Benoît Biteau, un eurodéputé qui se mouille + Podcast ITW sur l’eau

Engagé auprès des Soulèvements de la Terre, l’eurodéputé s’est fait connaître pour sa lutte contre les méga-bassines. À Strasbourg et à Bruxelles, ce paysan agronome tente aussi de faire bouger les lignes du modèle agricole dominant.

Pour l’eurodéputé Benoît Biteau : « Les agriculteurs sont pris dans une forme de syndrome de Stockholm où, sans se rendre compte qu’ils en sont les premières victimes, ils volent au secours de ceux qui les pressent comme des citrons jusqu’à la dernière goutte ». © Martin Bertrand / Hans Lucas / AFP

L’odeur de poudre prend à la gorge. Toutes les deux secondes, une grenade lacrymogène explose pendant qu’une petite partie du cortège prend d’assaut la méga-bassine de Sainte-Soline, protégée comme un fort par la gendarmerie. Au milieu de ce chaos, Benoît Biteau, téléphone greffé à l’oreille, fait les cent pas sur un petit chemin boueux, à quelques centaines de mètres des affrontements.

À l’autre bout du fil, la préfecture des Deux-Sèvres, avec qui il faut négocier dur pour pouvoir évacuer les blessés par dizaines, dont certains, pacifiques, dans un état grave. Étendue à terre, une jeune femme, figure ensanglantée et profondément enfoncée côté gauche, marquera à vie l’eurodéputé écologiste. Elle perdra un œil. « Son visage me hante encore parfois la nuit », confie-t-il.

L’élu vert aurait préféré que ce 25 mars 2023 reste dans les mémoires pour d’autres raisons que les violences, lui qui est engagé depuis vingt-cinq ans sur le sujet de l’eau. Un trésor collectif et de plus en plus rare, qu’une minorité d’agriculteurs irrigants s’approprient grâce aux méga-bassines. « On est en train de perdre le caractère humide de cette zone humide remarquable qu’est le Marais poitevin, se désole-t-il. En tant que fonctionnaire, pour sortir la France d’un contentieux européen sur le Marais poitevin, j’émettais déjà de fortes réserves sur les méga-bassines. C’était en 1999. »

La nécessité d’un recours à la désobéissance civile

Depuis, les cheveux blancs ont poussé dans son catogan, et la fatigue se fait parfois sentir. Mais celui qui assume la nécessité d’un recours à la désobéissance civile a été rejoint dans son combat, qui a pris une ampleur nationale. « Les Soulèvements de la Terre ne sont pas des écoterroristes, comme veut le faire croire Gérald Darmanin, mais des gens extrêmement créatifs pour rendre la lutte visible. Tant qu’ils sont là, on peut continuer d’espérer », assure ce père de cinq enfants, dont Jean Jaurès et René Dumont sont « les phares de (son) engagement politique ».

À 90 kilomètres de Sainte-Soline, Benoît Biteau a toujours la ferme familiale, qu’il a reprise en 2007, dans la petite commune de Sablonceaux. L’agronome de formation, qui déteste le terme d’« exploitant agricole », a voulu y faire la démonstration que, malgré un fort endettement, « l’agroécologie coche toutes les cases du social, de l’économie et de l’écologie ».

Finie la culture intensive du maïs, place à l’élevage paysan de races locales et à la replantation d’arbres pour mieux retenir l’eau. Un succès tel que l’anticapitaliste assumé reçoit, en 2009, le Trophée national de l’agriculture durable. « Les agriculteurs sont pris dans une forme de syndrome de Stockholm où, sans se rendre compte qu’ils en sont les premières victimes, ils volent au secours de ceux qui les pressent comme des citrons jusqu’à la dernière goutte », lâche-t-il.

Yannick Jadot voulait en faire le nouveau José Bové

Son paternel, Paul, a été de ceux-là. Jusqu’à ce que Benoît Biteau lui prouve que le chemin de l’agro-industrie est une impasse. « Au bout de quelques années, mon père voit que ça marche très bien, raconte l’écologiste de 56 ans, ému. Un jour, dans un TGV, il s’effondre en larmes et me dit : Ta réussite est violente. Agriculteur pendant cinquante ans, je n’ai pas vu les évidences dont tu fais la démonstration car je me suis laissé bercer par le discours dominant basé sur les pesticides et les engrais de synthèse. » Un modèle paysan que Benoît Biteau défend maintenant depuis le Parlement européen, où il a été élu sur la liste EELV en 2019, après avoir été, entre 2010 et 2015, vice-président chargé de l’agriculture de l’ex-région Poitou-Charentes, présidée alors par Ségolène Royal.

C’est lors d’un déjeuner, le 9 décembre 2017, « jour des obsèques de Johnny », que Yannick Jadot, alors tête de liste des écologistes, convainc Benoît Biteau de le rejoindre comme candidat d’ouverture. Il veut en faire le nouveau José Bové, longtemps fer de lance de la désobéissance civile écologiste. « Je lui donne mon accord immédiatement », se souvient le principal concerné, désormais vice-président de la commission Agriculture à Bruxelles.

Benoît Biteau brigue un second mandat européen lors du scrutin qui se tiendra le 9 juin 2024. Un temps, son nom a circulé chez les écologistes, pour prendre la tête de liste. Certains militants regrettent toujours qu’il ne se soit pas lancé dans la course face à Marie Toussaint, désignée en juillet, et David Cormand, ancien chef du parti.

« Bon soldat » et « faute d’être un profil généraliste », il n’a pas voulu « jouer les trouble-fête dans un duel annoncé » entre deux candidats dans lesquels se « reconnai(t) » ce « paysan résistant », le titre de son livre. Son rôle ? Continuer à résister contre le lobby de l’agriculture intensive qui dégrade « le climat, la biodiversité et la santé ».

Avant de devenir Député Européen, Benoit Biteau a livré une belle ITW avec beaucoup d’amitié pour L’émission Moissac Au Coeur, sur Radio D’OC. A écouter ICI:

 


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