Trois jours après l’annonce du départ du proviseur d’un lycée parisien menacé de mort après une altercation avec une élève pour qu’elle enlève son voile, le principal syndicat, le SNPDEN-Unsa a salué l’action de l’État estimant ne plus être « à l’époque du « pas de vague »». Le SNUPDEN-FSU pointe, pour sa part, le manque de moyens alloués aux collèges et lycées qui ne permet pas « de travailler en amont » correctement.
Trois jours après l’annonce de sa mise en retrait par le proviseur du Lycée Maurice Ravel, à Paris, menacé de mort après une altercation avec une lycéenne à qui il avait demandé d’enlever son voile, quelques dizaines de personnes se sont rassemblées, ce vendredi 29 mars au matin, dans le 20e arrondissement de Paris, peu avant une conférence de presse du SNPDEN-Unsa, syndicat majoritaire des chefs d’établissements. Une quinzaine d’élus socialistes et écologistes étaient présents pour réaffirmer leur « attachement à l’École et aux lois de la République », a fait savoir le PS sur les réseaux sociaux.
« On a pris la mesure de la menace »
Pour le secrétaire national du SNPDEN-Unsa, Bruno Bobkiewicz, il est « intolérable » que le proviseur menacé ait été contraint de se mettre en retrait. « Quand on est chef d’établissement, on porte un principe simple : il n’y a pas de négociations possibles, c’est toute la laïcité, rien que la laïcité », a-t-il asséné, avant de saluer l’action du gouvernement.
Depuis l’assassinat du professeur Samuel Paty, « l’État assume ses responsabilités et soutient les chefs d’établissements qui tentent d’agir. Nous ne sommes plus à l’époque du « pas de vague ». Une prise de position largement partagée par Carole Zerbib, proviseure du lycée Nicolas Louis Vauquelin, à Paris, et également membre du SNPDEN-Unsa. « On a pris la mesure de la menace, a-t-elle déclaré. On voit la différence de traitement avec le temps : on n’a pas proposé à Samuel Paty de se mettre en retrait, contrairement à ce proviseur. »
« Le vrai problème de l’école, c’est le manque de moyens »
Contacté par l’Humanité, Phillippe Beuchot, proviseur du lycée Carnot, à Paris, et secrétaire national du SNUPDEN-FSU, un autre syndicat de chefs d’établissement, voit les choses différemment. « Les menaces reçues par notre collègue sont inacceptables mais le vrai problème de l’école, ce n’est pas la laïcité, qui est respectée par 99,99 % des élèves, explique-t-il.
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On assiste à un emballement médiatique de l’instrumentalisation de cette question par ceux qui trouvent un intérêt à la stigmatisation d’une partie de la société. Les collèges et lycées ont besoin de moyens et de personnels pour travailler en amont. Comment faire passer des valeurs et des idées, comment travailler sereinement, quand dans certaines classes, les professeurs doivent faire face à des effectifs de 37 élèves ? »
Le responsable syndical pointe également le manque d’assistants d’éducation pour encadrer les collégiens et lycéens en dehors des heures de cours. « Dans mon établissement, je dois m’appuyer sur huit surveillants pour près de 2 000 élèves, poursuit-il. Ils manquent forcément de temps pour pouvoir véritablement s’occuper des enfants. Nous payons le prix de quarante ans de politiques visant à une réduction des moyens dans l’Éducation Nationale. »
Le temps et les moyens, c’est ce qu’il faudrait sans doute pour répondre à « l’échec du dialogue autour de la laïcité » que déplore, pour sa part, Martin Raffet, le président de la FCPE Paris. « La loi doit être discutée, certains élèves ne la comprennent pas, estime le responsable de la fédération de parents d’élèves. Il faut prendre le temps de leur expliquer et leur montrer qu’on ne stigmatise pas les religions.
L’écho Samuel Paty
Une analyse partagée par le syndicat d’enseignants, le Sgen-CFDT de l’académie de Paris, qui, qualifiant le départ du proviseur du lycée Ravel d’ « échec collectif », juge, pour sa part, que « la répétition de ce type de scenario, sur fond d’instrumentalisation du rapport aux croyances religieuses, n’est pas acceptable et peut conduire à des tragédies. Nous ne le savons que trop, au sein de l’éducation nationale, depuis l’assassinat de Samuel Paty ».
Pour l’heure, l’exécutif n’entend pas répondre concrètement aux problématiques posées. La ministre de l’Éducation nationale a annoncé la création d’une « force mobile scolaire » nationale qui pourra être envoyée dans les établissements scolaires en cas de « difficultés » en termes de sécurité.
Quant au Premier ministre, Gabriel Attal, il pense régler le problème avec la plainte déposée par l’État contre la lycéenne pour « dénonciation calomnieuse » et en jouant sur des effets d’annonce autour du doublement des heures d’Éducation civique. « Une disposition qui, sans être accompagnée de moyens nouveaux, est impossible à mettre en œuvre et passera aux oubliettes », dénonce encore Philippe Beuchot du SNUPDEN-fsu. N’en déplaise, au chef du gouvernement, tout le monde n’est pas dupe.
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