Introduction liminaire au conseil de la métropole du Grand Lyon le 30 septembre 2024 par PAM

Une intervention avec laquelle Marianne et moi sommes parfaitement d’accord et que nous voudrions que tous les lecteurs de ce blog lisent ou écoutent parce qu’il fait un diagnostic auquel on ne peut qu’adhérer et qui ose enfin présenter le lien que chacun nie par opportunisme entre le mouvement du monde et les défis dans lesquels il est indispensable de partir de la réalité française. Cela pourrait être la base de la conférence nationale organisée par le PCF mais qui déjà ne répond pas à ce qui est dit dès le début, la nécessité d’une véritable écoute de tous, la censure, le mépris pour reconduire les mêmes, ceux qui ont liquidé et qui continuent à “visser les boulons” autour de la culture, l’idéologie, l’international, la presse, etc… Après ça “parlez” que les bouches s’ouvrent, pas trop il y a les élections municipales et l’asphyxie programmée n’acceptera pas une telle vérité… (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Nous l’avons répété, la France se fracture, écartelée entre les premiers de corvées et les premiers de cordées, entre ceux qui ne respectent plus rien et ceux qui ne supportent plus rien, entre l’unité de la fête olympique et la division politique profonde. Les politiques qui se succèdent continuent à prétendre résoudre des problèmes qui ne font que s’aggraver, et nous entrainent dans les guerres. Le monde bascule, tout s’accélère et nous restons dans l’impasse politique.

Que dire de la crise du logement quand tous les indicateurs sont dans le rouge, du logement des salariés au sans-abrisme, du logement étudiant au logement des senior?

Que dire de la crise de l’emploi quand des entreprises ne trouvent pas à recruter avec 3 millions de chômeurs, quand on trouve des centaines de candidatures pour un chargé de communication numérique mais qu’on ne trouve plus de jardiniers ou d’éducatrice de jeunes enfants, quand des formations sur des métiers industriels en tension ne trouvent pas de candidats, hormis des migrants qui ne seront pas autorisés à travailler ?

Que dire de la crise agricole quand les agriculteurs ne peuvent vivre de productions que la majorité des milieux populaires ne peuvent acheter ? quand le bio recule dans les paniers et que des agriculteurs en sortent car ils ne s’en sortent pas ?

Que dire de la jeunesse écartelée entre quelques influenceurs millionnaires et des milliers d’ados en rupture familiale et scolaire qu’aucun éducateur n’accompagne, encore moins après la suppression de 500 postes, un an après les émeutes de 2023?

Que dire quand le syndicat de Jtech, groupe Toyota, nous alerte sur le site d’Irigny, 2000 salariés il y a peu, 800 encore aujourd’hui, plusieurs milliers d’emplois en jeu au total, dans une filière automobile bousculée en Europe, seule zone mondiale toujours en dessous de son niveau d’avant-crise, une production en baisse attendue, le choc de l’électrification? La direction leur demande de faire des efforts pour avoir le soutien du groupe Toyota. C’était le discours du groupe Bosch pour l’usine de Vénissieux il y a quelques années.

Ce contexte de crises voit partout les progrès de l’extrême-droite…

Introduction de Pierre-Alain Millet au conseil de métropole du 30 septembre 2024 (video)

Permettez-moi de m’adresser à mes amis socialistes, écologistes, insoumis. Il est urgent de tout mettre sur la table pour comprendre pourquoi la gauche toute entière, divisée en 2022 ou unie en 2024 reste à 30% des exprimés, 20% des inscrits, alors qu’à chaque élection, l’extrême-droite progresse.

Engageons notre auto-critique. Nous ne construirons de majorité en faisant croire que tout se joue en haut, que le seul problème serait Macron parce-que nous aurions gagné. Cessons ce jeu à somme nulle où l’un cherche à gagner sur l’autre dans des polémiques au mieux dérisoires, au pire suicidaires. Nous faisons face ensemble à des défis gigantesques, pour l’accueil des mineurs, pour l’hébergement d’urgence, pour l’insertion, pour les mobilités. Nous devons tirer le bilan de l’histoire de la gauche bien connue des milieux populaires. Elle a gouverné en 1981, en 1997, en 2012, elle a gouverné en Allemagne, en Angleterre et ailleurs, et même en Grèce avec une gauche radicale. Quand et où a-t-elle changé la vie ? Chacun peut dire, ce n’est pas moi, c’est l’autre. Ce n’est pas à la hauteur du défi, pas à la hauteur de ce que vivent les milieux populaires comme les couches moyennes.

Et ne croyez pas que ce soit un problème des périphéries et que tout va bien dans les métropoles… L’extrême-droite en 2024 mobilise plus de lyonnais que les écologistes victorieux en mars 2020 ! Elle a frôlé les 25% à Vénissieux, malgré une faible abstention, autrement dit, elle peut jouer un rôle de premier plan aux prochaines élections locales, et ne parlons pas de Corbas ou de Saint-Priest.

Alors, chers collègues du centre et de droite, permettez-moi de vous dire que nous sommes tous concernés par cette crise profonde, une crise de société, et que les polémiques médiatiques sont, à droite aussi, au mieux dérisoires au pire suicidaires. L’élan de la révolution française qui a construit dans les confrontations politiques entre nous un modèle qui faisait de la France un cas particulier dans le monde est désormais épuisé. Il faut reconstruire notre modèle économique, repenser nos institutions, cette 5ème république qui n’a plus rien du projet du général de Gaulle.

