Cette contribution de Fabienne Lefebvre nous permet de noter en quoi les préoccupations de ce blog rejoignent ce qui devient l’enjeu de cette conférence du PCF. C’est une étape de la préparation du prochain congrès qui en dit à la fois les limites dans la représentation démocratique comme dans le niveau des préoccupations mais insiste sur l’urgence, le refus du temps perdu. Il y a comme le dit le texte de la pétition que nous avons publiée ici et qui a déjà près de 300 signatures dont celle de Fabienne et d’autres responsables du parti comme elle en prise directe avec les problèmes des villes populaires et des fermetures d’entreprises, les difficultés des services publics et des mairies. Ce ne sont plus seulement les intellectuels qui en appellent à la théorie marxiste, à la géopolitique, mais bien ceux qui sont confrontés à la férocité de l’impérialisme dans toutes ses conséquences dans tous les “territoires”, tout doit être concret, de la nocivité des choix européens à ce qu’exigent de moyens les écoles, le logement social, etc.. La nouveauté est que plus vous êtes les mains dans le cambouis, plus vous exigez un effort de réflexion, de l’internationalisme. Sans négliger l’importance d’avoir des élus plus vous avez besoin d’avoir un parti qui retrouve son autonomie pratique, celle d’un Fabien Roussel dont on se réjouit de ne plus le voir dans les empoignades du parlement mais bien avec le casque d’Arcelor Mittal ou en ce moment du côté de Grenoble multipliant les rencontres de ce type, dénonçant la fermeture d’une grande surface où les employés qui sont à dix ans de la retraite sont jetés, son discours sur la paix en retrouve la vigueur nécessaire. Et là j’en reviens au texte de Fabienne : ce n’est pas un hasard si c’est dans le contexte des guerres que toujours l’internationalisme a été une exigence du vrai patriotisme, une manière de conférer à la souveraineté, aux moyens de son exercice un retour à l’essentiel. Le texte de Fabienne Lefebvre que nous publions avec joie tant il témoigne de l’évolution du PCF ne commence pas par hasard en citant Cuba, la nécessité du socialisme et en réclamant de se tourner vers les BRICS là où sont créées d’autres conditions de la bataille pour le socialisme que nul ne mènera à notre place, et qui sera donc le socialisme à la française se nourrissant de toutes les expériences et luttes de nos traditions et s’ouvrant à celles des autres peuples. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Depuis le 38e Congrès, notre Parti a fait le choix d’une réorientation majeure avec pour objectif de retrouver une visibilité et une autonomie vis à vis des autres forces de gauche, lui permettant de mettre en avant ses propositions sur la base d’un contenu de classe. Il a également fait le choix de remettre les cellules et notamment les cellules d’entreprises au cœur de son organisation, afin d’être au plus proche de la vie de la cité et des lieux de production, mais dans quel but, pour quelle rupture et pour quel projet ?
Une fuite en avant vers la barbarie
A l’offensive, les forces du capital, avec l’aide des bourgeoisies, travaillent à une nouvelle guerre mondiale menée par la prédation impérialiste états-unienne, et ses bras armés que sont l’OTAN et le dollar. D’autres peuples font eux le choix de se tourner vers les BRICS+, rejetant ce système de domination obsolète et mortifère pour les hommes et la planète.
Même si les BRICS+ ne proposent pas de prime abord une sortie du capitalisme, elles constituent néanmoins une étape d’’émancipation du système avec comme socle un monde multipolaire.
Ce rejet, au profit de coopérations équilibrées entre les peuples et nations souveraines, entraine de facto une réaction des tenants de la suraccumulation du capital. Ces derniers, pour accroitre leur hégémonie s’exonèrent même de pratiques dites démocratiques, dont le capital n’a plus besoin pour s’accumuler. Le système capitaliste en crise évolue donc inexorablement aujourd’hui vers sa forme la plus aboutie qui est le fascisme et la guerre.
L’Ukraine en est l’exemple depuis 2014, avec le coup d’état de Maidan soutenu par l’occident. Elle devient alors une base de l’OTAN au cœur de l’Europe, pour l’intérêt exclusif du capital avec l’aide des néonazis des bataillons Azov. Ukraine où le Parti Communiste et l’ensemble des forces progressistes sont interdites, tout comme le droit de grève.
