
Jean-Marc DURAND, membre du conseil national – PCF
Les lendemains du 14 juillet, journée de fête nationale pour commémorer la Révolution française de 1789, ont cette année un goût amer pour des millions de Françaises et de Français, après le catalogue de mesures, toutes plus réactionnaires les unes que les autres, débité par François Bayrou le 15 juillet.
Dans les faits, ce budget est une déclaration de guerre au monde salarié. Il montre deux choses en parallèle. L’ampleur des dégâts commis par plusieurs décennies d’un ultralibéralisme économique décomplexé – car ce sont bien les choix successifs, surtout sous l’ère Macron mais dont de sérieux prémices étaient perceptibles chez ses deux derniers prédécesseurs au moins, qui ont conduit à un tel tarissement des recettes budgétaires et de l’activité productive dans notre pays, avec des services publics mis dans l’incapacité d’accomplir leurs missions et une industrie lapidée (la production industrielle représente désormais tout juste 9,6 % du PIB national).
Et malgré cela, le capital qui comptait sur un tel remède pour se « refaire la cerise » est confronté à des difficultés encore plus importantes qu’avant car à force d’accumuler toujours et toujours, il y a un problème majeur de rentabilité, de taux de profit qui n’est plus au rendez-vous. Et c’est là l’alpha et l’oméga des capitalistes, l’obsession de la gestion capitaliste. Une situation telle qu’elle conduit les représentants politiques de cette classe à commettre tous les excès, à perdre leur sang-froid. Jusqu’à à entrer dans une sorte de quitte ou double en intégrant y compris les risques d’affrontements sociaux, voire guerriers que leurs choix peuvent entrainer, tout en se donnant les moyens de mater les réfractaires avec tout un arsenal anti-liberté et répressif à destination intérieure, et en se lançant dans une course à l’armement pour se préparer à faire la guerre, d’où la nette tendance à la hausse du budget militaire.
Sans jouer au dramaturge, il faut néanmoins intégrer la gravité de la situation dans laquelle nous entrons. L’actualité rend en effet possible d’utiliser les termes « nous entrons » car avec le budget 2026 en France comme avec la guerre commerciale lancée par Trump, on peut raisonnablement dire que nous franchissons là, une nouvelle phase de l’approfondissement de la crise de système et sa gestion
Pourtant, d’autres choix existent et sont possibles qui permettraient de traiter autrement une telle situation et de produire ainsi des effets radicalement différents, ouvrant enfin des perspectives de ressaisissement et de développement réels pour toutes et tous.
« Plan de retour à l’équilibre des finances publiques » : Bayrou a osé !
Le Premier ministre a repris dans sa présentation des mesures budgétaires pour 2026 la quasi-totalité des propositions avancées, toutes plus réactionnaires les unes que les autres, qui au final doivent se traduire par 43,6 milliards d’euros d’économies. Avec un tel objectif, il est douteux que la dette, prétexte utilisé sur tous les tons pour faire avaler la pilule, régresse de façon significative. Cette purge annonce plutôt une entrée en récession de la France en 2026, et donc une aggravation de la dette.
Une « année blanche » –
Cela consisterait à reconduire à l’identique certaines dépenses de 2025 en 2026, sans augmentation. Donc sans prise en compte de l’inflation ni des besoins d’actualisation de certaines dépenses, y compris pour reconduire simplement les programmes à l’identique de ce qu’ils étaient en 2025. Et il faut noter que les montants qui proviendraient d’un tel choix seraient très variables en fonction notamment du périmètre retenu.
Ainsi la commission des Finances du Sénat annonce que le gel entre 2025 et 2026 des dépenses de l’État sur ses missions budgétaires, sauf pour la défense, la contribution au budget de l’UE et la charge de la dette, rapporterait environ 10 milliards d’euros. Quant à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et à l’Institut des politiques publiques (IPP), ils tablent sur une économie de 5 à 6 milliards d’euros.
