Président du groupe des élus communistes à la région Occitanie, Eric Cadoré est aussi président de la commission eau de l’institution. A ce titre, il a œuvré pour la création d’un service public régional de l’eau qui porte une attention particulière à l’agriculture.

Pourquoi la région Occitanie a-t-elle placé l’eau au centre de ses choix d’aménagement du territoire ? Existe-t-il une réelle menace sur l’eau dans cette région ?
Nous imaginions autrefois l’eau toujours disponible au robinet, dans nos lacs et rivières, dans nos nappes souterraines. On sait désormais qu’il n’en est rien. Les impacts climatiques des alternances sécheresses, inondations, souvent catastrophiques, bousculent notre vie quotidienne, jouent sur les rendements agricoles, l’état sanitaire de nos élevages, notre souveraineté alimentaire.
Face à l’ampleur du changement climatique en Occitanie, avec un déficit hydrique de 1,2 milliards de m3 possible à l’horizon 2050, et à l’augmentation régulière de population, le partenariat initié en 2018 est unique en France. Il vise à faire converger les politiques publiques de l’Etat, des régions et de l’agence de l’eau. Mais surtout il renforce l’accompagnement des collectivités territoriales, des acteurs économiques et de tous les porteurs de projets. Dans le cadre de son budget 2025, la région a inscrit la création d’un service public régional de l’Eau.
Quelle est l’ambition de ce service public régional de l’eau doté de 40 millions d’euros ?
Il comprend un Réseau Hydraulique Régional (RHR), une première en France, qui s’appuie sur les réseaux existants. Ce service public régional tend à sécuriser l’approvisionnement en eau des agriculteurs : en créant ou en agrandissant des retenues et des réseaux d’irrigation, et en améliorant l’infrastructure d’irrigation existante. Mais il vise aussi à protéger la ressource : les projets d’économies d’eau, de protection des ressources locales, permettant d’atteindre le bon état écologique des milieux. L’accès à l’eau pour les agriculteurs est aujourd’hui un enjeu vital, non seulement pour la pérennité des exploitations, mais aussi pour assurer notre souveraineté alimentaire. La région agit aussi à leurs côtés pour leur permettre d’adapter leurs pratiques, d’investir et de produire durablement, dans le respect de la ressource en eau.
Sur 1,6 milliard de m3 d’eau prélevés en Occitanie chaque année, 42% sont dédiés à l’agriculture. Comment sécuriser la ressource tout en préservant l’environnement et l’activité agricole ?
L’impact agricole, jusqu’à 80 % des prélèvements, se fait sentir surtout en période d’étiage, l’été. Il était donc important de rendre encore plus opérationnelle la gestion quantitative de la ressource. En travaillant d’abord l’optimisation des nombreux ouvrages et réseaux d’irrigation existants et que la région aide au travers de ses dispositifs d’hydraulique agricole puis par la mobilisation de nouveaux stockages dans les bassins versants où cela est possible et la création de nouveaux ouvrages collectifs multi-usages. 42 projets individuels d’infrastructures d’irrigation agricole viennent d’être financés, pour un montant global de 2,5M€. Un nouvel appel à projets vient à nouveau d’être ouvert.
Concrètement par quelles actions la région soutient l’hydraulique agricole ?
Le bilan du Plan est déjà riche de plusieurs actions et comprend beaucoup d’opérations innovantes pour la résilience de nos territoires : soutien à l’agro écologie, développement des filières à bas niveau d’impact, amélioration du soutien d’étiage et maitrise de l’irrigation, préservation et restauration des zones humides, réutilisation des eaux non conventionnelles, lutte contre l’érosion et l’artificialisation des sols ou encore protection contre les inondations. Ces actions permettent de limiter la baisse des débits dans nos rivières en période d’étiage, d’agir sur la qualité de la ressource et des milieux, de protéger la biodiversité. Nous œuvrons pour accélérer avec la transition agricole, dans la solidarité de tous les usages et le renforcement de la résilience des sols et des milieux aquatiques.
Pourquoi et comment la région est-elle considérée comme un laboratoire pour repenser et concilier les différents usages de l’eau de façon collective ?
Le service public régional de l’eau s’appuie sur les ouvrages et compétences des concessionnaires pour optimiser le réseau hydraulique régional et en faire, en propriété de la Région, une vitrine de la gestion durable exemplaire de l’eau. C’est un outil de sécurisation de la ressource dans les zones en tension (littoral, Aude, Pyrénées orientales), un outil d’appui fort au pacte de souveraineté alimentaire, de prévention des inondations et des incendies. La Région va engager beaucoup de moyens techniques humains et financiers, elle peut jouer ce rôle d’ensemblier avec toujours le souci de la concertation avec les acteurs et les citoyens. Financièrement on ne pourra pas tout assumer seuls, l’engagement de l’Europe, de l’Etat et des Agences, doivent être au rendez-vous. Les majors de l’eau doivent aussi mettre la main à la poche. Il y aura surement besoin aussi de repenser le modèle économique de financement du service de l’eau dans son grand cycle.
L’eau est un bien commun, rare et précieux, sa gestion un enjeu politique majeur, une compétence territoriale souvent transférée aux intercommunalités et les maires jouent le rôle essentiel de proximité. Elle doit donc être bien gérée, mieux gérée, dans le service public seul à même de garantir l’avenir dans l’intérêt général, la justice et l’équité.
Entretien réalisé par Marie-Stéphane Guy
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