Le ventre est malheureusement encore fécond, puisque la bête est au pouvoir en Italie, Hongrie, Finlande et Pays-Bas, en tête des élections européennes en France et en Autriche, puis progresse dans la majorité de l’union européenne.
Europe soumise aux injonctions atlantistes d’une Amérique où les deux partis uniques, inféodés au capital, se partagent en alternance les pouvoirs (institutionnel, médiatique…) avec un mépris de classe assumé et une soif guerrière jamais assouvie.
Le rôle déterminant du Parti communiste
L’urgence à s’organiser contre ce système et son inexorable fascisation, est donc bien une nécessité pour le monde du travail, c’est-à-dire pour celles et ceux qui produisent les richesses mais n’en profitent pas. Illusoire en outre, de croire que l’on puisse réaliser toutes formes de Front populaire antifasciste, sans établir au préalable l’unité d’action des travailleurs. Il s’agit là d’aider à l’élaboration de la conscientisation des forces productives autour d’une idée, pour qu’elle devienne une force matérielle. Notre campagne autour du coût du capital, par exemple, pourrait jouer ce rôle. Ce travail doit se faire dans la durée et avec pugnacité, afin d’être à la hauteur de l’hégémonie culturelle imposée par la bourgeoisie. La capacité de réaction à la dureté des rapports de production est un processus long, inversement proportionnel à l’exigence du capital de s’inscrire dans l’immédiateté. C’est la raison pour laquelle la survie et le rôle du Parti sont essentiels et ses tâches liées à son organisation et sa formation déterminantes.
D’autant que les dernières expériences de type NUPES et NFP, décrétées d’en haut et aux contenus réformistes, n’ont pas convaincu la classe travailleuse d’une rupture possible avec le système, et pour cause. Pire, elles la livrent aux forces les plus réactionnaires et précipitent dans l’invisibilité le seul parti en capacité d’offrir une perspective.
Certes, l’union est un combat mais faut-il que le prix à payer soit toujours le plus élevé pour le Parti Communiste Français ? L’accord inique sur les législatives en est un exemple, celui-ci nous contraignant de fait à l’effacement. Le Parti des fusillés se voit donc réduit à une part congrue injustifiable et insultante.
Et pourtant, il n’y aura pas de politique de gauche dans notre pays sans un Parti communiste fort, capable de porter une analyse et des propositions au contenu de classe assumé. C’est-à-dire véritablement en rupture avec le système et donc, avec le discours dominant. L’union reste néanmoins possible mais uniquement si elle s’articule sur des bases claires qui soient dans l’intérêt unique des travailleurs, qui se sentent pour la plupart abandonnés voire trahis.
Nous ne devons pas être frileux, nous devons nous réapproprier ce qui nous a conduit aux décisions du Congrès de Tours en 1920, faisant de nous les membres d’un Parti révolutionnaire de tous les combats et de toutes les luttes. Possiblement enclins aujourd’hui, si nous le décidons, à poursuivre et approfondir la démarche et la réorientation engagées par les communistes au travers du « Manifeste » lors du 38ème Congrès.
Nous devons également mettre en perspective la seule ligne théorique capable d’apporter une réelle réponse aux défis auxquels est confrontée l’humanité aujourd’hui. C’est pourquoi, il nous faut retravailler la question du socialisme, portée notamment par le texte des 168 jeunes et de nombreux camarades (33%) lors du 39e Congrès. Nous devons donc réappréhender le socialisme comme système économique, politique et social abolissant l’exploitation, l’oppression et l’aliénation du système capitaliste. Ce dernier n’étant, en outre, pas réformable, il nous faut donc en débattre sereinement et sérieusement.
D’autant que le 38ième Congrès avait acté l’impasse d’une transition du capitalisme au communisme par un mouvement sans étape et simpliste, adossé au concept de « communisme déjà là » où qui arrive soi-disant « à maturité ». Ce concept idéaliste issu d’aucune expérience réelle ne fait que porter la confusion, voire engendre le renoncement. Il s’appuie faussement sur des conquis du monde ouvrier comme la sécurité sociale, eux bien réels, mais qui en aucun cas n’incarne, ni ne valide cette idée.