Désindexer les retraites
La piste d’une désindexation des pensions de retraites par rapport à l’inflation est une hypothèse très soutenue. Elle reçoit d’ailleurs le renfort du Comité de suivi des retraites (CSR), ainsi que de plusieurs parlementaires du camp gouvernemental. S’abstenir d’indexer les pensions de retraites sur l’inflation rapporterait 3,7 milliards d’euros, selon l’OFCE. Mais toujours selon l’OFCE, au cours de l’année 2026, quelques 10 millions de ménages dont « la personne de référence est retraitée », verraient ainsi leur revenu disponible réduit de plusieurs centaines d’euros.
Réduire la protection sociale
Dans le but de réduire le déficit de la protection sociale (Sécurité sociale, assurance chômage, retraites), différentes pistes sont avancées notamment par l’Assurance maladie qui devrait connaître un trou de 16 milliards d’euros en 2025. Elle a ainsi proposé d’économiser 3,9 milliards d’euros en 2026 en « améliorant la pertinence des soins, luttant contre les fraudes, régulant les prix, renforçant la prévention et réformant les indemnités journalières ». S’agissant de l’assurance vieillesse dont le déficit est estimé à environ 6 milliards d’euros en 2025, avec l’aide des médias une campagne farouche est menée pour une mise à contribution des retraités, soit par la désindexation des pensions, soit par une hausse de la CSG, avec une exception pour les retraités les plus modestes. Une autre piste comme la capitalisation est ouverte. De même, le gouvernement a annoncé un nouveau durcissement des règles de l’assurance chômage.
Geler le barème de l’impôt sur le revenu
Dans cette optique, les seuils des différentes tranches qui habituellement sont ajustés automatiquement chaque année pour neutraliser les effets de l’inflation, ne seraient pas relevés. Ainsi des ménages jusque-là non imposables seront soumis à l’impôt et d’autres verraient leur d’imposition augmenter. Par exemple en 2025, le relèvement des seuils des tranches avait rendu non imposables 600 000 contribuables. En 2026, l’OFCE estime que le gel du barème de l’IR rapporterait 1,2 milliards d’euros, avec une inflation à 1,1 %.
Une réforme des opérateurs et agences de l’État.
Le gouvernement viserait 2 à 3 milliards d’euros d’économies en réformant le fonctionnement des 434 opérateurs, 317 organismes consultatifs et 1153 organismes publics nationaux comme l’ADEME pour la transition écologique, l’Agence Bio, l’Agence nationale du sport…). Fusions d’agences, rabotage de missions seraient au programme !
Limitation des dépenses de la fonction publique
Maitriser l’augmentation des dépenses de la fonction publique en rognant sur la masse salariale de la fonction publique est également dans le viseur. Selon le gouvernement, la rémunération des 5,8 millions d’agents publics a coûté 107 milliards d’euros en 2024, soit une hausse de 6,7 %. La faute est mise sur les mesures catégorielles dont le GVT, qui à elles seul, auraient contribué à augmenter la masse salariale de 3,7 milliards d’euros. Un autre levier pourrait être actionné, celui des réductions d’emplois, avec un départ à la retraite sur trois dans la fonction publique d’État.
Gel des recettes des collectivités locales
Ainsi, après avoir enregistré une perte de recettes de plus de 7 milliards d’euros, elles s’apprêteraient à subir des coupes encore beaucoup plus violentes qui pourraient représenter un montant global d’environ 11 milliards d’euros. L’annonce officielle pour 2026 est une coupe de 5,3 milliards d’euros, elle était de 2,2 milliards d’euros pour 2025…
Mais ce n’est encore pas tout
Dès la rentrée, Bayrou a annoncé un examen du code du travail, il s’agit pour lui de s’attaquer aux quelques droits qui demeurent.
