Alors que le vote de confiance du 8 septembre approche, le gouvernement Bayrou poursuit, en toute discrétion, sa politique antisociale. Un coup de force dénoncé par les élus de gauche.

C’est un vieux truc d’illusionniste : profiter de ce que l’attention du public se concentre sur une main pour, de l’autre, réaliser son tour de passe-passe en douce. Alors que l’échéance du 8 septembre, journée durant laquelle le premier ministre engagera la responsabilité de son gouvernement à l’Assemblée nationale lors d’un vote de confiance, est dans toutes les têtes, l’exécutif poursuit discrètement sa politique antisociale. Comme l’Humanité le révèle, François Bayrou s’apprête à s’attaquer à l’assurance-maladie en imposant, entre autres, par décrets, le doublement des franchises pour les assurés.
Contre les avis des syndicats, mais également du président de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam), qui, dans une lettre que l’Humanité s’est procurée, a réclamé au premier ministre un report de ces mesures. « En imposant une expression du Conseil de la Cnam dans un délai d’urgence en période estivale, les pouvoirs publics ne laissaient pas le temps à la démocratie sociale de s’exprimer », écrit-il.
Le 28 juin déjà, le gouvernement, en quête d’économies budgétaires, a publié un décret « sur la sécurisation des avis d’arrêt de travail » qui vise à « endiguer le phénomène de fraudes » et aura surtout pour effet de compliquer leur obtention par les patients. Dans cette optique, 500 praticiens suspectés de délivrer trop d’arrêts maladie seraient également dans le viseur des caisses régionales de l’assurance-maladie.
Le mépris de la démocratie sociale
Le gouvernement de François Bayrou s’attellerait également à la refonte des exonérations de cotisations sociales, selon un projet de décret que les Échos ont pu consulter. Un sujet sensible, puisqu’elles représentent déjà un manque à gagner de près de 80 milliards d’euros pour la Sécurité sociale.
Sur le front de l’énergie, la prochaine réunion du Conseil supérieur de l’énergie (CSE), prévue initialement au lendemain du vote de confiance des parlementaires au gouvernement Bayrou, a été avancée au 4 septembre. De quoi permettre ensuite au ministère de l’Industrie et de l’Énergie de faire aboutir des réformes sur le photovoltaïque, dans les cartons depuis plusieurs mois, par décrets là encore.
« Ce qui est complètement aberrant, c’est que François Bayrou demande un vote de confiance que les députés ne lui accorderont pas. Le 8 septembre, normalement, il ne sera plus là. Mais, avant de quitter son poste de premier ministre, il s’assure de faire passer les mauvais coups qu’il avait décidés avec son gouvernement, tout ça dans la précipitation », dénonce la sénatrice communiste Cathy Apourceau-Poly.
Également très remonté contre « ces cadeaux empoisonnés », le député socialiste Arthur Delaporte y voit le signe « d’un pouvoir sans légitimité qui est pourtant sûr de sa toute-puissance. Cet usage des décrets traduit bien leur vision du dialogue social : ils ne recherchent plus le consensus et choisissent systématiquement le passage en force. C’est dans la droite ligne du macronisme et de ses certitudes ».
Centrisme autoritaire
Un avis partagé par le député insoumis Hadrien Clouet : « Le macronisme, c’est un coup de force permanent ! L’année dernière, en plein cœur de l’été, ils avaient supprimé le repos hebdomadaire des ouvriers agricoles par décret. Ils nous refont le même coup. »
Le parlementaire pousse même plus loin l’analyse : « C’est une preuve de plus que le macronisme n’est pas soluble dans les élections. En matière de santé, par exemple, ils ont une vision de la démocratie homéopathique. Ces gens-là ne tolèrent pas la démocratie et cherchent à utiliser toutes les modalités du pouvoir pour imposer leurs choix, en se passant du Parlement. »
Ce qui est certain, c’est que François Bayrou, en mai dernier, dans un entretien publié par le Journal du dimanche, avait déclaré « n’écart(er) aucune possibilité » pour faire adopter des mesures de réduction du déficit des finances publiques et de la dette, dont le référendum. Manière de s’éviter de passer par la représentation nationale. Une piste finalement abandonnée en cours de route.
« Ils savent bien que leur politique ne correspond pas à ce que veulent les gens et qu’ils n’ont aucune base démocratique sur laquelle s’appuyer, cingle Cathy Apourceau-Poly. Depuis la première élection d’Emmanuel Macron, lui et ses premiers ministres ont décidé de ne pas s’attaquer à la haute finance, aux aides aux entreprises et à l’évasion fiscale. Aujourd’hui, ils sont minoritaires et pourtant ils refusent de changer de cap politique… Mais qu’ils fassent payer leurs petits copains plutôt que le peuple ! » Chiche ?
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