Le contraste était saisissant entre les beautés de la grande fête du sport mondial et le cratère brûlant d’un monde fracturé, déchiré par ses guerres sanglantes en Ukraine, à Gaza ou au Soudan, par le pillage ininterrompu des richesses par des minorités de possédants quand la famine sème la mort et augmente le nombre de déplacés.
Les jeux Olympiques, trop enserrés dans la loi de l’argent, devraient être ce moment de fraternité mondiale et de paix, une respiration utile pour réveiller les consciences et poser des actes forts pour des projets communs et un monde meilleur.
Les grands de ce monde feraient bien d’entendre l’aspiration à cette envie d’être ensemble qui parcourt les rues et les stades. Il y a tant de défis à relever en commun : ceux de la santé, des combats contre les dérèglements climatiques, les sécurités alimentaires et sociales à bâtir partout.
Mais la trêve olympique n’est pas plus respectée que les résolutions de l’ONU. Pourtant, la France qui accueille ces jeux devrait se saisir du moment pour faire valoir un grand projet de paix, de sécurité humaine et de justice. Elle ne le fait pas car elle est trop alignée sur l’impérium nord-américain, trop enserrée dans les guerres intra-capitalistes.
C’est pourtant cette France en mouvement, fière de sa diversité, audacieuse et fraternelle, pétrie d’idées républicaines, de bienveillance et de générosité, qui est entrée dans plus d’un milliard de foyers à travers les écrans de télévision lors de l’ouverture de ces jeux Olympiques.
Loin d’une France rance, « éternelle », monochrome, souillée des crachats de haine, abaissée par la concurrence de tous contre tous et les divisions, pétrifiée dans la peur de l’autre et noyée dans les torrents de propagande réactionnaire, la fantasque et fantastique cérémonie d’ouverture des Olympiades a porté la réalité d’une société libre, drôle, ouverte et solidaire, aussi tolérante que rebelle. Elle a été l’histoire en mouvement non pas pour figer une identité excluante mais pour porter un projet d’émancipation commun, porté par les récits de nos diversités et l’affirmation du vivre ensemble.
Les messages de la cérémonie d’ouverture peuvent ouvrir les yeux, retisser des fils d’unité contre les divisions. En faisant applaudir notre triptyque Liberté, Egalité, Fraternité, ils ont fait mesurer les chemins à parcourir, l’ampleur des combats nouveaux à mener.
Mais, Liberté ? Des militants étaient arrêtés et placé en garde à vue pour avoir déposé des autocollants critiquant les JO, d’autres interdits depuis des jours de brandir le drapeau palestinien, et des militants syndicaux sont chaque jour toujours inquiétés pour simplement défendre les droits des travailleurs.
Mais, Egalité ? Les coûts prohibitifs des places ont exclu beaucoup de passionnés du sport et de voisins des installations olympiques. Et ceux qui gagnent chaque mois mille SMIC refusent que deux millions de personnes -en général des femmes – puissent simplement gagner 200€ mensuels de plus.
Mais, Fraternité ? De nombreuses personnes sans domicile fixe ou de réfugiés ont été chassés de la capitale, des résidences étudiantes ont été réquisitionnées et tous ces ouvriers qui ont construit métros et bâtiments pour les jeux Olympiques n’ont pas un regard, pas un mot de remerciement.
Quant à l’inclusion ? Difficile de s’en réclamer quand la précarité galope, quand le nombre des privés d’un travail stable et convenablement rémunéré ne diminue pas, quand les normes d’accès handicapé ont été supprimées, quand la gauche a dû batailler ferme pour empêcher la conjugalisation du calcul de l’allocation adulte handicapé.
Pourtant, les symboles du spectacle d’ouverture ont été assez puissants pour faire projet. L’hymne à l’amour chanté par Céline Dion est bien le message dont le monde a tant besoin. La force de l’ensemble constitué par Aya Nakamura sortant de l’Académie française pour chanter avec la Garde républicaine dit tout d’une France en métamorphose s’enrichissant de sa pluralité. La voix d’Axelle Saint-Cirel a porté la Marseillaise en incandescence au cœur de Paris sous la pluie, comme un message au monde.