Enfin, ses propos quant au poids trop important des prélèvements sur le travail annoncent une volonté d’augmenter la TVA, la fameuse « TVA sociale », pour venir prendre en charge des dépenses sociales, par exemple les risques et accidents professionnels. Mais pour cela il faut ne pas sortir des clous fixés par l’Union européenne c’est-à-dire, ne pas dépasser le taux de 25 % et trouver une compensation. Cela tombe bien le choix pourrait se porter sur une nouvelle baisse des cotisations sociales.
L’attaque est considérable. La résistance et la contre-offensive doivent l’être encore plus. Y parvenir implique de créer les conditions d’une large mobilisation du monde salarié, des organisations syndicales et des forces politiques représentatives à gauche. Sa réalisation ne se fera pas en claquant des doigts. C’est pourquoi, il s’agit sans tarder de verser au débat dans l’ensemble de la société l’analyse du projet gouvernemental pour en faire mesurer les objectifs réels et d’avancer des réponses qui seront autant de moyens de traiter les problèmes posés à la racine afin de construire une alternative crédible capable de cimenter les énergies et l’action collective pour imposer le changement. Le parti communiste est armé pour le faire.
De gros nuages planent sur le budget et l’économie du pays.
Avant de se projeter dans une analyse plus détaillée du projet gouvernemental de loi de finances pour 2026, et d’en envisager les conséquences, il convient de dresser un état des lieux à partir de quelques éléments clé indispensables à une appréciation honnête et transparente de la situation budgétaire et économique de notre pays.
Quelques données
Tout d’abord la croissance. Au mieux elle serait de 0,3 % en 2025, évitant ainsi de justesse une entrée en récession. Pour 2026 est annoncé un taux de 0,6 %. Pas de quoi pavoiser car avec une croissance de ce niveau, aucune perspective sérieuse de redressement des comptes publics et de la situation économique du pays n’est envisageable ! D’autant qu’avec les mesures au menu du budget 2026, il est plus que jamais plausible de voir la France plonger dans la récession au cours de l’année prochaine. Le PIB national, après avoir été de 2 917 milliards d’euros en 2024, devrait quant à lui, flirter avec la 3 000 milliards d’euros fin 2025.
Une autre donnée importante est le montant payé par la France au titre du remboursement des intérêts de la dette. Aujourd’hui, la dette totale de la France est de 3 345 milliards d’euros, soit 114 % du PIB. A ce titre, en 2025 la France va devoir rembourser quelques 62 milliards d’euros d’intérêts aux marchés financiers, soit un montant quasiment équivalent à celui du budget de l’éducation nationale. Le déficit public est quant à lui estimé pour 2025 à 5,6 % du PIB. Par ailleurs pour la première fois la part de l’industrie dans le PIB, c’est-à-dire un des atouts essentiels de la création de valeur ajoutée, de richesses, sur le territoire national est passée en-dessous des 10 % (9,4 %). Quant au chômage, il repart à la hausse avec une augmentation des demandeurs d’emplois au premier trimestre de l’année. Avec 64 000 demandeurs d’emplois supplémentaires, le taux de chômage atteint ainsi officiellement 7,4 % (selon l’INSEE). Il faut intégrer, comme élément correcteur de ces chiffres, le fait que l’effet sur l’emploi des fermetures massives d’entreprises intervenues depuis le début de cette année, ne s’est pas encore retrouvé dans les statistiques du chômage. A la fin de l’année, la situation risque en effet d’être beaucoup plus préoccupante. Les défaillances d’entreprises sont en passe de battre le record de 2024. La CGT estime quant à elle, à 300 le nombre de PSE et à 300 000 le total des suppressions d’emplois, en 2025.
Enfin, les déclarations présidentielles concernant le budget de la Défense annonçant vouloir le porter à 64 milliards d’euros en 2027 avec dès 2026 une augmentation de 3,5 milliards d’euros par rapport à la dépense déjà programmée, donnent d’emblée le ton quant à l’orientation principale que prendront les dépenses nouvelles.
