Ancienne ministre des Sports de 1997 à 2002, la communiste Marie-George Buffet revient pour l’Humanité sur son rapport aux jeux Olympiques et Paralympiques et le sens qu’elle donne à cette compétition.
Qu’auriez-vous changé dans l’organisation de ces JOP si vous l’aviez pu ?
J’aurais avant tout travaillé à bâtir un véritable héritage pour ces Jeux. C’est une chance de les accueillir, mais qu’en fait-on une fois passé l’événement ? Le pire serait de refermer une parenthèse, alors que ces JOP doivent servir de tremplin pour la démocratisation du sport en France.
Nous devons monter le budget du sport à 1 % du PIB, et lancer une grande concertation pour construire une loi-cadre. Ces jeux ne seront populaires que si 2024 devient une année charnière dans l’accès à la pratique sportive, dans l’amélioration de la situation des clubs et associations, dans la création d’un statut du bénévole et la diffusion d’idées neuves.
Des enfants vont découvrir cette année des disciplines très peu médiatisées. Ils vont se prendre de passion pour. Va-t-on leur permettre de les pratiquer dès la rentrée et de s’ouvrir au monde à travers elles ? Le sport doit faire l’objet d’un débat et d’un combat politique pour son développement. Il ne peut pas être séparé du reste des politiques sociales et ne doit pas servir à exclure, mais bien au contraire à inclure.
Quel est votre meilleur souvenir des Jeux ?
C’est un match de basket en fauteuils roulants à Sydney en 2000. C’était magnifique et cela m’a beaucoup ému. J’ai d’ailleurs été la première ministre des Sports française à venir assister à des jeux Paralympiques. La grande nageuse handisport Béatrice Hess souligne souvent que les jeux de Sydney ont constitué une étape clé dans le développement du parasport. C’est un très grand souvenir pour moi. Et j’ai bien sûr en tête les exploits de l’Algérienne Hassiba Boulmerka et son combat féministe contre tous les réactionnaires.
Qu’allez-vous faire pendant ces Jeux ?
Je vais suivre les épreuves devant mon écran et apprécier ce moment de plaisir partagé devant l’exploit sportif, tout en ayant un regard critique sur ces JOP. Il y a du progrès : ils sont les premiers à atteindre la parité hommes-femmes au niveau des athlètes.
Mais ils laissent de côté toute une partie de l’humanité, faute de réflexions et démarches suffisantes du CIO pour lutter contre les entraves faites aux athlètes, qu’il s’agisse de l’interdiction de la pratique féminine dans certains pays ou d’un manque de moyens dans d’autres.
Vous ne croyez pas à la neutralité des JOP ?
Mais certainement pas. Je récuse cette idée. Il ne s’agit pas d’un tournoi avec de simples spectateurs. Les Jeux sont toujours l’occasion d’interroger l’humanité et l’état du monde, ils sont toujours traversés de contradictions et de mobilisations, avec des athlètes qui s’affirment en tant que citoyens.
Ne soyons pas naïfs : les États organisateurs s’en servent comme d’une vitrine masquant bien souvent la réalité de leur pays. Je défends d’ailleurs la création d’une agence internationale pour revoir les critères d’attribution de toutes les grandes compétitions, prenant en compte l’aspect démocratique, social, écologique et féministe.
Et nous devons réfléchir à des cofinancements entre les États permettant à tous les pays, quelle que soit leur richesse, d’accueillir les Jeux. La France s’honorerait à prendre une telle initiative cette année.
À quelle épreuve auriez-vous aimé concourir si vous aviez été athlète ?
J’aime les sports collectifs, mais je crois que j’aurais adoré être sur un terrain d’athlétisme, où l’individu semble fondamentalement seul face à ses propres limites. Et je vais choisir le saut en hauteur, tant la notion de dépassement y est palpable !
Qui auriez-vous choisi pour allumer la flamme ?
Une jeune fille et un jeune garçon de l’Insep, pour symboliser que les Jeux sont une promesse d’avenir. J’ai en mémoire une phrase très marquante d’un jeune athlète qui m’a confié : « J’aimerais que l’on me considère comme un individu et non pas uniquement comme un sportif. »
Cela en dit long sur le besoin de revisiter le sport de haut niveau. Le résultat n’est pas tout, le bien-être compte aussi. Cette phrase reflète tout le bilan des travaux du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport que j’ai présidé et qui a rendu ses conclusions en décembre.
Qu’est-ce qui résume le mieux selon vous l’esprit olympique ?
Sans hésiter le défilé des athlètes. Voir converger dans un stade les délégations du monde entier offre une très belle image de notre humanité. C’est un moment qui provoque en moi toujours beaucoup d’émotion, qui illustre la diversité des peuples et leur capacité à être ensemble. C’est un très beau symbole. Cette année, ce ne sera pas dans un stade mais sur la Seine. J’espère que les athlètes pourront apparaître ensemble aux yeux du monde.
Qui voudriez-vous voir comme premier ministre pour l’ouverture des JOP ?
La première ministre proposée par le Nouveau Front populaire (NFP) : Lucie Castets. Emmanuel Macron doit respecter la démocratie et la nommer au plus vite, afin qu’elle forme un gouvernement du NFP. Le président a de gros problèmes de cohérence.
S’il considère que l’on ne change pas de gouvernement pendant les Jeux, ce qui peut s’entendre, il n’avait qu’à se retenir de dissoudre l’Assemblée. Mais il a dissous, puis il a accepté la démission du gouvernement Attal. C’est donc qu’il faut en nommer un autre, et de toute urgence !
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