasé les banlieues françaises. C’est le scénario que redoute aujourd’hui le pouvoir macroniste, tiraillé entre les tentatives d’apaisement et la surenchère sécuritaire qu’il n’a cessé d’alimenter dans sa compétition avec l’extrême droite. Pris entre deux feux, Emmanuel Macron, déjà fragilisé par le mouvement social des retraites, sait qu’il est assis sur une poudrière. Que l’étincelle est là, et qu’il sera plus difficile d’éteindre ce nouvel incendie face à cette jeunesse qui n’a rien à perdre. Elle ne demande pourtant que l’égalité et la justice.

La mort de Nahel, causée par des policiers qui n’ont plus grand-chose de « gardiens de la paix » et à qui la loi de 2017 a octroyé un « permis de tuer », devrait susciter un électrochoc pour toute la société sur la réalité des violences policières, que nous avons de si nombreuses fois documentées dans ces colonnes. L’état de la police française, de l’institution – et non de l’ensemble de ses agents –, est un symptôme alarmant de l’état de déliquescence de la promesse républicaine et des dangers qui guettent. Avec ce nouveau drame, la faillite de l’engrenage sécuritaire est patente.


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