Une situation à forts enjeux
Ces quelques chiffres permettent de mieux mesurer le contexte dans lequel doit s’engager le débat sur le projet de budget pour 2026 et les défis à relever. En effet, derrière chaque mesure qui sera annoncée, il y a un enjeu considérable pour le sort d’une majorité de nos concitoyennes et concitoyens. Plus le précipice se creuse, plus les dirigeants de ce pays essayent d’en atteindre le fond ! Il y a une sorte de folie furieuse et meurtrière qui s’empare d’eux. Une attitude qui en dit long sur l’état réel de la crise dans laquelle s’enfonce le capitalisme et ce qu’on peut appeler l’Occident global dont Emmanuel Macron se veut un des plus ardents défenseurs contre le Sud global. C’est la marque d’un aveuglement total et d’un dogmatisme féroce de responsables politiques qui nient les évolutions en cours dans le monde et qui, au final, ne voient de règlement que par la violence et la force avec, pour objectif particulier, sauver coûte que coûte le dieu capital et son incarnation que sont les États-Unis et leur dollar.
A l’heure où la France s’enfonce dans la pauvreté en même temps que les inégalités s’accroissent, plus de 19 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, alors que le nombre de milliardaires vient de passer de 16 à 145, on apprend, comme si cela ne suffisait pas à montrer l’ampleur des dégâts, que les entreprises ont reçu en 2023 un montant de 211 milliards d’euros d’aides publiques sans aucun contrôle de leur utilisation. Dans un excellent rapport d’enquête remis au Sénat, Fabien Gay, sénateur PCF, démontre en effet qu’une manne publique sans cesse plus conséquente est accordée aux entreprises qui l’utilisent pour tout sauf pour créer des emplois et augmenter les salaires… Un véritable scandale d’État ! Face à tant d’injustice, à un tel mépris de l’humain et de l’écologie, le temps n’est-il pas venu d’envisager les choses autrement afin de sortir des logiques de reculs sociaux et d’affaiblissement structurel qui taraudent notre pays depuis plusieurs décennies maintenant ?
En tout cas, tout autre chose que les propositions qui sont dans l’air et qui toutes n’ont qu’un seul objectif : rassurer le capital. C’est-à-dire assurer les marchés financiers et les investisseurs d’un taux de rentabilité optimal, ce qui suppose de mettre de plus en plus les deniers et l’action de l’État à leur service. Pour y parvenir, il s’agit d’alléger sans relâche les dépenses publiques et sociales (salaires, santé, services publics) pour accroître la part de valeur ajoutée destinée au capital, et de soumettre aux critères de gestion capitaliste l’organisation et le fonctionnement des missions publiques. L’exemple le plus parlant en la matière est celui de la protection sociale. D’une part, on propose de remplacer des cotisations sociales prélevées sur la richesse créée par le travail par de la TVA dite sociale déboursée par chaque consommateur. De l’autre est proposé, pour financer les retraites, d’introduire une dose de capitalisation pour faire le joint entre les besoins de financement et le produit que rapporte le système par répartition. Si ce choix intervenait, le ver serait dans le fruit et, progressivement, le financement des retraites par la capitalisation gagnerait du terrain sur la répartition jusqu’à le supplanter totalement. Au final ce serait tout bénéfice pour les capitalistes qui, d’une part, disposeraient des sommes jusque-là allouées aux cotisations et prélevées sur la valeur ajoutée et, de l’autre, bénéficieraient des versements effectués par les citoyennes et citoyens aux fonds de pensions pour alimenter leurs jeux spéculatifs et autres opérations financières. Le jackpot en quelque sorte ! Et pour couronner le tout, il en serait totalement fini du moindre contrôle citoyen et démocratique sur tout cet argent…
La même logique pourrait tout à fait s’appliquer aux collectivités locales. En les asséchant budgétairement, leur regroupement-disparition est programmée. Ainsi, plus besoin de financer des services publics locaux décentralisés qui, dans les faits, auraient disparu alors que dans le même temps, seraient créées des officines privées lucratives pour prendre le relai de missions publiques n’étant ainsi plus assurées. Et, cerise sur le gâteau, plus d’élections locales, plus d’organismes de contrôle locaux et donc open bar à la mise en place d’un pouvoir hyper-centralisé.
