Pour son 84e congrès, le monde du HLM demande que l’État cesse de le ponctionner
Après des années de ponctions financières par l’État, le secteur de l’habitat social, qui tient son 84e congrès ce mardi et ce mercredi, à Montpellier, est confronté à une équation complexe : croissance du nombre de demandeurs, d’un côté ; pertes de moyens financiers pour construire et rénover, de l’autre.
Après quasiment sept années d’une politique du logement guidée par la seule volonté de réaliser des économies budgétaires, la nomination de l’UDI Valérie Letard au poste de ministre du Logement, est plutôt une bonne nouvelle.
Dans le marasme politique ambiant, celle-ci a été accueillie avec soulagement par les acteurs du secteur, à commencer par les bailleurs sociaux, qui se réunissent à partir de ce mardi 24 septembre à Montpellier (Hérault) pour leur 84e congrès annuel.
« C’est un signal positif en ces temps de crise du logement », a ainsi salué la Fédération des offices publics de l’habitat (Foph). L’arrivée de cette élue de terrain, considérée comme une bonne connaisseuse du logement, « pourrait augurer d’une reprise du dialogue avec les associations de locataires et les acteurs du logement social, rendu impossible par Guillaume Kasbarian », le ministre sortant, a estimé de son côté la Confédération nationale du logement (CNL).
A noter: Castelsarrasin, Jeudi 3 octobre de 10h00 à 11h00 café débat à l’Espace Métais: « La crise du logement »
avec Tarn et garonne – Julien Sueres représente la voix des locataires au 84ème congrès HLM
La fin d’une approche idéologique
L’espoir de voir enfin se tourner la page d’une approche idéologique, qui a conduit le pays dans sa plus grave crise du logement depuis des décennies, s’appuie aussi sur les pouvoirs conférés à la nouvelle ministre.
Alors que les précédents titulaires du poste ont systématiquement perdu leurs arbitrages face au ministère des Finances, Valérie Letard sera à la tête d’un « ministère de plein exercice, associant dans un même portefeuille le logement et la rénovation urbaine », ce qu’a « favorablement accueilli le Mouvement HLM », via un communiqué de l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui fédère l’ensemble des bailleurs sociaux.
« Sa tâche s’annonce difficile, tempère néanmoins Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH. Cela fait trop longtemps que la politique du logement est sacrifiée sur l’autel d’économies de court terme, qui oublient sciemment qu’un euro placé dans le logement social est un euro bien investi, économiquement et socialement. »
Plus de demandes, moins de constructions
Les années de désinvestissement de l’État, décidé dès l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, placent le secteur face à une équation complexe. D’un côté, des moyens qui se réduisent comme une peau de chagrin. De l’autre, une demande qui ne cesse d’augmenter, alimentée par le décalage croissant entre les prix de l’immobilier et les revenus des Français, mais aussi, depuis trois ans, par l’accélération de la baisse du pouvoir d’achat couplée à la diminution de l’offre locative privée.
À la veille de son congrès, l’USH dénombrait 2,7 millions de demandeurs de logement social, soit 100 000 de plus que l’année précédente, et observait un bond de 24 % en cinq ans. « La demande augmente partout. C’est le même phénomène que les années précédentes dans toutes les régions et qui montre combien la question de l’accès à un logement abordable demeure très importante », a précisé Emmanuelle Cosse.
La production, elle, s’est effondrée. En 2023, seuls 82 000 logements sociaux ont été agréés, contre 124 000 en 2016. Au total, 182 300 logements n’ont pas été construits, selon les calculs de l’USH.
« 1,7 million de Franciliens attendent un logement HLM »
Plus inquiétant encore, la chute est davantage marquée dans des régions où la demande est très forte. C’est le cas en Île-de-France, où la production est tombée sous les 18 500 en 2023, du jamais-vu depuis 2026, alors que « 1,7 million de Franciliens attendent un logement HLM », comme le rappelait en juillet la Fondation Abbé-Pierre (FAP).
Et les perspectives ne sont pas bonnes. Dans son dernier rapport prospectif, qui tente comme tous les ans, en amont du congrès HLM, d’évaluer les perspectives, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) estime que les bailleurs sociaux vont devoir « arbitrer entre constructions neuves et réhabilitations ».
Compte tenu des obligations légales en termes de rénovation thermique, cet arbitrage se fera au détriment de la construction, qui devrait continuer à ralentir pour se stabiliser autour de 72 000 logements par an vers 2030.
14 milliards d’euros ponctionnés par l’État
Ce ralentissement tient en partie à des facteurs conjoncturels. Comme les autres acteurs du logement, les HLM ont été heurtés par la hausse du prix des matériaux. Cela a impacté la construction, mais aussi la rénovation, dont les coûts ont explosé.
Par ailleurs, le taux du livret A, qui était inférieur à 1 % jusqu’en 2022, est passé, début 2023, à 3 %. Or, c’est sur cette épargne que les bailleurs empruntent. Compte tenu de l’importance de leurs encours – 150 milliards d’euros environ –, cette hausse s’est donc traduite pour eux par une augmentation de 3,75 milliards d’euros par an de leurs charges d’intérêts.
Mais les ponctions réalisées par l’État ont joué un rôle encore plus important. En tout, les HLM ont été privés de 14 milliards d’euros depuis 2017. Une partie de cette somme est liée au passage de la TVA appliquée aux HLM de 5,5 % à 10 %. Mais pour les deux tiers, elle est le fait du système de réduction de loyer de solidarité (RLS). Mis en place en 2018, il consiste à demander aux bailleurs de réduire le montant des loyers pour compenser une baisse des APL des locataires du secteur public.
Lire aussi: 84e congrès des HLM à Montpellier (PCF)
L’État promet, puis rien
Ce dispositif a mis à mal les fonds propres des bailleurs qui sont constitués par les seuls loyers. « Plus les années passent, plus la RLS creuse les capacités à investir des bailleurs », résume Emmanuelle Cosse. Cerise sur le gâteau, après avoir promis, lors du précédent congrès HLM, 1,2 milliard d’euros sur trois ans pour la rénovation énergétique, l’État n’a même pas été capable de tenir sa parole, un gel de 250 millions d’euros au moins étant prévu dans le prochain budget.
Dans un contexte de baisse générale de la construction, la Fédération française du bâtiment réclame elle aussi la suppression de cette mesure qui empêche les HLM de jouer leur rôle habituel d’amortisseur de crise. Les bailleurs sociaux peuvent aussi compter sur de solides appuis au Parlement, les élus locaux ne pouvant ignorer l’ampleur du manque de logements abordables.
« Nous avons senti la volonté d’un certain nombre de députés de réactiver un intergroupe offensif sur le logement. Même des députés macronistes, qui l’avaient pourtant soutenue, réfléchissent à un changement de pied concernant la RLS, y compris parce qu’ils voient ses effets délétères sur la production d’HLM et sur l’ensemble du secteur », assure la présidente de l’USH.
Quand elle était parlementaire, la nouvelle ministre avait, elle aussi, exprimé des doutes sur le bien-fondé de la mesure. Reste à savoir si, cette fois, Bercy va être capable de prendre en compte, dans son équation budgétaire, le coût économique et social des difficultés croissantes des Français à se loger.
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