La représentante du Rassemblement national a annoncé qu’elle se rendrait à la cérémonie de panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, mercredi 21 février. Des descendants de résistants fusillés l’appellent à y renoncer.
Les descendants politiques de ceux qui ont fusillé Missak Manouchian veulent participer à son entrée au Panthéon. Un crachat à la mémoire du résistant communiste et internationaliste, confirmé ce lundi par le Rassemblement national : « Marine Le Pen se rendra à la cérémonie d’hommage solennel de la nation à Missak Manouchian et ses camarades de résistance. »
Georges Duffau-Epstein, fils de Joseph Epstein, chef des FTP de la région parisienne, fusillé au Mont-Valérien le 11 avril 1944, s’en émeut vivement : « Sa présence serait insupportable. » Le nom de Joseph Epstein sera gravé sur une plaque à l’entrée du caveau numéro 13 dans lequel reposeront Missak et Mélinée Manouchian, « ce qui vaut panthéonisation », selon l’Élysée.
« Je suis le fils d’un immigré tué par les nazis, nous rendons hommage à un immigré tué par les nazis… Quand on sait ce qu’elle défend, sur l’immigration, la préférence nationale, bien sûr que je ne souhaite pas voir Marine Le Pen à cette panthéonisation. » Georges Duffau-Epstein regrette de « ne rien pouvoir faire » à la présence de l’extrême droite à cette cérémonie.
« Elle n’a rien à faire au Panthéon à nos côtés »
Il se questionne : « Faut-il faire circuler une pétition ? Lui envoyer ce message qu’elle n’est pas la bienvenue ? Est-ce qu’il en est encore temps ? Je voudrais surtout la traiter par le mépris. Si je croise Marine Le Pen, mercredi soir, je refuserai de lui serrer la main. »
Le petit-neveu de Cesare Luccarini, un des 23 de l’Affiche rouge – dont le nom sera aussi inscrit sur la plaque –, a, lui, tenu à demander « solennellement à Marine Le Pen de ne pas venir ». « Elle n’a rien à faire au Panthéon à nos côtés, par respect pour les familles, pour chacun des 23 morts ce jour-là », a-t-il ajouté au micro de RTL.
« Ce sont contre des gens comme elle, qui pensent comme elle, que des résistants comme mon père se sont battus. Je ne comprends pas ce qu’elle fera à cette cérémonie », déplore aussi la fille de Gaston Charle, commandant des FTPF, fusillé le 7 mars 1944, Annette Bouton-Charle, qui regrette de ne pas avoir, elle, été invitée à cet hommage national.
« Le RN (à l’époque FN) n’était pas présent aux obsèques de mes parents et nous aurions bien naturellement trouvé cela insupportable, témoigne Élisabeth Helfer Aubrac, la fille de Lucie et Raymond Aubrac. Marine Le Pen essaye une nouvelle fois de faire croire à son empathie et son ouverture aux étrangers, des qualités très loin du danger politique qu’elle incarne. »
« La présence des fachos me parait une provocation, de nature à troubler les repères dont les gens ont besoin dans cette période, elle n’est pas bienvenue », ajoute Jacques Rebière, petit-fils de Pierre Rebière, un des fondateurs des FTP, fusillé le 5 octobre 1942.
Dans les colonnes de l’Humanité, Emmanuel Macron est revenu sur l’invitation protocolaire envoyée par l’Élysée aux représentants du Rassemblement national. Ne voulant pas « par un geste arbitraire » interdire leur présence au Panthéon, le 21 février, le président de la République a toutefois ajouté que « les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes, compte tenu de la nature du combat de Manouchian ».
Des propos jugés « outrageants » par le RN, allant jusqu’à réécrire l’histoire en refusant de reconnaître l’immense apport des milliers de communistes français à la Résistance, en faisant notamment référence au pacte germano-soviétique de 1939. « Les scribouillards de l’Humanité sont les héritiers des dirigeants du Parti communiste qui ont officiellement soutenu l’alliance entre l’URSS et Hitler, avant de tenter de collaborer avec l’occupant nazi en France pour continuer à publier leur torchon », a ajouté le député Jean-Philippe Tanguy, ignorant que c’est dans la clandestinité que le quotidien communiste a continué à lutter contre le nazisme pendant la guerre.
Quand le maire RN de Moissac tresse des lauriers à la milice pétainiste et aux forces fascistes d’occupation pour une réécriture de l’histoire (8 mai 2023)
« Les communistes dont il parle ont essuyé les balles des amis de M. Tanguy », répond Pierre Ouzoulias, vice-président du Sénat et petit-fils d’Albert Ouzoulias, commissaire militaire national des FTP, qui souligne l’absence de réaction du RN au moment de l’annonce de la panthéonisation. « Ils ne s’intéressent pas à cette histoire, la méprisent, mais veulent participer à cette cérémonie pour se normaliser un peu plus », conclut-il.
Jean-Pierre Sakoun, président du comité pour l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, estime à propos du RN que « sur le plan moral et éthique, sa présence ne (lui) plaît pas », mais dit « s’abstenir » de prendre position : « Si on considère que le RN n’est pas un parti républicain, il fallait l’interdire. Puisque ce n’est pas le cas, c’est extrêmement compliqué de s’opposer à sa présence. »
La gauche dénonce la venue de Marine Le Pen
Les représentants politiques de la gauche se montrent plus affirmatifs pour dénoncer la probable venue des représentants du Rassemblement national à la cérémonie de mercredi. « Venir à la panthéonisation de Manouchian, c’est oublier que dans leur histoire, ils ont son sang sur les mains », sanctionne Fabien Roussel, secrétaire national du PCF.
« L’extrême droite n’était pas sur les bancs de l’Assemblée à la Libération mais sur les bancs des tribunaux, jugée pour collaboration… » abonde Boris Vallaud, président du groupe PS à l’Assemblée, qui juge l’annonce de Marine Le Pen « indécente et irrespectueuse ». « Manouchian, c’est la nation civique qui se bat au nom d’un idéal universaliste, social et antifasciste, quand l’extrême droite défend une nation ethnique », abonde le député FI Alexis Corbière.
« C’est très choquant qu’elle ose venir », s’est également émue Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. Un syndicat qui a joué un rôle central dans la lutte contre l’occupant et au Conseil national de la Résistance, au même titre que les communistes. Une histoire que l’extrême droite, embarrassée par son propre passé, refuse de reconnaître, tout en prétendant lui rendre hommage.
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