Un corsetage mortifère.
Face à cette dérive engagée, il s’agit tout d’abord de sortir du chantage de la dette dont Bayrou comme son prédécesseur Barnier prend prétexte pour imposer une cure d’austérité renforcée dont risque de ne pas se relever le malade qu’est la France. Pour le Premier ministre, il faut faire reculer le déficit à 4,6 % en 2026 contre une prévision de 5,6 % en 2025. Jouant sur la méconnaissance d’une majorité du peuple de ces questions en même temps que sur leur sentiment de culpabilité (« on ne peut pas transmettre une telle situation à nos enfants »), il laboure le sempiternel sillon : « il faut consentir des sacrifices aujourd’hui pour que cela aille mieux demain ». Au fait, que dit-il de la situation de la dette américaine qui en 2024 est de 126,4 % ? Et qu’il n’agite pas trop la contrainte de l’Europe qui certes existe, mais qui laisse une période de 7 ans pour redresser la barre. Preuve en est par l’Allemagne qui vient de décider d’engager 843 milliards d’euros de dépenses pour se relancer, faisant ainsi passer son déficit, jusque-là contenu à 0,5 %, à plus de 4 % e son PIB.
Derrière cet odieux chantage est une réalité bien simple : le capital veut une baisse des dépenses publiques pour son propre compte. Et cela alors que les besoins explosent, que la misère progresse, que le développement du pays est au point mort.
Pourtant le développement est au cœur des réponses à apporter à pareille situation mais pour cela, pour se développer, il faut engager des dépenses, c’est-à-dire faire exactement le contraire de ce que préconise le gouvernement. C’est la condition pour engager un processus durable de redressement qui s’apparente à ce que le pays a été capable de faire au sortir de la Seconde guerre mondiale.
Il faut donc engager des dépenses, beaucoup de dépenses pour l’humain et pour des réponses écologiques, et non pour des investissements. Investissement correspond en fait trop souvent dans le langage capitaliste à de l’argent mis dans le dur, le matériel, plutôt que dans l’homme. Un petit rappel : l’homme, la force de travail humaine, est seule valeur capable de produire plus que sa propre valeur. Dès lors, si on veut produire de la vraie richesse il faut miser sur l’homme, ses capacités, leur développement et sur la bataille pour l’écologie dont le climat, en faisant reculer drastiquement la production de C02 afin de disposer d’un environnement viable. Il s’agit ensuite de faire suivre ces dépenses par des investissements matériels, techniques et technologiques qui permettront à l’homme d’intervenir et de travailler dans les meilleures conditions possibles.
Qui dit des dépenses, dit dans les faits des apports nouveaux d’argent, c’est-à-dire des avances. En clair, le recours au crédit. Jamais un État ne disposera en effet à l’instant t de suffisamment de liquidités pour réaliser les opérations nécessaires à son développement social, environnemental infrastructurel et économique. Il doit pour cela recourir au crédit. L’essentiel est que les sommes empruntées aillent à des dépenses (investissements) efficaces socialement et écologiquement qui généreront en retour une saine et réelle croissance du PIB. C’est bien à ce niveau que le bât blesse aujourd’hui.
