39e Congrès Réunis ce week-end à Marseille, les communistes ont réélu Fabien Roussel secrétaire national avec 80,4 % des voix et ont tranché sur sa stratégie de rassemblement avec les autres forces de gauche.
Marseille (Bouches-du-Rhône), envoyée spéciale.
Le 39e congrès du PCF s’est conclu à Marseille, lundi, par un appel à un « nouveau Front populaire ». « Nous voulons construire une majorité capable de l’emporter, capable de battre l’extrême droite qui menace. Proposons aux Français de sceller un pacte avec eux, de sceller une union autour du projet le plus ambitieux pour notre pays ! » a lancé Fabien Roussel sur la scène du palais du Pharo, face aux 700 délégués communistes, quelques minutes après sa réélection comme secrétaire national avec 80,4 % des voix, et après avoir rendu hommage aux victimes de l’effondrement d’un immeuble de la cité phocéenne;
« Nous n’avons qu’un seul but : faire gagner la France du travail et du progrès social », a ajouté le député du Nord. Alors qu’une motion appelant à un « nouveau Front populaire » a été adoptée dès vendredi, le dirigeant communiste précise que le « construire, c’est faire le choix de s’adresser à tous les Français, et d’abord à celles et ceux qui doutent, qui cherchent, qui s’abstiennent, ceux qui manifestent », mais c’est aussi « dire aux forces de gauche, aux forces de progrès, au monde syndical, aux mouvements associatif, social : nous sommes disponibles, ouverts, prêts à travailler ensemble ».
Alors que s’annonce une semaine décisive sur le front de la réforme des retraites, avec une nouvelle journée d’action, jeudi, et la décision du Conseil constitutionnel, vendredi, Fabien Roussel s’est aussi adressé au président de la République, qui « a déjà perdu les Français, les syndicats, l’opinion » : « Respectez les Français et retirez votre réforme, c’est la seule chose de bonne que vous ferez ! Et si cela vous fait trop mal de faire du bien, donnez au moins la parole au peuple, et laissez-nous décider de ce que nous voulons pour nous et pour nos enfants. » Le député du Nord s’est également fait défenseur d’une « France libre, forte et heureuse » qui remet « au cœur de notre projet le travail, le salaire, la dignité au travail ». Un cap qui se retrouve dans le document d’orientation adopté à 83,1 % et dont l’examen a donné lieu à de nombreux échanges – parfois menés au pas de course –, de la conception du communisme à celle de l’écologie ou encore d’un féminisme en prise avec la « lutte des classes ».
Quant à la stratégie de rassemblement, la Nupes a été au centre des attentions, ce week-end. D’abord, parce que le rendez-vous marseillais est intervenu à l’issue d’une semaine de tensions, ouverte par la victoire en Ariège d’une candidate socialiste dissidente et hostile à la coalition. Les déclarations de Fabien Roussel, qui a affirmé dans l’Express que la Nupes était « dépassée » et qu’il fallait « rassembler bien au-delà », sans exclure a priori l’ex-premier ministre PS Bernard Cazeneuve, sur lequel il était interrogé, ont suscité les critiques à gauche. « Ce n’est pas à nous de fermer la porte à qui que ce soit. Vous nous connaissez, vous savez ce que nous défendons, vous savez ce que nous n’accepterons jamais », a-t-il précisé, lors de son discours, lundi.
Avant cela, la France insoumise avait adressé, jeudi soir, une lettre aux communistes, leur demandant de clarifier leur position à l’égard des soutiens de François Hollande, d’un côté, et de la coalition créée en juin 2022, de l’autre. « À celles et ceux qui veulent polémiquer et qui se permettent, ces dernières heures, de s’adresser directement aux congressistes, je le dis clairement et en toute fraternité : mêlez-vous de vos affaires », a rétorqué Fabien Roussel, vendredi, avant de voir, le lendemain, le coordinateur de la FI, Manuel Bompard, et le socialiste Pierre Jouvet pour une rencontre à huis clos.
D’inquiétants sondages sur la progression du RN
« Je n’ai pas l’intention de décider à la place des communistes, mais il me semble qu’entre partenaires, il est légitime de demander des précisions sur la Nupes pour savoir si c’est considéré comme de l’histoire ancienne. Je suis un peu surpris par la vigueur de la réaction », a réagi à l’issue du rendez-vous le député FI de Marseille, qui voit la proposition de « nouveau Front populaire » comme un « possible point de convergence » pour associer citoyens et mouvement social, renvoyant au « Parlement de la Nupes », que le PS propose de son côté de transformer en « agora ». « Nous avons besoin de passer un cap. Si on est divisés, c’est un boulevard pour la droite », a estimé le socialiste Pierre Jouvet, également présent au congrès du PCF.