Oui, de nouvelles mobilités sont nécessaires. Ce n’est pas monsieur le maire de Meyzieu qui me contredira, grand cycliste du quotidien qui défendait dans un débat avec le président Kimelfeld la nécessité de pistes cyclables rapides, pour concilier débutants et habitués. Oui, il y a débat sur certaines voies grand-lyonnaises, et il faut écouter tous les habitants, cyclistes ou non car aucun n’est illégitime. Pour notre part, nous avons proposé pour les points les plus difficiles de se donner du temps. Mais les polémiques caricaturales ne peuvent conduire qu’à un vainqueur, l’extrême-droite.

Par contre, nous devons tous prendre de front et au fonds les questions instrumentalisées par l’extrême-droite. Elle exploite tout ce qui met les Français en concurrence pour le logement, pour l’emploi, pour les droits, d’un coté pour les diviser et renforcer le racisme qui reste le premier moteur de son vote, de l’autre pour dénoncer l’inefficacité de toute politique publique, de droite comme de gauche.

On ne peut faire reculer le racisme sans renforcer nos services publics face à concurrence vécue au quotidien par les français, qui est une conséquence de cette théorie du ruissellement des “riches d’abord”, de cette construction européenne de la concurrence libre et non faussée.

On ne peut construire de réponse à l’extrême-droite sans remettre en cause le discours de l’immigration nécessaire, sans affirmer que la dignité de l’accueil des migrants exige de faire cesser cette émigration des guerres et des misères, de construire de nouvelles coopérations nord-sud sortant du néocolonialisme pour permettre le développement et ouvrir des perspectives aux jeunesses de tous les pays. Si l’Afrique connaissait dans les 20 ans qui viennent le même développement que la Chine depuis 20 ans, il n’y aurait plus aucun migrant africain en France en 2040. Cela obligerait à penser notre développement sur d’autres modèles économiques, fondés sur des niveaux très élevés de productivité.

Oui, il n’y aura pas de jours heureux en France dans un monde malheureux. Le monde bascule, le PIB des BRICS dépasse celui du G7 et leur prochain sommet en octobre confirmera que l’OTAN n’est plus aux commandes du monde. Refusons le choix commun de Biden et Trump d’une confrontation militaire qui n’a d’autres justifications que de tenter de sauver le dollar !

Oui, le monde bascule et l’Europe est défaite, soumise à la domination US qui profite des guerres que nous payons, ayant imposé la casse du modèle industriel allemand privé de l’énergie russe, transformant le président de la république française en marionnette affirmant qu’il ne peut y avoir de guerre au Liban alors qu’elle a déjà commencé et que le premier ministre israélien le confirme avec la plus grande violence.

Au Moyen-Orient, c’est l’escalade décidée par Israël qui n’a pu en vérité éliminer le Hamas et continue à bombarder des écoles, des réfugiés, des civils à Gaza, en Cisjordanie, au Liban. Je ne sais qui succédera à Nasrallah, mais je sais qu’Israël n’a rien gagné à la mort d’Arafat. En Ukraine, l’OTAN continue à déverser des milliards pendant que les rumeurs de négociation se multiplient. Personne ne sait s’il faudra constater demain une défaite historique de l’OTAN ou si la guerre s’étendra autour de l’Ukraine.

L’information est le premier front de ces guerres modernes, avec des caméras dans les armes, chez les victimes, dans les médias embarqués. Le narratif dominant nous abreuve d’horreurs pour faire accepter des stratégies militaristes quand cela les arrange, puis les masque quand il faut justifier l’injustifiable, comme ces explosions de beepers dénoncé par le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme dénonçant « Le ciblage simultané de milliers de personnes ». Israël qui dit se battre contre le terrorisme, organise un terrorisme d’état. Ma génération découvre avec effroi que la guerre dit la vérité du monde. Les origines des armes vous révèlent mieux que tout discours la nature d’un conflit. A Gaza comme à Donetsk, ce sont des bombes occidentales qui tombent, et la carte des pays qui refusent les sanctions occidentales contre la Russie ressemble étrangement à celle des pays qui reconnaissent l’état de Palestine.

Oui, le monde bascule et il est urgent que recule les militarismes et que renaisse l’exigence de paix, comme l’appel des Guerrières de la paix réunissant palestiniens et israéliens, comme Maoz Inon, entrepreneur israélien qui a perdu ses deux parents le 7 octobre, et son camarade Aziz Abu Sarah, entrepreneur palestinien dont le frère a été tué il y a longtemps, comme la proposition de paix du Brésil et de l’Inde.

Oui, le monde bascule et nous l’avons vu dans le succès des Worldskills à Lyon qui rassemblait 1500 jeunes professionnels de 65 pays, un grand succès qui révèle une vérité du monde dans ses résultats, la Chine en tête, et cinq pays asiatiques dans les 10 premiers. A part la France certes troisième en jouant à domicile, c’est l’image des forces productives du monde. Plusieurs décennies de libéralisme ont dévalorisé en occident les métiers, les filières, le travail, les qualifications. C’est sans doute le défi humain le plus difficile, s’appuyer sur cette jeunesse engagée pour redonner envie à notre peuple de se mettre au travail pour construire les jours heureux, une formule des communistes, mais qui avait été celle du conseil national de la résistance, et qui pourrait être celle de tous ceux qui refusent l’extrême-droite.

L’adresse originale de cet article est https://pierrealainmillet.fr/Ouvrir…

 


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