Les aspirations des classes populaires restent à gauche

Annie et Brigitte regardent à gauche : en avril, elles ne voteront ni Le Pen, ni Zemmour, ni Macron ». © Mathieu Dréan

Si le vote populaire pour l’extrême droite progresse depuis les années 1980, les attentes qui s’expriment, notamment envers les sujets économiques et sociaux, sont toujours très marquées à gauche.

Les classes populaires se seraient droitisées ? Si la progression du Rassemblement national dans l’électorat de ces catégories est réelle, elle est à relativiser du fait d’une très forte abstention et n’est pas représentative de leurs véritables préoccupations. Selon une enquête réalisée au printemps 2021 par l’Ifop pour « l’Humanité Dimanche », plus que la lutte contre l’immigration, ce sont des mesures sociales qui sont attendues.

Parmi les classes populaires, ils sont 91 % à demander un grand plan pour les services publics, 86 % à vouloir l’augmentation du Smic, 82 % à être favorables à la taxation des dividendes… Des mesures que seule la gauche met réellement sur la table. Même s’il lui reste à convaincre. « Il y a sans doute eu une perte de confiance à l’égard de la gauche, le quinquennat Hollande y est pour beaucoup, analyse le sociologue Ugo Palheta. La gauche doit pouvoir porter un discours clair, avec des propositions ambitieuses, de rupture, pour regagner cette confiance. C’est aussi comme cela qu’elle pourra combattre la montée de l’extrême droite. »

Celle-ci a en effet su adapter son discours au regard des réelles aspirations des classes populaires, sans pour autant bouleverser le fond d’un programme conservateur et libéral, que Marine Le Pen met d’ailleurs davantage en avant qu’en 2017. D’après une autre étude, réalisée par OpinionWay en septembre 2021, pour les ouvriers, les employés, le « pouvoir d’achat » (52 %) et la « protection sociale » (42 %) arrivent en tête des « enjeux qui compteront le plus au moment de voter pour l’élection présidentielle », devant la sécurité et l’immigration.

Selon l’Ifop, en janvier 2020, le changement prioritaire à apporter, d’après les ouvriers et les employés, concerne « les écarts de revenus et de richesses ». « Marine Le Pen a su faire croire qu’elle avait la réponse à ces questions, alors même que les plus précaires seraient les premières victimes de sa politique », observe la philosophe Juliette Grange, auteure du livre « les Néoconservateurs » (Pocket, 2017).

Reste que cette imposture sociale de l’extrême droite est loin de séduire la majorité des classes populaires : « Le vote des ouvriers et employés en faveur de Marine Le Pen et Éric Zemmour est encore annoncé élevé pour la présidentielle mais la colère, la défiance, le sentiment d’abandon qui s’expriment politiquement dans ces catégories se traduisent pour l’heure davantage par un retrait des urnes », relate le politologue Florent Gougou. Une abstention qui, là encore, pourrait être combattue par un projet émancipateur, s’il parvient à être convaincant.


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