Les jours heureux du socialisme
Raison pour laquelle il faut à présent clarifier notre position sur cette construction en deux phases du communisme, en partant notamment de la Critique de programme de Gotha faite par Karl MARX où il explique :
« Que le communisme se caractérise par une phase inférieure et une phase supérieure. La première phase, communément appelée socialisme, résulte de la prise du pouvoir par le prolétariat. Le socialisme est le système économique, politique et social qui abolit enfin, l’exploitation capitaliste, les aliénations et les oppressions. C’est une société nouvelle qui trouve sa finalité dans une phase supérieure répondant au slogan de : chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ! »
Cette première phase, qui constitue un saut qualitatif, est primordiale car elle pose la question démocratique et donc du pouvoir des travailleurs : au cœur de la production, dans la vie de tous les jours, mais aussi dans son rapport au pouvoir de l’Etat.
Elle assoit donc les bases d’une démocratie populaire et de proximité qui est notamment développée à Cuba. Notons par ailleurs que les Partis communistes et ouvriers se réfèrent, ou se réapproprient ce concept, si tant est qu’ils l’avaient abandonné. Tous n’ont heureusement pas connu la joie d’un eurocommunisme béat ! Nos liens, en outre, avec ces Partis doivent se renforcer et être le fruit d’un travail de réflexion étayé, notamment au sein des Rencontres Internationales des Partis Communistes et Ouvriers (RIPCO) comme l’exigeait le 39ème Congrès. Les communistes du Parti devraient pouvoir également être détenteurs des comptes rendus et de tous documents internationaux signés par le Parti, comme pour la déclaration de la Havane par exemple, signée en octobre 2022. Déclaration essentielle qui prend tout son sens aujourd’hui dans un monde en guerre, et dans laquelle un appel à la Paix était déjà lancé !
Combat pour la Paix qui fut, est et restera l’ADN de tous les communistes partout sur la planète.
Ne soyons donc pas à rebours de l’évolution du monde et de l’aspiration des travailleurs et des peuples. Car il ne s’agit pas de la fin de l’histoire, comme l’idéologie dominante s’est plu à l’asséner depuis la chute du mur de Berlin et du démantèlement organisé de l’URSS. Idéologie qui a agi pour son propre intérêt et profit en dépeçant le monde via les forces de l’OTAN.
En fait, il s’agit aujourd’hui de regarder avec lucidité l’avènement d’un monde nouveau porté par l’exigence de paix et de justice sociale, sous forme d’une communauté de destin pour l’Humanité. Cette perspective rend la citation de Rosa Luxembourg « Socialisme ou barbarie » pleinement d’actualité !
Car seul le socialisme permet d’atteindre cet objectif par l’appropriation collective des moyens de production et par la planification. Notre plan climat, apport majeur à la réflexion, pose d’ailleurs en partie les bases d’une possible planification pour une réindustrialisation et la construction d’un véritable pouvoir populaire au service de l’intérêt général. Pouvoir populaire qui permettra à terme la transition du capitalisme vers la société sans classe qu’est le communisme.
L’objectif n’est bien sûr pas la mise en œuvre d’un dogme, mais bien celui d’un guide pour l’action disait Lénine, dans la perspective d’une réelle prise du pouvoir, vocation in fine, d’un Parti communiste et donc d’un Parti révolutionnaire.
Ce qui permettra au Parti de reprendre tout sa place auprès des travailleurs, qu’il a délaissée depuis des décennies, au profit d’alliances chimériques et d’idéologies wokistes fallacieuses.
Néanmoins cela nécessite plusieurs conditions au-delà de notre renforcement et de la formation de tous :
- Le respect de toutes les décisions de Congrès ;
- Un véritable travail d’organisation, pour que ces décisions soient réellement appliquées ;
- La mise en débat sans tabou du socialisme ;
- Renouer des réels liens de travail et de fraternité avec les Partis communistes et ouvriers du monde entier ;
- Faire du Parti communiste français le grand Parti de la Paix.
Au regard de la gravité de la situation, nous ne pouvons plus faire l’impasse de cette réappropriation idéologique et organisationnelle, c’est l’un des enjeux majeurs de la Conférence nationale, si nous voulons nous donner des bases solides, pour affronter réellement le combat de classe en cours et être utiles aux travailleurs !
Fabienne Lefèbvre, Fédération du Val-de-Marne, Membre du Conseil national
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