En réalité plusieurs causes viennent expliquer pourquoi notre pays reste englué dans une spirale, déficit-dette-déficit :
- l’ère Macron aura signifié un dévouement total au MEDEF et au capital. Non seulement il leur a fait un cadeau fiscal de 62 milliards d’euros (IS, CVAE…) mais il aura distribué pas moins de 211 milliards d’euros d’aides aux entreprises sans aucun contrôle de l’utilisation de cet argent. Le pire est que cela n’aura en rien freiné les délocalisations et les fermetures d’entreprises. Au contraire, ces choix ont contribué à reléguer la France au rang des pays d’assemblage et de produits low-cost sans production réelle de valeur ajoutée sur son territoire, ce qui participe à tarir la base des prélèvements fiscaux et sociaux, mettant ainsi gravement en danger notre système de protection sociale et nos services publics. Au-delà, c’est l’ensemble du budget de la nation qui est pris en tenaille et placé en situation de grave déséquilibre. Car pour compenser, au moins transitoirement, les pertes de financement des budgets publics et sociaux (collectivités locales, protection sociale) il a été décidé de puiser dans les recettes de TVA. L’effet ne s’est pas fait attendre. Le budget de l’État a plongé dans d’importantes difficultés, occasionnant ainsi des coupes dans son fonctionnement (fonction publique d’État) et le creusement du déficit ;
- sorte de corollaire de cette situation, l’augmentation du montant de la charge de la dette, c’est-à-dire des intérêts payés aux marchés financiers passés de 33,8 milliards d’euros en 2022 à plus de 55,5 milliards en 2024 et à 62 milliards d’euros en 2025 ; conséquence à la fois de l’augmentation des taux d’intérêts et du volume des emprunts que doit contracter la France pour compenser son manque de recettes propres ;
- les suppressions massives d’emplois dans l’ensemble des services publics, qui font reculer le PIB et mettent ainsi à mal un des piliers sur lequel repose le développement du pays ;
- l’utilisation de l’argent des entreprises, de l’État et particulièrement des banques, dont le pôle public bancaire (La Poste, la CDC et la BPI) pour le capital et sa rentabilité contre l’emploi, les salaires, la formation, l’écologie. En clair contre une croissance saine générant des revenus solides et accrus et élargissant du même coup la base des prélèvements fiscaux et sociaux.
Nouvelle dépense, nouvelle croissance pour conjurer la dette.
Ainsi que nous l’avions écrit dans les pages de cette revue l’année dernière à pareille époque, le péril ce n’est pas la dette, c’est la finance ! On notera au passage que l’austérité imposée au nom de la lutte contre la dette lors du budget 2025 n’a non seulement absolument pas réglé le problème mais a conduit à une nouvelle dégradation. Les collectivités locales sont poussées vers l’endettement faute de recettes fiscales et de dotations suffisantes au moment même où on leur demande de réduire leur endettement, devant ainsi sabrer leur offre de services publics à la population. La fonction publique, ses trois volets : fonction publique d’État, locale et hospitalière, sont à l’os. Les fermetures d’entreprises et le chômage galopent… Malgré cela, la réponse serait toujours et encore de nouvelles coupes dans les budgets publics et le soutien réel à une nouvelle industrialisation, bref dans les dépenses utiles, humaines et écologiques. Une méthode s’inspirant des recettes déflationnistes des années 30 appliquées en France et en Allemagne, on connaît la suite !
L’enjeu c’est le retour de la croissance, d’une croissance saine prenant sa source dans une logique de développement vertueuse. C’est-à-dire l’engagement de dépenses nouvelles pour se développer qui feront augmenter le PIB, réduiront le recours à l’endettement public et permettront ainsi « d’avaler » la dette c’est-à-dire, de faire baisser son poids dans le PIB et de faire du même coup régresser progressivement le déficit.
Plus que jamais, il y a besoin d’avances massives financées à taux 0 et provenant de la création monétaire afin de relancer les services publics (hôpital, école, transports, énergie, finances publiques…) à partir de créations d’emplois avec des pré-recrutements, de formation, et d’augmentation des salaires. Le pôle public bancaire, (La Poste, la CDC et la BPI), doit être mobilisé à cette fin et refinancé à 0 % par la BCE. Au-delà, il faut créer pour l’ensemble des pays de l’UE un fonds européen pour les services publics alimenté par la création monétaire de la BCE, ce que rendent possible dès maintenant les traités existants (article 123-2).
