
Annie Genevard, ministre en charge de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, tient parfois des propos cohérents sur l’avenir de notre agriculture. Elle laisse entendre que cela suppose une meilleure rémunération du travail des paysans. Mais, selon le sénateur communiste Gérard Lahellec, la manière dont le gouvernement légifère ne pas en ce sens.
Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire « La France Agricole » le 21 février, veille d l’ouverture du Salon de l’Agriculture, Annie Genevard, affirmait que ce salon devait permettre de « poser la première pierre d’une reconquête agricole et alimentaire. Il faut qu’on affirme que nous sommes entrés dans une nouvelle ère géopolitique qui requiert la reconquête de notre de notre puissance alimentaire(…) l’alimentation est aujourd’hui une arme géopolitique. Je refuse que nous laissions une dette alimentaire à nos enfants. Il est temps de reconquérir notre assiette », affirmait la ministre. A partir d’un rapport rédigé par les sénateurs de droite Laurent Duplomb et Franck Menonville, le texte d’une Loi d’Orientation Agricole (LOA) fut voté dans la nuit du 27 au 28 janvier par la Sénat. Il reste à voir ce qu’une telle loi donnera comme résultats dans le cadre de la mondialisation capitaliste.
Dans une tribune publiée dans le quotidien Les Échos du 3 mars, la ministre affirmait qu’elle « porte une nouvelle promesse agricole fondée sur un mantra simple: produire plus pour manger mieux, produire plus pour dépendre moins». Elle ajoutait que pour atteindre ce double objectif, il convient «de sécuriser l’accès aux moyens de production, l’eau, la terre et les produits de traitement lorsqu’ils sont nécessaires, afin de maximiser notre potentiel de production: d’autre part de lutter avec acharnement contre les surtranspositions et pour la simplification du quotidien de nos agriculteurs, afin de rétablir les conditions de concurrence équitable, en Europe comme ailleurs ».
Le prix du blé ne couvre plus les coûts de production !
Disant cela , elle occultait le fait que depuis près de trois ans les producteurs français de céréales ont vu passer la tonne de blé d’un prix moyen supérieur à 300 euros au printemps 2022, à un montant qui oscille entre 200 et 220 euros depuis une trentaine de mois. La même tendance est observée pour le maïs. La principale cause de la chute des cours provient de la possibilité donnée à l’Ukraine d’exporter son blé et son maïs sans droits de douane dans les pays membres de l’Union européenne. Cela revient à faire payer une partie de l’effort de guerre de l’Europe en faveur de l’Ukraine par les céréaliers français, notre pays étant le principal exportateur de céréales dans l’Europe des 27.
Les exportations de sucre ukrainien en Europe font aussi chuter le prix de la tonne de betteraves payée aux producteurs français par les sucreries nationales. De même, les importations de poulets de chair et d’œufs de poule en provenance d’Ukraine font diminuer les volumes produits en France alors qu’un poulet sur deux consommés dans notre pays est importé. Tandis que les plans d’arrachage de vignobles se multiplient dans plusieurs de nos régions, faute de débouchés suffisants pour les vins et spiritueux dont beaucoup sont exportés, la menace de Donald Trump visant à taxer à 25% les importations de produits européens à partir du 2 avril inquiète beaucoup de viticulteurs dont certains exportent le quart de leur production aux Etats Unis.
Dans sa tribune publiée par Les Echos, Annie Genevard affirmait qu’il faut « renforcer l’attractivité des métiers du vivant, en sanctuarisant le revenu des agriculteurs. Cela passe nécessairement par une refonte du cadre Egalim et de l’extension de ses principes au plan européen. Au-delà d’être une question morale, cette politique doit permettre d’enrayer le vieillissement de la population agricole en ré-arrimant les jeunes générations aux métiers du vivant » précisait la ministre.
Malgré 3 lois Egalim, les distributeurs pillent encore leurs fournisseurs
En creux, c’est une manière de reconnaître que le vote depuis 2018 de trois versions de la loi Egalim, promise en octobre 2017 par le président Macon, ne permet toujours pas de couvrir les coûts de production et de rémunérer le travail des paysans. Car les enseignes de la grande distribution continuent de contourner ces lois en créant des centrales d’achat dans les autres pays membres de l’Union européenne. Partant de là, elles augmentent les importations de produit finis prêts à entrer dans les linéaires en France. Cela permet aux enseignes d’augmenter la pression sur leurs fournisseurs hexagonaux, lesquels sont souvent des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI). C’est ce qu’ont encore montré les négociations commerciales qui se sont terminées le premier week-end mars. Elles ont été plus dures que jamais et la baisse des débouchés pour la production française de végétaux, de produits laitiers et de viandes maintiendra des prix bas dans les salles de cotation pour les céréales, les viandes et le lait de vache au départ de la ferme . On ne parvient toujours pas à « sanctuariser » le prix des produits agricoles en fonction des coûts de production.
« L’agriculture est une activité humaine de production nourricière »
Lors du débat qui s’est déroulé au Sénat le 27 et le 28 janvier 2025 sur le contenu de cette Loi d’Orientation Agricole (LOA) présentée par Laurent Duplomb, Gérard Lahellec, sénateur communiste des Côtes d’Armor, avait livré une analyse qui mérite d’être portée à la connaissance des paysans français comme des consommateurs hexagonaux. En voici quelques extraits:
« La principale faiblesse de ce texte réside dans le fait que nous n’abordons pas le sujet de fond. L’agriculture est une activité humaine de production nourricière, vitale pour le devenir de l’humanité. Le fait d’avoir versé l’activité agricole dans la mondialisation des échanges et des prix, conduit à des pertes de souveraineté dans le domine alimentaire, car, quoi que l’on fasse, le poulet brésilien sera toujours moins cher à produire que le poulet chez nous. Ceci devrait nous inciter à rechercher de nouveaux dispositifs .S’il est vrai que les normes et autres contrôles tatillons ont de quoi exacerber les mécontentements, la chute de nos productions et les départs non compensés dans de nombreuses filières ont pour cause la question de la rémunération du travail paysan et de sa lisibilité dans le temps ! Ce n’est pas en renonçant à des ambitions agro-écologiques et de protection de la santé que nous garantirons un avenir à notre agriculture. Après les lois Egalim, cette LOA n’infléchit pas la tendance lourde qu’impose la LME de 2008 qui privilégie l’aval plutôt que l’amont, la distribution plutôt que la production. Et pourtant, la question de fond devrait être celle du retour de la valeur ajoutée à la production, c’est-à-dire à la ferme », analysait Gérard Lahellec.
Précisons pour finir que la Loi de Modernisation Economique (LME) que le gouvernement Fillon fit voter par sa majorité parlementaire en 2008, fut préparée par la Commission Attali dont le rapporteur final fut le jeune énarque Emmanuel Macron . En pages 152 de son rapport, il affirmait que « la revente à perte, n’est qu’un prix de connivence entre certains producteurs et certaines grandes surfaces ».
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