« On a, d’un côté, un mouvement social sur les retraites soutenu par trois Français sur quatre et, quand on les interroge sur leurs intentions de vote, il n’y en a plus qu’un sur quatre qui dit vouloir voter à gauche, si les législatives avaient lieu demain. Cela devrait nous conduire à penser que la Nupes, même si elle nous a permis d’avoir plus de députés, ne peut pas être simplement un objet de contemplation », a plaidé Ian Brossat. Le porte-parole du PCF invite la gauche à s’inspirer de l’intersyndicale : « Ils sont capables de se rassembler sans qu’aucune de ses composantes n’écrase personne. »
Si, à l’instar du texte d’orientation, de nombreux votes ont emporté une large adhésion durant le week-end, des voix dissonantes se sont aussi fait entendre, pointant le « flou » de la stratégie. « Je ne peux que partager la perspective de construire un nouveau Front populaire, mais nous n’avons pas discuté de comment passer à sa construction, ni de quelle construction politique unitaire pour y parvenir », explique ainsi Pierre Laurent, signataire du texte alternatif qui avait recueilli 18 % en janvier. « Qu’on élargisse et qu’on travaille avec d’autres, si c’est avec le mouvement social, les citoyens, les associations, les féministes, les jeunes engagés dans le mouvement climat… ça me va bien. Qu’on aille draguer du côté de l’aile droitière du PS, ça ne me convient pas du tout », estime aussi Marie-France Ghersi, secrétaire départementale de l’Yonne, qui souligne les inquiétants sondages récents sur la progression du RN.
« On en ressort avec un discours extrêmement ambigu sur ce qu’on va faire de la construction existante, la Nupes. Elle a des limites, tout le monde le dit au Parti communiste. Comment on les dépasse ? Nous n’avons pas abordé cette question », ajoute Pierre Laurent, qui quitte le Conseil national du PCF qu’il présidait. Un choix personnel, après cinquante années d’engagement, mais l’ancien secrétaire national du PCF n’en est pas moins inquiet quant à la composition de l’instance élue lundi matin : « J’invite la future direction à ne pas abîmer la liberté de parole et de débat qui fait la vitalité du Parti communiste. » « Le Front populaire auquel nous appelons est d’ores et déjà dans la rue. Cet appel est totalement abstrait, puisqu’il n’exprime pas comment traiter les difficultés réelles que rencontre la Nupes, ni comment permettre de dépasser les seules logiques de cartel politique », juge, pour sa part, Frank Mouly, également signataire du texte alternatif, comme de celui « Pour un printemps du communisme » présenté en 2018, qui alerte sur la « disparition » de sa « sensibilité » au sein des instances de direction.
« Progresser, élargir, dépasser, grandir, convaincre… il faut s’y atteler »
La volonté des communistes d’être respectés, de contester les velléités hégémoniques de la France insoumise, a parcouru le palais du Pharo tout le week-end. « Le congrès a été marqué par l’attente, d’une part, de la volonté de poursuivre ce qui a été engagé au 38e congrès et à l’élection présidentielle – retrouver de la visibilité, porter des propositions originales, alternatives –, d’autre part, d’une volonté d’unité et de rassemblement », résume Sébastien Laborde. « On ne peut pas balayer la Nupes d’un revers de main, après on voit bien les limites de ce rassemblement, qui a besoin de s’ouvrir », poursuit le secrétaire départemental de la Gironde, estimant que « le PCF a un rôle important à jouer » pour cela. Via une « reconquête des milieux populaires » qui passe par le redéploiement du PCF dans « la proximité », aussi bien dans les milieux populaires qu’au sein des entreprises, explique Igor Zamichiei (lire l’entretien ci-contre).
La porte n’est pas fermée pour autant aux autres forces de la coalition fondée en juin. « Progresser, élargir, dépasser, grandir, convaincre… tout le monde le dit, il faut s’y atteler, assure Fabien Roussel. J’appelle à une rencontre formelle des chefs de parti, à quatre, et qu’on se dise tout. On a beaucoup de points d’accord programmatiques sur les salaires, sur l’industrie, sur les services publics mais on veut aller plus loin et je ne suis pas le seul à le dire. » Une rencontre à laquelle Manuel Bompard comme Pierre Jouvet se sont dits ouverts. Et Fabien Roussel de résumer sa position dans une de ces formules qui ont fait sa marque de fabrique : « Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, mais il faut quand même bien changer l’eau de temps en temps. »
Je rejoins le PCF
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.