Le 21 avril 1944, l’amendement présenté par le communiste Fernand Grenier est adopté : « Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. »
La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, publiée en 1791 par Olympe de Gouges affirme que « la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune ». En 1909, après la Ligue française pour le droit des femmes, pionnière dans la lutte pour le suffrage féminin, l’Union française pour le suffrage des femmes est créée. Les revendications se limitent cependant aux élections municipales.
À l’image de plusieurs pays européens, l’après-Première Guerre mondiale aurait pu être le tournant que les femmes étaient en droit d’attendre, mais la France s’y refuse, notamment sous la pression des radicaux-socialistes. Le rôle des femmes avait été pourtant décisif à ce qui a été si mal nommé « l’arrière », faisant tourner le pays et les foyers pendant que les hommes étaient sur le front de la guerre. En 1916, Maurice Barrès dépose une proposition de loi pour accorder le droit de vote aux veuves et mères de soldats tués à la guerre, au nom du « suffrage des morts ». Le cynisme de la proposition ne nous échappera pas : la femme est une suppléante.
« Trois hirondelles ne font pas le printemps. »
Aux élections municipales de 1925, une femme est élue sans en avoir vraiment le droit : Joséphine Pencalet, communiste ouvrière des conserveries de Douarnenez, une « Penn sardin » qui a participé à la célèbre grève victorieuse. Cette élection est rendue possible parce que les députés s’étaient prononcés favorablement. Mais, à la suite de l’opposition des sénateurs, l’annulation de l’élection de Joséphine Pencalet est prononcée. Elle en gardera tout au long de sa vie une profonde amertume.
Aux élections municipales de Montmartre, en 1935, puis aux législatives de 1936, Louise Weiss, présidente de l’association la Femme nouvelle, se présente pour bousculer l’opinion et organise plusieurs actions militantes notamment en direction des sénateurs.
Lors du Front populaire, le gouvernement de Léon Blum, formé en juin 1936, nomme trois femmes sous-secrétaires d’État : Irène Joliot-Curie à la Recherche scientifique, Cécile Brunschvicg, présidente de l’Union française pour le suffrage des femmes, à l’Éducation nationale, et Suzanne Lacore à la Protection de l’enfance. Les attentes sont fortes envers Léon Blum, mais la déception l’est tout autant… Louise Weiss déclarera : « Trois hirondelles ne font pas le printemps. »
Le militantisme féministe, l’évolution de la place des femmes dans le monde du travail et l’enseignement obligatoire ont bien évidemment été des conditions de possibilité de la crédibilité de la revendication d’un droit de vote des femmes. La Seconde Guerre mondiale marque une étape irréversible. L’engagement politique des femmes a pris une ampleur qui ne peut plus être ignorée.
Dès 1936, la dirigeante communiste et résistante Danielle Casanova écrivait : « Il n’est plus possible à la femme de se désintéresser des problèmes politiques, économiques et sociaux que notre époque pose avec tant de force (…), la conquête du bonheur est pour la femme liée à son libre épanouissement dans la société, cet épanouissement est une condition nécessaire du développement du progrès social. »
Une injustice réparée par les communistes
André Tollet, syndicaliste résistant, président du Comité parisien de la Libération, écrivait lors du colloque sur les femmes et la Résistance en 1975 : « C’est ainsi que les femmes ont gagné de haute lutte leur droit de vote. Qui aurait pu le leur refuser alors qu’elles avaient défendu la patrie aussi bien et mieux que certains hommes ? C’est un droit qu’elles ne doivent à personne qu’à leur prise de conscience. La Libération, c’est aussi le point de départ d’une participation toujours en progression des femmes à la vie sociale et politique et aujourd’hui nul n’oserait leur contester le droit de s’intéresser aux affaires du pays. »
Ainsi que le relate Fernand Grenier : « C’était ainsi, “la concrétisation du droit de vote des femmes en France prend sa source lors de l’Assemblée constituante provisoire installée à Alger. Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes”. C’était clair et net. Après une discussion courtoise mais passionnée, l’amendement communiste fut voté par 51 voix contre 16 sur 67 votants. C’est de cette séance du 24 mars 1944 que date en fait le vote des femmes de France. »
L’injustice dénoncée par les communistes est ainsi réparée : le 21 avril 1944, il est déclaré que « les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Il faut attendre les municipales du printemps 1945 pour que les premiers bulletins de femmes soient légitimement placés dans l’urne. En 1946, le préambule de la Constitution de la IVe République stipule que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».
Quatre-vingts ans après, certaines femmes n’ont pas encore accès à ce droit fondamental. La crise sanitaire a mis en lumière l’essentialité et la pénibilité du travail des femmes notamment dans les secteurs du soin et du lien. Qu’en est-il du droit de vote des femmes dites sans papiers, qui occupent nombre de ces emplois et n’ont pourtant pas la possibilité d’exercer leur souveraineté ? La question des nouveaux pouvoirs à conquérir pour celles qui font tenir le pays se pose.
Shirley Wirden, Responsable de la commission droits des femmes et féminisme du PCF
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