Il s’agit de même de réorienter tout de suite les aides aux entreprises (211 milliards d’euros), cela à partir de critères sociaux (salaires, emplois) et environnementaux (lutte contre le C02) sous le contrôle démocratique des salariés. Il s’agit d’en finir avec leur utilisation contre les salariés et les qualifications et d’affecter une partie de leur montant au soutien du développement effectif des entreprises à partir de critères de gestion écologiques et humains. Cet argent permettrait de bonifier jusqu’à ramener à 0 % les taux d’intérêts des emprunts bancaires des entreprises à condition que ceux-ci soient affectés à des investissements permettant le développement de l’emploi, de la formation, des salaires et de productions décarbonées.
Une profonde réforme de la fiscalité doit accompagner et soutenir l’ensemble de ce processus. Elle passe en priorité par une réforme de la fiscalité des entreprises avec un impôt sur les sociétés universel (tous les revenus des entreprises y serait uniformément soumis), progressif (taille des entreprises) et incitatif à l’utilisation de leurs bénéfices pour des investissements porteurs d’emplois, de formation, de bons salaires et de recherche. Un nouvel impôt territorial calculé sur le capital immobilier, matériel et financier des entreprises doit également être établi. Il leur permettrait de promouvoir une gestion allant dans le sens d’une économie en capital et de conforter leur ancrage territorial.
En parallèle il convient de rétablir un ISF intégrant dans sa base de calcul l’ensemble des biens professionnels et proposant un nouvel ordonnancement de sa progressivité.
Enfin, il y a besoin de reconstruire un impôt sur le revenu universel taxant les revenus de la rente et du capital au moins comme ceux du travail, sinon plus, et de réviser les droits de successions (leur mode de calcul : situation économique du bénéficiaire et leur progressivité). Il s’agit par l’ensemble de ces réformes d’engager une refonte structurelle de la politique fiscale avec pour objectif le recul du poids des impôts proportionnels et régressifs comme la TVA profondément injustes, et la montée en puissance des impôts progressifs. Tout comme il est nécessaire d’aller vers une extinction progressive de la CSG au fur et à mesure qu’une réforme du financement de la protection sociale par les cotisations deviendrait opérationnelle, ce qui signifie d’en finir avec tout projet de fusion entre l’IR et la CSG.
C’est à ces conditions que sera évitée une entrée en récession de notre pays mais, au-delà, qu’une relance réelle de la croissance à partir de critères d’efficacité sociale et écologique pourra voir durablement le jour.
Ratios de finances publiques en euros courants
| 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | |
| (En % du PIB) | ||||
| Déficit public | 6,6 | 4,7 | 5,4 | 5,8 |
| Dette publique (brute) | 113,0 | 111,4 | 109,8 | 113,0 |
| Dette publique nette* | 100,8 | 101,1 | 101,6 | 104,7 |
| Recettes publiques | 53,0 | 53,7 | 51,5 | 51,3 |
| Dépenses publiques | 59,6 | 58,4 | 56,9 | 57,1 |
| Prélèvements obligatoires** | 44,2 | 45,0 | 43,2 | 42,8 |
| (évolution en %) | ||||
| Dépenses publiques | 4,3 | 3,9 | 3,7 | 3,9 |
| Dépenses publiques hors crédits d’impôt | 4,2 | 4,0 | 3,7 | 3,9 |
| Dépenses publiques hors crédits d’impôt et hors charges d’intérêt | 4,0 | 3,0 | 4,0 | 3,5 |
| Recettes publiques | 8,4 | 7,4 | 2,2 | 3,1 |
- * La dette publique nette est égale à la dette publique brute moins les dépôts, les crédits et les titres de créance négociables détenus par les administrations publiques sur les autres secteurs.
- ** Les prélèvements obligatoires ne comprennent pas les cotisations sociales imputées et crédit d’impôts, et incluent les impôts de l’Union européenne.
- Sources : Insee, DGFiP, DG Trésor, notification de mars 2025.
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