Depuis le 3 février 1962 Cuba subit un blocus économique, financier et politique de la part des États-Unis, inédit tant sur sa durée que sur son ampleur dans l’histoire contemporaine.
L’objectif du blocus est simple : mettre à bas la Révolution socialiste cubaine et écraser par la même occasion toutes les velléités d’indépendance et d’anti-impérialisme des pays d’Amérique latine.
Depuis la promulgation de la doctrine Monroe 1823, l’Amérique est et doit rester « l’arrière-cour» et la « chasse gardée » de l’Oncle Sam. Alors, qu’un petit pays comme Cuba, aux larges des côtes de Floride, désigné pour être « le bordel des États-Unis », décide de s’émanciper et de continuer à résister depuis 1959, c’est parfaitement insupportable pour la première puissance. Ça l’est d’autant plus que la chute de l’URSS et la mise en place des lois Torricelli et Helms Burton1 dans les années 90 avaient comme but d’asphyxier définitivement le pays et permettre la chute de la Révolution. Car le problème n’est évidemment pas la « transition démocratique » (les États-Unis n’ayant jamais eu la volonté en Amérique latine comme ailleurs de défendre des gouvernements démocratiques), mais bien d’effacer un affront à l’ingérence américaine et sanctuariser le discours de « capitalisme comme fin de l’histoire ».
En ce sens, si Cuba n’a jamais été un danger économique, guerrier ou terroriste contre les États-Unis, elle reste un obstacle certain à leur hégémonie idéologique et politique. On ne comprend l’acharnement de ceux-ci contre l’île des Caraïbes que dans cette perspective.
Le blocus touche aujourd’hui aux services essentiels à la survie du peuple cubain.
Le nouveau renforcement du blocus pendant la pandémie et la mise de Cuba sur la liste des pays « finançant le terrorisme »2 a rendu la vie des Cubains encore plus difficile. Manque de médicaments et de matériel médical, manque de nourriture par l’interdiction pour les entreprises et États tiers de commercer avec Cuba, coupures de courants chroniques et équivalents à celles des années 90 : tous les pans de l’économie sont aujourd’hui touchés.
Les lois d’extraterritorialité des États-Unis attaquent la souveraineté économique des États tiers. Leurs effets en sont particulièrement visibles en Europe et en France. Les circuits bancaires et économiques sont rendus impossibles, sans que l’UE, pourtant figure de proue de la liberté de circulation des marchandises et des capitaux, ne s’y oppose. L’effondrement du tourisme suite à la pandémie et à la crise énergétique a encore aggravé la situation.
Du 1er mars 2023 au 29 février 2024, le blocus étatsunien a causé à Cuba des dommages et des pertes matérielles estimés à 5,056 milliards de dollars, soit une augmentation de 189,8 millions de dollars par rapport au chiffre indiqué dans le rapport précédent. Mais le pire était encore à craindre.
« Le pire », c’est ce qui se passe actuellement : depuis vendredi 18 octobre, le peuple de Cuba est sans électricité alors même que l’ouragan Oscar frappe l’île depuis ce dimanche 20 octobre. La panne de la dernière centrale thermique en fonctionnement a provoqué une déconnexion électrique de l’ensemble du pays. La veille, le gouvernement avait décrété l’urgence énergétique en demandant de réserver la consommation électrique aux fonctions vitales pour le pays3.
À cause du blocus imposant des difficultés drastiques à se fournir en combustible et en pièces nécessaires au fonctionnement et à la réparation des centrales du pays, le 16 octobre, le président Miguel Diaz-Canel avait dû annoncer que l’île se trouvait en situation d’« urgence énergétique ». « 18 jours de blocus équivaut au coût annuel d’entretien du réseau », déclarait sur X le ministre des Affaires étrangères Bruno Rodriguez.
Mais cela ne s’arrête pas là : la crise énergétique, si elle perdure, met en péril les stocks de nourriture comme de médicaments et traitements dans l’île, entrainant une aggravation exponentielle de la crise humanitaire en cours. Depuis le 18 octobre, Cuba est sans électricité, mais ce sont également les réserves d’eau qui sont vides : plus de douche, plus d’eau pour les toilettes. Un malheur ne venant jamais seul, le passage du cyclone Oscar dimanche a eu des conséquences désastreuses dans la région orientale de l’Île et pour la ville de Baracoa qui est sous les eaux.
Pourtant pour la 32e fois consécutive, cette année la condamnation et la demande quasi unanime de levée du blocus par l’Assemblée générale des Nations unies seront votées. Alors, que font nos gouvernements ? Les moyens juridiques existent pourtant pour contourner le blocus :
- Mise en œuvre des articles 63 et 66 du traité de fonctionnement de l’UE sur la levée des « restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers ».
- La mise en œuvre de l’accord de dialogue politique et de coopération entre l’Union européenne et Cuba, signé à Bruxelles le 12 décembre 2016 et notamment son article 10.
Il est grand temps de mettre fin à ce blocus illégal et de dire haut et fort que les États-Unis ne pourront plus s’asseoir sur le droit international en toute impunité !
Nous demandons dans l’immédiat au gouvernement et au président Emmanuel Macron, en lien avec les autorités cubaines, de fournir toute l’aide nécessaire à Cuba pour la restauration de son système électrique comme la France le fait dans d’autres pays lorsqu’il y a des catastrophes écologiques ou humanitaires comme celle-ci.
Nous accueillerons, les 23 et 24 novembre prochains, au siège du PCF les 19e rencontres de solidarité avec Cuba4. Un évènement avec des délégations de 24 pays et plus de 250 délégués. L’occasion pour nous de renforcer notre campagne de solidarité politique et matérielle lancée en 2023 et d’œuvrer collectivement avec nos partenaires français et européens5.
La solidarité avec cuba aujourd’hui n’est pas qu’une question vitale pour le peuple cubain ou d’internationalisme pour nous. Elle revêt un caractère essentiel pour toute l’humanité : sommes-nous en capacité de nous doter de règles communes à l’ensemble de la planète et de les faire respecter, ou sommes-nous condamnés à voir un peuple se faire asphyxier en silence car les États-Unis en ont décidé ainsi ?
Charlotte Balavoine
Responsable de la campagne Cuba pour le PCF
1. La loi Torricelli, promulguée en octobre 1992, avait pour but d’isoler totalement Cuba du contexte économique international pour favoriser un collapsus de son économie. La loi Helms-Burton (officiellement, Cuban Liberty and Democratic Solidarity (Libertad) Act of 1996, est une loi fédérale Étatsunienne renforçant le blocus contre Cuba, en particulier son caractère extraterritorial. Dans un contexte de crise économique liée à la chute de l’URSS, ces lois cumulées à de nombreuses actions terroristes à Cuba dans les années 1990-2000 ont pour but de définitivement mettre fin à la Révolution.
2. Cet ajout faisant suite à l’accueil par Cuba, à la demande de la communauté internationale, du processus de paix colombien. Le gouvernement colombien lui-même n’ayant de cesse de demander le retrait du pays de cette liste.
3. https://www.humanite.fr/monde/amerique-latine/etat-du-reseau-blocus-comment-cuba-a-ete-plongee-dans-le-noir
4. https://cubacoop.org/Rencontre-Europenne-de-solidarite-avec-Cuba
5. https://www.pcf.fr/cuba
puis aussi: https://histoireetsociete.com/2024/10/24/pourquoi-lurgence-face-a-cuba-est-politique/
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