Jusque dans leur dotation en heures d’enseignement par l’État, lycées publics et privés ne sont pas traités à égalité. C’est ce que révèle une enquête au long cours, publiée mardi 3 septembre par France Info.
C’est un élément de plus, et de taille, à verser au dossier déjà volumineux du financement public de l’enseignement privé sous contrat. Au terme d’une enquête de plusieurs mois, France Info a révélé, mardi 3 septembre, que l’inégalité de financement entre public et privé porte jusque dans le cœur du fonctionnement du système : la dotation horaire globale (DHG).
Sous ce sigle abscons se cache tout simplement le nombre hebdomadaire d’heures de cours que l’État finance dans chaque établissement. En rapportant cette dotation au nombre d’élèves du collège ou du lycée, on obtient le nombre d’heures financées par élève (H/E). En accédant pour la première fois à des données nationales pour tous les lycées, que le ministère se refuse à rendre publiques, l’enquête montre que ce taux est plus élevé dans les lycées privés sous contrat que dans les lycées publics.
Une différence de 220 heures de cours par semaine
Un exemple simple permettra de mieux illustrer ce mécanisme. Dans le recueil « Repères et données statistiques » publié par le ministère en 2024, on apprend qu’à la rentrée 2023, le H/E moyen dans le secondaire, collèges et lycées privés publics confondus, s’établissait à 1,32. Autrement dit, pour 100 élèves, les établissements ont perçu de quoi organiser 132 heures de cours hebdomadaires.
Or, les données obtenues par France Info montrent qu’en cette même rentrée, dans 19 des 24 académies de France métropolitaine, ce taux était plus faible pour les lycées d’enseignement général et technologique (LGT) publics que pour leurs semblables du privé sous contrat.
Parfois dans des proportions importantes : dans l’académie d’Amiens, le H/E des lycées privés s’établissait ainsi à 1,46, contre 1,24 dans le public. Soit, pour un lycée de 1 000 élèves, une différence énorme de… 220 heures de cours par semaine. Des écarts presque aussi importants se remarquent dans les académies de Besançon, Rouen, Nancy-Metz, Orléans-Tours, Toulouse… Seules celles de Limoges, Lille, Aix-Marseille ou Nice présentent un H/E égal ou (légèrement) supérieur pour le public.
Ces révélations confirment celles que le Monde avait pu produire en janvier 2023 en accédant aux données de la seule académie de Paris, établissant que le H/E des lycées généraux privés était alors de 1,27 dans le privé contre 1,1 dans le public.
Si elles ne surprennent pas vraiment Claire Guéville, secrétaire nationale du Snes-FSU (Syndicat national de l’enseignement secondaire), elles lui permettent en revanche de confirmer ce que son vécu d’enseignante lui avait déjà permis d’observer : « L’un des objectifs de la réforme Blanquer du lycée (à partir de 2018 – NDLR) était d’économiser des heures de cours, et donc des postes d’enseignants. En mathématiques notamment, nous avons perdu ainsi plus de 1 000 postes en trois ans. Cela a conduit, pour pouvoir offrir aux élèves un maximum des nouvelles spécialités du bac, à l’affaiblissement voire à la disparition de certaines options, de nombreuses heures d’APC (activités pédagogiques complémentaires) et à l’éclatement des classes en de multiples groupes de spécialités pour au moins un tiers de leur horaire de cours. Et on s’étonnait de voir que le privé, lui, parvenait à s’adapter à cette réforme, en maintenant son offre et en n’éclatant pas les groupes classe, en composant les classes en fonction des spécialités, comme s’il n’avait pas vraiment subi les mêmes réductions de moyens. Maintenant, on comprend ! »
Le mécanisme d’attribution en question
Plus que la taille souvent plus réduite des établissements privés, qui engendre des coûts supplémentaires, c’est plus sûrement dans le mécanisme d’attribution des DHG que se trouve l’explication de ces différences. Alors que pour le public, la DHG attribuée par le ministère et répartie ensuite par les rectorats n’offre guère de place à la négociation, pour le privé… c’est exactement le contraire.
Le SGEC (Secrétariat général de l’enseignement catholique) exprime ses besoins et négocie avec la rue de Grenelle ; puis, une fois les DHG envoyées dans les rectorats, c’est un nouveau round de négociations qui commence, pour chaque établissement. « Nous, quand on demande des moyens en plus pour le public, c’est toujours non, s’agace Claire Guéville. Parce que ces moyens, ils les donnent au privé ! Ces informations nous donnent des arguments pour faire entendre nos besoins. » Une situation d’autant plus difficile à accepter que, la Cour des comptes l’a prouvé, les élèves issus des classes sociales favorisées sont de loin plus nombreux dans le privé. Il est plus que temps que l’État cesse de favoriser ainsi le séparatisme scolaire.
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