La nouvelle secrétaire générale de la CGT, élue vendredi à Clermont-Ferrand, a averti d’emblée le chef de l’État et la première ministre de la détermination intacte de son syndicat à obtenir le retrait de la réforme des retraites. Elle s’est félicitée que sa centrale ait réussi à se rassembler au terme d’un congrès difficile, en « évitant l’éruption sur cette terre volcanique », a-t-elle déclaré.
Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), envoyée spéciale.
Les yeux fatigués, emplies d’émotion, un dernier souffle avant d’arriver à la tribune du congrès. Forte des encouragements des mille délégués, soutenue par l’exécutif nouvellement élu en appui derrière elle, la nouvelle secrétaire générale de la CGT n’était pas seule pour vivre ce moment. Sophie Binet s’est élancée au pupitre. Vendredi, ses premiers mots ont été pour les congressistes. « À tous les délégués qui ont vécu un congrès difficile, nous avons su, par notre sens de responsabilité collectif, sortir avec une CGT largement rassemblée. (…) Sur cette terre volcanique, la CGT a évité l’éruption », a-t-elle lancé. Ce congrès, « au cœur du mouvement social qui dure depuis deux mois et demi », restera dans les annales. Il marquera aussi les esprits par sa « violence qui n’a pas sa place dans les rapports militants », a regretté la première femme élue à la tête de la centrale, avant d’appeler à travailler pour « retrouver des relations apaisées, pacifiées » et faire du « militantisme un havre de paix, de ressourcement pour retrouver les forces face aux attaques du capital ».
Sophie Binet s’est aussi placée comme la garante des orientations de la CGT, votées jeudi à plus de 70 %, et du renforcement du syndicat. À ce titre, elle envisage de lancer une « grande campagne de syndicalisation » pour permettre « à la CGT de franchir un cap ». Dans sa feuille de route, Sophie Binet a particulièrement insisté sur les enjeux environnementaux, autour d’un plan de reconquête et de transformation industrielle. « Nos orientations (sont) claires sur la question environnementale et sur les questions sociales, parce que la marque de fabrique de la CGT est d’être capable de porter au même niveau l’environnement et le social, la fin du monde et la fin du mois, et de sortir des oppositions délétères, stériles entre le social et l’environnemental, a-t-elle développé. Il nous faut travailler à partir de ce que nous savons faire, c’est-à-dire partir (de la question) du travail. » La secrétaire générale a également insisté sur les enjeux du féminisme, en citant notamment l’égalité femme-homme ou la lutte contre les violences sexistes et sexuelles : « La CGT a su être précurseure. Ces questions ne peuvent être secondaires ».
Philippe Martinez salué pour avoir réussi à faire élire une femme à la tête de la CGT
Dans cette volonté d’apaisement et de rassemblement de l’organisation, Sophie Binet n’a pas oublié de remercier le secrétaire général sortant, Philippe Martinez et « ses moustaches célèbres ». « On dit même qu’un certain nombre de personnes se syndiquent pour ces moustaches », s’est-elle amusée devant les congressistes. Avant de louer sa réussite pour « être parvenu à amener pour la première fois une femme à la tête de la CGT ». La nouvelle secrétaire générale a également tendu la main aux autres postulants à la fonction de numéro un de la centrale syndicale. À commencer par Marie Buisson, candidate proposée par Philippe Martinez, qui n’est pas parvenue à s’imposer. « Marie a vécu des choses dures, violentes. Je tiens à te dire que tu pourras compter sur l’organisation pour les mois et les années à venir », a déclaré Sophie Binet. Puis elle s’est adressée à Olivier Mateu, secrétaire de la CGT des Bouches-du-Rhône, en vantant son « apport déterminant à la lutte et à l’élévation du rapport de force ».
Les deux pieds dans la bataille des retraites, Sophie Binet s’est ensuite tournée vers les congressistes, en commençant par les féliciter pour leur « lutte historique », dans laquelle les militants ont mis « la CGT et le syndicalisme à la place qui est la (leur) ». Puis le ton a changé lorsque la responsable, jusqu’à ce vendredi, des cadres, ingénieurs et techniciens de la CGT a adressé « un message fort, déterminé » à Emmanuel Macron : « Nous ne lâcherons rien, à commencer par notre exigence de retrait de cette réforme. Il n’y aura pas de trêve, pas de suspension, pas de médiation. On ne reprendra pas le travail tant que cette réforme ne sera pas retirée ». C’est dans cette optique que la secrétaire générale a fixé son agenda pour la semaine prochaine. Le 5 avril, avec ses homologues de l’intersyndicale, Sophie Binet sera au rendez-vous avec Élisabeth Borne : « Nous irons, toute l’intersyndicale unie, pour exiger le retrait de cette réforme, ce qui nous permettra de passer enfin aux vraies priorités. Parce qu’il ne s’agit pas de répondre à un déficit budgétaire qui n’existe pas, mais d’augmenter les salaires ». Puis, si « la réforme n’est pas retirée », Sophie Binet a appelé « à une marée déferlante dans tout le pays » le 6 avril, prochaine journée d’action interprofessionnelle décidée par l’intersyndicale.
Clotilde Mathieu
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