Malgré l’opposition de pays comme la France ou la Pologne, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé avoir « conclu les négociations » à propos d’un traité de libre-échange avec le Mercosur. Un choix qui risque « d’ouvrir une crise politique majeure au sein de l’Union européenne », estime le Collectif Stop CETA-Mercosur, et qui « traduit le mépris des tenants du libéralisme débridé pour les valeurs démocratiques », pour le groupe GDR.
Malgré les désaccords – notamment celui de la France -, les mouvements sociaux qui se sont multipliés et les alertes des militants qui luttent contre le dérèglement climatique, Ursula von der Leyen persiste. La présidente de la Commission européenne a annoncé, ce vendredi 6 décembre, avoir « conclu les négociations » pour l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur (Paraguay, Uruguay, Brésil, Argentine et Bolivie).
« Cet accord est une victoire pour l’Europe, 60 000 entreprises exportent vers le Mercosur aujourd’hui, a-t-elle appuyé, de Montevideo, où se sont réunis les pays membres de l’alliance sud-américaine. À nos agriculteurs, nous vous avons entendu. Cet accord comprend des mesures claires pour préserver vos revenus. »
Le traité de libre-échange prévoit par exemple que 99 000 tonnes de bœuf et 180 000 tonnes de volaille sud-américaines soient importées sur le continent européen. Le tout à des tarifs préférentiels, alors que l’accord prévoit que 82 % des importations seront exemptées de droits de douane.
Un projet d’accord commercial « inacceptable »
Loin de l’image que la présidente de la Commission européenne tente d’imposer, cette décision vient mettre à mal l’unité européenne. Car l’accord en l’état a été rejeté par les autorités françaises et lors d’un vote des parlementaires. Emmanuel Macron avait pourtant lors d’un appel téléphonique, jeudi 5 décembre, « redit » à Ursula von der Leyen que le projet d’accord commercial était actuellement « inacceptable », a affirmé l’Élysée.
Plusieurs opposants au Mercosur estiment d‘ailleurs qu’Ursula von der Leyen profite de la chute du gouvernement de Michel Barnier et de l’instabilité politique en France pour imposer ce traité de libre-échange tant décrié.
Outre l’Hexagone, le premier ministre polonais, Donald Tusk, avait affirmé, fin novembre, qu’il n’accepterait pas le projet « sous cette forme ». L’Italie gouvernée par la première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni avait, elle aussi, rejoint le front du refus, jeudi 5 décembre : « Les conditions ne sont pas réunies pour souscrire au texte actuel. » L’Autriche et les Pays-Bas ont, enfin, également dévoilé des réticences sur cet accord commercial entre des puissances européennes et sud-américaines.
« Cette décision de la présidente de la Commission contourne le non de la France et les réserves de nombreux pays européens risque d’ouvrir une crise politique majeure au sein de l’Union européenne, a condamné le Collectif national Stop CETA-Mercosur. La France n’a quasiment jamais été mise en minorité sur des sujets majeurs tout au long de la construction européenne. » Pas de quoi freiner la présidente de la Commission européenne, qui évoque « le plus grand accord pour la protection du secteur alimentaire de l’Europe (…) C’est un accord gagnant-gagnant ».
« La signature de ce nouvel accord traduit le mépris des tenants du libéralisme débridé pour les valeurs démocratiques », fustige dans un communiqué le groupe Gauche Démocrate et Républicaine (GDR) à l’Assemblée Nationale. « Refuser obstinément aux peuples la possibilité d’agir pour construire leur destin commun sur d’autres bases que la compétition économique et financière est intolérable », estiment les députés communistes. Les élus affirment attendre d’Emmanuel Macron « qu’il lève toute ambiguïté sur la position française quant à un rejet ferme et définitif de l’accord, dénonce les agissements de la Présidente de la Commission et rappelle que cet accord, qui menace l’avenir de nos agriculteurs, ne saurait en aucun cas être ratifié par la France ».
L’annonce d’un accord par la Commission européenne entre les pays de l’Union européenne et ceux du Mercosur sur un traité commercial « n’engage qu’elle », a rétorqué la ministre déléguée au Commerce extérieur démissionnaire de la France, Sophie Primas, en réaction à l’annonce d’Ursula von der Leyen. Les États membres de l’Union européenne doivent encore se prononcer sur cet accord de libre-échange, qui n’est pas encore entré en vigueur.
« L’UE est censée réduire de 90 % ses émissions de gaz à effet de serre »
Pour rappel, ce projet de traité de libre-échange est discuté depuis 1999. Dès le départ, l’Union européenne et le Mercosur souhaitent supprimer la majorité de leurs droits de douane respectifs. Le but est alors clair : créer un vaste marché de plus de 700 millions de consommateurs. Symbole d’une époque où plusieurs puissances prônaient le libéralisme économique et la mondialisation comme un futur enviable, ce traité est, aujourd’hui, largement remis en cause.
« L’accord conclu ce jour n’est rien de moins qu’une hérésie écologique, fustige par exemple la France insoumise, dans un communiqué publié sur leur site. Alors que l’UE est censée réduire de 90 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2040, elle conclut 15 ans avant cette date un traité dont l’objectif premier est d’intensifier les flux commerciaux entre deux continents éloignés de 10 000 km. »
Même réaction du côté du groupe membre du parlement européen, la Gauche : « L’accord UE-Mercosur porte un coup dévastateur aux petits agriculteurs, à la santé publique et aux engagements climatiques. Une fois de plus, les profits des multinationales sont privilégiés au détriment des populations et de la planète. Le combat n’est pas terminé : cet accord doit être stoppé ! »
La stratégie du président de la République française, Emmanuel Macron, est notamment remise en cause. L’économiste à l’Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (Aitec), Maxime Combes, regrette que l’Hexagone se soit enfermé dans une posture de façade, sans réellement chercher comment mettre fin à cet accord dévastateur.
La ratification du traité « signe l’échec patent de la stratégie d’Emmanuel Macron de n’avoir rien entrepris à Bruxelles depuis 4 ans pour empêcher ces négociations d’être conclues, estime celui qui est aussi coanimateur du collectif national Stop-Mercosur. Cet accord « viande contre voitures », négocié par la Commission européenne derrière portes closes sans tenir compte du rejet grandissant qu’il génère, pensé pour satisfaire l’appétit des entreprises multinationales et non les besoins des populations, ne doit pas voir le jour. » Au vu de ses dernières déclarations, Ursula von der Leyen ne semble pas prête à entendre les critiques.
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