Le contraste entre l’ouverture des jeux, véritables et émouvant hymne à l’audace, à la créativité, à la diversité et à la mondialité, et la cynique stratégie macroniste de pêche aux voix. N’étais-ce pas M. Macron lui-même qui, évoquant le programme du Nouveau Front Populaire lors de l’entre-deux tours des législatives, reprenait à son compte le vocable infâmant d’”immigrationiste”, emprunté à Jean-Marie le Pen ? N’était-ce pas lui encore qui, au même moment, moquait la gauche de vouloir instaurer “le changement de sexe en mairie”, alors qu’il défendait la mesure en 2022 dans le magazine Têtu ?
Et comment serait traité Olympe de Gouges aujourd’hui ? Louise Michel qui a pris les armes contre les injustices du gouvernement lors de la Commune de Paris ne serait-elle pas aujourd’hui clouée au pilori par des accusations de « violence » ? Comment seraient traités les combats de Gisèle Halimi contre les violences coloniales en Algérie par un pouvoir qui déroule sans broncher le tapis rouge aux représentants de l’état colonial israélien ou quand on tue et emprisonne des militants kanaks ?
Au fait, si l’extrême droite s’était par malheur installée dans les ministères, nos athlètes aux prénoms considérés comme « non conforme » aux noms considérés « d’ailleurs », « les binationaux » qui se font remettre leurs médailles sous le drapeau français volant au son de notre hymne national aurait-il dû renoncer à la compétition ? A lire les commentaires d’intellectuels médiatique et de certains médias depuis quelques jours contre « la diversité » on pourrait le croire. C’est dire leur déphasage !
La cérémonie d’ouverture a montré qu’il n’était pas nécessaire de revêtir les habits clinquants des maitres du “show-biz” pour rassembler, unifier, communier ensemble autour de notre histoire et de nos valeurs fondamentales. Elle a constitué un puissant bol d’air qui pourrait devenir le signal d’une contre-offensive des idées et valeurs progressistes. Pour cela il faut la nourrir de multiples façons dans les débats et les créations culturelles, dans des événements comme la prochaine fête de L’Humanité.
Comme lors de la panthéonisation de Missiak et Mélinée Manouchian, tel Janus, E. Macron tente de faire croire qu’il s’agit là de son récit, de son histoire, de son projet alors que ses choix sont à l’opposé de ce qui transpire de cette cérémonie d’ouverture. Il convient donc de déchirer le paravent que d’aucun s’évertue à dresser à partir de cette création de haute qualité pour protéger les puissants et éteindre les rougeoyant feux de l’actualité dont la caractéristique principale est une lutte de classe acharnée menée par les possédants pour ignorer que le nouveau Front populaire est la force qui a envoyé le plus de députés à l’Assemblée nationale.
En ce sens, il est erroné de tracer un trait d’équivalence entre ce spectacle et « le front républicain » qui a repoussé la France des anti-Lumières lors de l’entre-deux tours des élections législatives. Cette tentative vise à pousser un quelquonque compromis d’une fraction de la gauche avec le président. Sur quelle base ? Le président a répondu la veille des jeux : il ne souhaite même pas une discussion avec Lucie Castets, parce que son choix est fait. Il veut gouverner à droite avec la droite. Il veut absolument poursuivre la politique qu’il mène contre les travailleuses et travailleurs, les privés d’emploi, les services publics depuis 2017. Refaire sans cesse ce qui a été fait tourne précisément le dos aux valeurs portées par la cérémonie d’ouverture. C’est cette fermeture et l’obsession de servir les puissants et les dominants « quoi qu’il en coûte » qui permet à l’universalisme de subir les assauts d’un flanc ultra droitier d’un côté, et des conservatismes nationalistes et religieux de l’autre. Voilà qui élargit sans cesse le lit du fleuve qui mène vers une extrême droite garante des intérêts d’une haute bourgeoisie qui s’assure les voix des plus démunis.
La seule manière d’être fidèle à ce message est de cultiver « l’en commun », de respecter le suffrage et de permettre au peuple de décider la manière dont il veut exercer sa souveraineté, lui donner la liberté de bâtir par lui-même la Constitution de demain, pour permettre de pousser plus avant l’émancipation et la solidarité internationaliste, le combat contre toutes les assignations et tous les carcans. Reprendre donc le fil des combats révolutionnaires et émancipateurs du peuple français. Voilà ce que l’on entendait lors de cette grandiose cérémonie d’ouverture.
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