Lauréate de la Palme d’or à Cannes, la réalisatrice Justine Triet subit depuis samedi 27 mai les attaques des soutiens du président, dont elle a critiqué la politique.
Il n’a fallu qu’une petite minute dans son discours pour que Justine Triet change de statut. Une minute pour passer de réalisatrice récompensée de la Palme d’or par le plus grand festival de cinéma au monde à ennemie publique numéro 1. Une minute à l’issue de laquelle le Festival de Cannes a laissé place au festival du n’importe quoi politique.
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À la tête d’un jury informel quasi exclusivement composé de responsables macronistes et de droite, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak s’est dite, à propos de la lauréate, « estomaquée par son discours si injuste » dans lequel elle perçoit « un fond idéologique d’extrême gauche ».
« Ingrate », « enfant gâtée » ou « rebelle de salon »
Ici et là, la cinéaste primée pour Anatomie d’une chute est jugée « ingrate », « enfant gâtée » ou « rebelle de salon » issue d’un « microcosme bourgeois qui se pavane sous les dorures du Festival de Cannes biberonné à l’argent public ». On l’accuse de « cracher dans la soupe », de « mordre la main qui la nourrit » et même de « salir » l’image de la France.
Tout ça pour avoir osé critiquer la politique d’Emmanuel Macron alors que son film est partiellement financé par des fonds publics. Un crime de lèse-Jupiter pour les marcheurs, qui, depuis, donnent du « prends le fric et tais-toi ».
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« Je ne peux me contenter d’évoquer la joie que je ressens, a confié Justine Triet, samedi soir, sur la scène du palais des Festivals. Cette année, le pays a été traversé par une contestation historique, extrêmement puissante, unanime, de la réforme des retraites. Cette contestation a été niée et réprimée de façon choquante et ce schéma de pouvoir dominateur de plus en plus décomplexé éclate dans plusieurs domaines. » Et d’ajouter que « la marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française (…) sans laquelle je ne serais pas là ».
La contestation sociale en haut des marches
Jusqu’alors, tout avait été fait pour que la colère populaire soit reléguée aux marges du Festival, loin du tapis rouge. C’était compter sans Justine Triet, qui a fait de son triomphe une tribune pour la contestation sociale, la ramenant à sa place : en haut des marches.
En clair, la Macronie en veut pour son argent. Problème : ce n’est pas son argent. Elle n’est pas non plus l’État.
Les soutiens d’Emmanuel Macron y voient plutôt une cinéaste qui, selon les mots du député Karl Olive, « passe plus de temps à cracher sur l’État – qui nourrit la grande famille du 7e art – qu’à savourer son propre trophée ».
En clair, la Macronie en veut pour son argent. Problème : ce n’est pas son argent. Elle n’est pas non plus l’État. « Vous ne financez pas le cinéma et la culture mais NOUS finançons le ciné et la culture via des dispositifs de solidarité collective dont vous n’êtes que les organisateurs temporaires, a répondu l’écrivain Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018 pour son roman Leurs enfants après eux. La main qui nourrit les artistes n’est pas la vôtre. C’est celle de la communauté nationale. »
Mais lorsqu’on doit tout au président de la République, difficile pour les marcheurs de concevoir que d’autres ne lui doivent rien. Un chef de l’État susceptible qui, contrairement à l’usage, n’a d’ailleurs pas salué la Palme d’or obtenue par Justine Triet.
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