Regard de cartographe #2. Au moins 50 000 femmes, hommes et enfants sont morts en migration au voisinage de l’Union européenne depuis le début des années 1990. Nicolas Lambert, ingénieur de recherche au CNRS en sciences de l’information géographique, nous propose avec ce nouveau « regard de cartographe » de saisir cette terrible « géographie des morts ». Une carte interactive qui prouve combien les politiques migratoires européennes sont non seulement inefficaces, mais avant tout dangereuses.
Du premier janvier 2014 jusqu’à la fin de l’année 2020, l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) a comptabilisé 40 000 personnes mortes ou portées disparues au cours de leur migration à travers le Monde (dont au moins 2300 enfants). Parmi eux, plus de la moitié ont péri noyés en Méditerranée, ce qui en fait, et de loin, la frontière migratoire la plus mortifère au monde. En Méditerranée, les drames se succèdent mais ne se ressemblent pas. On peut penser en premier lieu au jeune Alan Kurdi, originaire de Kobané, dont le corps d’à peine 3 ans a été retrouvé inerte le 2 septembre 2015 sur une plage de Turquie et dont la photo a fait le tour du monde. Ou encore à ce naufrage du 19 avril 2015 au large des côtes libyennes qui a provoqué la mort simultanée de plusieurs centaines de personnes. Triste record… Ou enfin, à l’histoire du Left-to-die Boat relaté avec force par Charles Heller et Lorenzo Pezzani en 2014 dans le film cartographique, Liquid traces, et qui montre à quel point les pays européens placent la “protection” de leurs frontières bien avant les gestes de solidarité les plus élémentaires.