Cryptomonnaies, faillites des banques régionales, bulle de l’IA… Les signaux d’un krach boursier imminent ?

Bulles spéculatives sur l’intelligence artificielle ou les cryptomonnaies, faillites de banques régionales états-uniennes : les signes de fragilité se multiplient sur les marchés financiers, alors même que se profile la bombe de l’insolvabilité d’une montagne de « crédits privés ».

Des niveaux record de cours des actions ont été atteints à New York ou à Paris.
© SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Le contrecoup de la financiarisation de l’économie mondiale, impulsée par les administrations états-uniennes successives comme par la majorité des dirigeants européens, alimente des craintes de plus en plus marquées d’imminence d’un krach à la dimension retentissante.

Le décalage entre les performances de l’économie réelle et celles, toujours plus boostées, de la sphère financière devient intenable. Wall Street, la Bourse de New York, épicentre de ce monde financier, représente aujourd’hui près du double (190 %) du PIB des États-Unis.

Des niveaux record de cours des actions ont été atteints à New York ou à Paris. Le Dow Jones pulvérise les 45 000 points. Et le CAC 40 plane au-dessus des 8 000 points, un peu comme si la valeur des titres boursiers pouvait totalement s’affranchir des aléas de la vie économique et sociale, de la stagnation française et européenne ou des signes de ralentissement de l’activité de plus en plus perceptibles outre-Atlantique.

Effet boule de neige

Mais dans l’histoire déjà longue des krachs financiers, l’euphorie précède justement les pires effondrements. En 2007-2008, les paris d’une hausse sans fin des valeurs des crédits immobiliers low cost, dits « subprimes », aux États-Unis ont conduit nombre d’investisseurs à s’endetter massivement pour tirer le maximum de profit de cette opportunité. Avant de s’apercevoir qu’ils ne valaient plus rien.

Ce qui va avoir aussitôt un effet boule de neige sur l’ensemble des marchés financiers et provoquer un séisme économique avec à la clé la pire récession enregistrée après guerre dans le monde occidental. Et une terrible addition présentée aux travailleurs des deux côtés de l’Atlantique comme à ces millions de citoyens états-uniens modestes accédant à la propriété dont le rêve s’écroulait.

Aujourd’hui, des mécanismes analogues sont à l’œuvre. De formidables bulles financières, résultats de la surévaluation des titres de tout un secteur, se sont formées et menacent d’éclater d’un instant à l’autre. L’engouement pour les titres de l’intelligence artificielle atteint ainsi des sommets. La seule capitalisation boursière de Nvidia dépasse les 4 000 milliards de dollars. Du jamais-vu de mémoire de trader. Sauf au tournant des années 2000, où un mouvement du même type en faveur des titres de l’Internet naissant allait provoquer… un krach mémorable.

Autre bulle financière, autre symptôme de la fragilité de tout un système : les cryptomonnaies viennent d’enregistrer un redoutable décrochage au lendemain d’une nouvelle annonce de Donald Trump visant à intensifier sa guerre commerciale contre la Chine. Le mécanisme est le même : une frénésie d’achats à grands frais des investisseurs, jusqu’à ce que s’accumulent leurs difficultés à rembourser les emprunts souscrits sur les marchés pour prendre le contrôle de la monnaie numérique dérégulée, source des mégaprofits tant désirés.

Enfin, dernier signal d’alerte retentissant : plusieurs banques régionales états-uniennes qui se sont emparées des dérégulations mises en place pour doper leurs activités viennent de faire faillite, incapables de faire face à une montagne de créances irrécouvrables.

Des substituts aux banques

Ces mécaniques sont d’autant plus redoutables que les prêts octroyés aux traders à la recherche de bonnes affaires ne sont plus désormais l’apanage des banques, qui, depuis le krach de 2008 et la retentissante faillite de Lehman Brothers, sont soumises à un minimum de règlements et de contrôles. Mais tout a été fait depuis lors pour libéraliser les marchés afin de permettre à de gros acteurs potentiels de se procurer les fonds désirés aux meilleures conditions.

Ces opérations extra-bancaires sont baptisées « private credit » (crédit privé). À la manœuvre, des supersociétés d’investissement : des fonds de pension, des multinationales. Elles peuvent se substituer aux banques pour prêter des sommes colossales sans intermédiaire.

L’un des experts les plus roués et les plus reconnus du système, James Dimon, chef de la plus grande banque des États-Unis, JPMorgan Chase, vient de mettre les pieds dans le plat lors d’une intervention à Miami au début de ce mois sur la gravité du danger qui se profile. Il reproche aux investisseurs du monde entier leur « sous-estimation systématique des risques ». Et il estime comme très probable d’enregistrer prochainement un krach massif sur les marchés.

Les réactions en chaîne provoquées par défaut du private credit mettraient en péril les équilibres d’entreprises, de fonds de pension, de compagnies d’assurances un peu partout dans le monde et pourraient devenir « un des problèmes les plus dangereux pour l’économie mondiale », précise James Dimon.

L’évolution du private credit est spectaculaire. Réduit à moins d’une centaine de milliards d’euros en 2010, il serait l’objet aujourd’hui d’au moins 2 200 milliards de dollars de transactions, selon les chiffres communiqués par la Banque des règlements internationaux (BRI), qui avoue cependant être sans doute bien en dessous de la mesure véritable du phénomène. Car, pointe-t-elle, il n’y a aucune obligation de déclaration pour l’octroi de tels crédits.

Les pourvoyeurs de private credit sont des stars de Wall Street comme Blackstone, Apollo ou Ares, dont les dirigeants sont très perméables à l’approche « libertarienne » des champions les plus ultras du capitalisme états-unien comme Elon Musk ou Peter Thiel, grand maître de la société de big data Palantir Technologies. Sous couvert de lutter contre une bureaucratie dommageable au talent des chefs d’entreprise et à leurs affaires, ils revendiquent de s’asseoir sur la moindre obligation de transparence, ou de garantie bancaire.

Une récente étude du Fonds monétaire international (FMI) souligne l’extrême fragilité de nombre d’utilisateurs du système de private credit : 40 % d’entre eux auraient des rentrées d’argent systématiquement inférieures à leurs dépenses.

Le prochain krach est bien en phase d’approche.


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