L’intersyndicale, qui voulait faire de la finale de Coupe de France de football un événement politique, a pu distribuer cartons rouges et sifflets aux abords de l’enceinte, après l’annulation de l’arrêté leur interdisant de manifester. Une victoire pour les militants, même si la tension, l’hostilité de certains supporters et le zèle de la sécurité du stade sont venus gâcher la fête.
Du jaune pour les Nantais, du mauve pour les Toulousains et… du rouge pour l’intersyndicale. Il est 17 heures, ce samedi 29 avril, quand plusieurs dizaines de syndicalistes ciblés CGT, Solidaires ou encore Unsa se positionnent stratégiquement à la sortie des métros et RER du Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Objectif : distribuer des sifflets et des cartons rouges « Non à la réforme des retraites » au public de la finale de la Coupe de France, où s’affrontent Toulouse et Nantes (score final, 5-1 pour les Sudistes) et durant laquelle est attendu le président de la République Emmanuel Macron.
Sous le regard de CRS mobilisés en nombre (3 000 policiers et gendarmes), les premiers échanges entre syndicats et supporters sont cordiaux. Malgré quelques accrochages, l’ambiance reste bon enfant, même si une partie des supporters ignorent la haie d’honneur syndicale qui les attend à la sortie du métro. Les chants se mêlent, parfois se heurtent, aux slogans anti-Macron. « Il y en a qui m’a proposé un carton contre les retraites, je ne sais même pas ce que c’est que les retraites », feint d’être idiot un jeune fan des Canaris, l’équipe nantaise. « On est là pour le foot, pas pour la politique », protestent certains. Une autre spectatrice réplique en réclamant plus de cartons rouges auprès de la CGT : « Moi, je m’en fous du foot, je suis là pour siffler Macron ».
D’autres trouvent l’initiative amusante, d’autant qu’elle permet de chambrer les supporters de l’autre équipe en attendant de brandir symboliquement le carton rouge à la 49 e minute et trentième seconde du match (en référence au 49.3). Les Nantais sifflent les Toulousains, et réciproquement. « Le carton, je le brandirai s’il y a un but de Nantes et dès que je verrai un de leurs supporters, rigole un fan toulousain, maillot à rayures violettes et blanches sur le torse. Mais je mettrai un carton à Macron, promis ! En plus je suis arbitre, ça tombe bien. »
Une victoire des syndicats
« La préfecture nous a fait beaucoup de publicité, les gens ne sont pas surpris de nous voir, même si certains s’en fichent et ne prennent pas les cartons », sourit Théo, son chasuble CGT par-dessus son tricot. La préfecture de Paris avait en effet interdit la manifestation syndicale aux abords du stade la veille, avant que les syndicats ne répliquent en déposant un recours. La justice administrative leur a donné raison et levé l’arrêté. « C’est une victoire en soi pour nous, se félicite Kamel Brahmi, secrétaire général de l’union départementale (UD) CGT de la Seine-Saint-Denis. Une victoire pour les libertés publiques face à la répression. »
À l’entrée du stade, les choses se corsent quand arrive le noyau dur des supporters du FC Nantes, vers 18h30. L’alcool a coulé à flots dans les cortèges ultras, qui s’agglutinent dans un goulot d’étranglement en attendant de passer la sécurité. La présence policière ajoute à la tension. Des empoignades avec les tuniques bleues éclatent ici ou là. « Ils n’ont rien appris de Liverpool-Real », s’agacent certains fans, qui ont encore en tête le fiasco du maintien de l’ordre lors de la finale de Ligue des champions 2022.
Macron absent de la pelouse
Côté syndicats, on se met en retrait pour laisser passer l’orage. « Les supporters de foot, ce n’est pas toujours un public facile », concède Kamel Brahmi. « Il y en a une bonne moitié qui nous aime bien, mais un bon quart qui veut nous péter la gueule. On sait qu’il y a des types d’extrême droite aussi là-dedans », constate un de ses camarades, en désignant la masse compacte des ultras du FC Nantes. Quelques doigts d’honneur tendus vers le groupe syndical émergent d’un impressionnant nuage de fumigènes. D’autres invectives s’adressent aux CRS, ou aux deux indifféremment.
Les syndicalistes ressortent pour certains satisfaits de l’action, d’autres plus mitigés. Ils craignaient que les CRS ne confisquent les cartons et les sifflets. C’est en réalité les agents de sécurité du Stade de France, employés par la Fédération française de football (FFF), qui sont les plus zélés. Les sifflets n’ont pas passé, pour l’essentiel, les barrages filtrants, pas plus que les cartons. La 49ème minute est donc timide en bronca, surtout qu’avec un score fleuve 5-1 en faveur des Toulousains, les Nantais, en nombre, sont comme assommés.
Toutefois, ni la préfecture ni la FFF n’ont les moyens d’interdire l’usage des cordes vocales. Ni de huer le président. Pour s’éviter un trop long calvaire, le chef de l’État, qui se vante pourtant « de prendre du muscle au contact des Français », n’est pas descendu sur la pelouse saluer les joueurs, comme c’est la coutume, et s’est contenté de leur serrer la main à la sortie du vestiaire. Olivier, syndiqué chez Solidaires, s’en réjouit : « Les huées lui font peur. 1-0 pour l’intersyndicale ».
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