Marché cassé, hausse des prix, désengagement de l’État… Les 5 raisons de la crise du logement

Jamais, depuis des années, le manque d’habitations disponibles n’a été aussi criant, repoussant davantage les plus précaires dans une position d’extrême fragilité. Une situation qui n’entraîne aucune remise en question du désinvestissement de l’État et de la foi dans les « vertus » du marché.

 

La question est presque absente du débat politique. Pourtant, le décalage entre l’offre et la demande de logements ne cesse de se creuser, plongeant un nombre croissant de personnes dans des situations de mal-logement, voire les privant de toit.

« On voit que la France s’enfonce dans la crise et les pouvoirs publics donnent l’impression de chercher des boucs émissaires plutôt que des solutions », résume Christophe Robert, délégué général de la Fondation pour le logement des défavorisés (FLD – ex-Fondation Abbé-Pierre). À l’occasion de la présentation du 30e rapport annuel de l’organisation, rendu public ce 4 septembre, il a appelé à « une large mobilisation transpartisane » sur ce thème.

Un déséquilibre entre l’offre et la demande

La raréfaction du nombre de logements disponibles s’observe dans tous les segments du secteur. La demande s’accroît du fait de l’arrivée à l’âge adulte de la génération du petit « baby-boom » des années 2000 et des décohabitations liées aux séparations. Premier touché, le logement social, « qui reste pourtant, rappelle Christophe Robert, le levier le plus fiable pour relancer le logement sans effet d’aubaine, sans alimenter la spéculation immobilière ».

À force de désinvestissement et de ponctions, la production a chuté à 86 00 nouveaux logements en 2024, contre 124 000 en 2016. Le nombre de postulants à une HLM, lui, continue de croître, s’approchant cette année des 2,8 millions, deux fois plus qu’il y a dix ans. Faute d’offre alternative, les locataires HLM ne libèrent pas leur appartement. Du coup, les attributions sont passées sous la barre des 400 000, soit 100 000 de moins qu’en 2016.

Des prix en hausse à la location

Pourtant supposé être dopé par une politique gouvernementale qui, depuis 2017, mise sur les vertus du marché, le secteur privé est lui aussi en chute libre. « Sur l’année 2024, 330 400 logements ont été autorisés à la construction, soit 46 300 de moins que lors des douze mois précédents (- 12,3 %) et 28 % de moins qu’au cours des douze mois précédant la crise sanitaire », a révélé, le 29 janvier, le ministère du Logement.

Si l’offre de logement neuf se tarit, c’est aussi le cas des locations disponibles, dont le nombre a baissé de 8,6 % rien qu’entre octobre 2023 et octobre 2024, selon le site SeLoger. Résultat, malgré une légère baisse à l’achat, le manque de biens à louer, dans le privé comme dans le public, alimente la hausse des loyers. Alors que les revenus, eux, sont en baisse, l’inflation ayant entraîné une hausse des dépenses des ménages évaluée à 1 230 euros par an. 600 000 personnes de plus qu’en 2017 vivent d’ailleurs sous le seuil de pauvreté.

Le mal-logement s’étend

Ce décalage entre des revenus en berne et des logements en nombre insuffisant et trop chers entraîne un accroissement du mal-logement. Au niveau géographique d’abord, la pénurie, longtemps cantonnée aux grandes villes, touche désormais de nombreuses régions. Il est devenu très difficile pour les étudiants ou jeunes salariés de trouver à se loger dans les zones touristiques, où Airbnb et résidences secondaires exercent une concurrence déloyale et font monter les prix. C’est vrai aussi dans les zones frontalières et dans certaines petites villes longtemps épargnées.

L’absence d’offre adaptée contraint également un nombre croissant de ménages à se tourner vers du logement inadapté voir insalubre. Autre forme du mal-logement qui se développe, la précarité énergétique : « 30 % des ménages ont souffert du froid l’hiver dernier. Ils étaient 14 % en 2020 », rappelle Christophe Robert. Les réductions de puissance et les coupures d’énergie en raison d’impayés ont, elles, atteint le million en 2023. C’est deux fois plus qu’en 2021.

Les plus pauvres et les sans-domicile de plus en plus nombreux

« Quand on voit plus de territoires et de ménages touchés par la crise du logement, on sait que cela a un impact, par effet domino, pour les plus pauvres, les sans-domiciles, les mal-logés. Quand plus de monde est contraint de se loger dans des habitations de moyenne qualité, on sait qu’ils seront les derniers servis », souligne le délégué général de la FLD. En atteste la hausse de nombreux indicateurs, comme le nombre de sans-domicile fixe, que l’organisation estime à 350 000, soit déjà deux fois plus qu’en 2012, mais « sans doute encore en dessous de la réalité ».

Malgré son augmentation, le parc d’hébergement d’urgence ne permet pas de répondre aux besoins de cette population. Tous les soirs, le 115 est dans l’incapacité de trouver une solution pour 5 000 à 8 000 personnes, dont près de 2 000 enfants. La situation ne devrait pas s’arranger, alors que les expulsions locatives avec le concours des forces de police ont atteint, en 2023, le chiffre record de 19 000, soit un bond de 17 % en un an, en grande partie en raison de la loi dite « anti-squat », portée par l’ex-ministre Guillaume Kasbarian, qui a facilité et accéléré les procédures.

L’État continue de se désengager

Malgré la multiplication de ces signaux d’alerte, l’inertie règne sur fond de rigueur budgétaire. « Il est clair que le logement n’est plus considéré comme une priorité de l’action publique et reste souvent perçu comme un gisement d’économie, alors qu’il joue un rôle central dans la vie de chacun », souligne Christophe Robert. Seule mesure positive en perspective, la promesse faite par la ministre du Logement, Valérie Létard, et qui devrait être maintenue dans le prochain budget, de réduire de 200 millions d’euros la ponction de 1,3 milliard réalisée tous les ans sur le budget des bailleurs sociaux sous forme de réduction de loyers de solidarité (RLS).

Mais, en dépit de ses échecs patents, le « tout-marché » continue d’être promu. Rien n’a été fait pour pérenniser et approfondir l’expérimentation de l’encadrement des loyers, censée prendre fin en 2026, qui, pourtant, fonctionne. La régulation des prix du foncier, dont l’explosion est le principal moteur de la hausse des prix, est restée dans les cartons, malgré le soutien de l’ensemble des acteurs du secteur lors du CNR logement de l’été 2023. À la place d’une remise à plat, « les coupables désignés des blocages sont le plus souvent les normes écologiques et les politiques d’aides aux mal-logés », dénonce la FLD. Plus inquiétant encore, les partisans d’une libéralisation encore plus poussée du secteur n’ont pas baissé les bras et restent en embuscade.


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