Fabien Roussel : « Face à la collaboration avec le RN, nous choisissons la résistance » + vidéo

Le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, appelle la gauche et les Français à résister face à l’alliance conclue entre les macronistes et l’extrême droite. « La coalition du Nouveau Front populaire sera toujours là, et prête à gouverner », assure le responsable communiste, qui rencontrera la candidate à Matignon, Lucie Castets, et la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, à la Fête de l’Humanité.

Fabien Roussel ne décolère pas : la nomination de Michel Barnier à Matignon constitue un « hold-up » démocratique. Mais, pour le dirigeant communiste, pas question de baisser les bras : ni sur le combat que devra mener la gauche pour arracher des avancées en direction du monde du travail, ni sur le défi des « jours heureux » que veut construire le Parti communiste français. À ses yeux, il est possible d’éradiquer le chômage et de créer un « droit opposable à l’emploi ».

Que dit la nomination de Michel Barnier à Matignon de la droite française et des classes dirigeantes aujourd’hui ?

Elle relève du choix du président de la République, qui refuse d’entendre ce qu’ont dit les Français dans les urnes. Il n’admet pas qu’il a été battu et qu’il faut changer de politique. C’est un choix clairement assumé de sa part de nommer un premier ministre qui va poursuivre sa politique.

Michel Barnier va la prolonger, avec le soutien de l’extrême droite. D’après les macronistes, il s’agit d’« une alliance de circonstance ». Mais quand on s’allie avec l’extrême droite, nous appelons ça de la collaboration. Nous, nous faisons le choix de la résistance.

« La gauche doit travailler à construire des majorités. »

Au-delà de l’appel à résister, le Nouveau Front populaire peut-il encore espérer faire respecter le vote du 7 juillet ?

Par différents moyens, les Français ont dit qu’ils veulent le changement. Des millions ont utilisé les bulletins de la gauche et des écologistes, rassemblés au sein de la coalition du Nouveau Front populaire (NFP). D’autres ont exprimé leur volonté de changement en votant pour les candidats du Rassemblement national (RN) au premier tour des législatives.

Par ces deux votes, même s’ils sont à l’opposé, l’expression des Français est très claire en faveur d’une rupture, d’un changement profond. Ils veulent l’abrogation de la réforme des retraites, l’augmentation des salaires ; ils disent leur colère d’être abandonnés par les services publics. Ils se sentent méprisés. Emmanuel Macron fait le choix de ne pas les entendre.

L’Assemblée nationale est divisée en trois blocs, avec une coalition arrivée en tête, le NFP, mais qui n’a pas de majorité absolue. La gauche doit donc travailler à construire des majorités, des compromis texte par texte pour avancer. Nous restons dans cette perspective. Nous verrons bien ce que fera le gouvernement Barnier et combien de temps il se maintiendra. Mais la coalition du NFP sera toujours là et prête à gouverner.

 

Comment les Français perçoivent-ils ce déni de démocratie ?

Beaucoup de citoyens ont fait le choix de manifester le 7 septembre, à l’appel des organisations de jeunesse. J’espère qu’il y aura beaucoup de monde dans la rue également le 1er octobre, pour demander l’abrogation de la réforme des retraites et la hausse des salaires.

Dans les semaines et les mois qui viennent, nous devrons chacun jouer notre rôle. Les syndicats, pour porter leur exigence de justice sociale. Nous, les politiques, avec nos élus au Parlement. Chacun va devoir pousser pour que les auteurs de ce hold-up de la démocratie soient renvoyés. Il va falloir se battre, résister. Mais tout ne se réglera pas au Parlement.

Nous aurons besoin d’une intervention citoyenne, que les Français s’en mêlent. Les élus locaux et les agents des services publics auront un rôle à jouer. La politique du gouvernement accentuera les politiques d’austérité, diminuera les budgets, exigera des économies dans les services publics. Il ne faudra pas se laisser faire. Les maires vont devoir boucler leurs budgets d’ici à la fin de l’année, alors que dans le même temps, on leur demandera des dizaines de milliards d’euros d’économies supplémentaires.

Le Conseil national du PCF lance une campagne contre l’austérité. Quelle forme prendra-t-elle ?

D’abord, elle dénoncera l’austérité, parce que celle-ci va faire énormément de mal aux citoyens dans leur vie au quotidien. Les services publics, comme la santé et l’école ou la tranquillité publique, vont encore perdre en efficacité. Notre campagne montrera que l’utilisation des richesses est centrale. Ensuite, nous contesterons cette politique entièrement conçue au service du capital et au détriment du travail.

Nous voulons mettre le travail au cœur du projet de société que nous défendons. Nous voulons interdire le chômage. Plutôt que de chasser les chômeurs, nous voulons faire vivre le droit au travail, inscrit dans la Constitution. Chacun doit avoir une place dans la société et recevoir une formation. Je propose même la création d’un droit opposable à l’emploi dans notre pays.

« Nous serons engagés à 100 % dans la bataille pour un budget qui réponde aux besoins des Français. »

Il s’agit de garantir que chaque personne sans travail se voie proposer au moins deux offres d’emploi correspondant à ses compétences, son expérience et dans son lieu de vie. Si tel n’était pas le cas, cette personne serait en mesure de déposer un recours. Chaque citoyen doit être en droit d’exiger deux offres d’emploi lui permettant de vivre, de se former, d’avoir un salaire. Et derrière le droit au travail, il y a la nécessité de reconstruire l’industrie, les services publics, d’embaucher et de former pour la transition écologique.

C’est au cœur de notre projet pour la France. Le PCF est le parti du travail, du respect de la dignité humaine. Retrouver sa dignité, c’est se sentir respecté, trouver sa place dans la société. Le travail est central dans la reconstruction de la France, mais aussi de soi-même. C’est l’originalité du PCF.

Le NFP a-t-il commis des erreurs stratégiques qui l’ont empêché d’accéder à Matignon, comme le disent les macronistes ?

Nommer le premier ministre est la prérogative du président de la République. C’est lui qui a nommé Michel Barnier, ce n’est pas la gauche. Il l’a fait parce qu’il ne veut pas remettre en cause sa politique, notamment la réforme des retraites. Revenir sur cette réforme est impensable pour lui, et c’est ce qui a bloqué la situation. Il ne veut pas de politique de gauche, quand bien même elle serait sociale-démocrate.

La gauche va-t-elle pouvoir obtenir des avancées sur la réforme des retraites, alors que Michel Barnier veut ouvrir des discussions sans la remettre en cause ?

Lorsque le budget arrivera en discussion à l’Assemblée, il y aura une bataille d’amendements pour essayer d’arracher des avancées. Nos moyens restent limités : 193 députés, c’est plus qu’avant, mais ce n’est pas encore assez pour l’emporter. Mais nous serons engagés à 100 % dans la bataille pour un budget qui réponde aux besoins des Français. Nous aussi nous essaierons de construire des majorités !

En raison de l’accord passé avec Emmanuel Macron, c’est Marine Le Pen qui va essayer de donner le ton. Il faut donc interpeller les Français et leur montrer ce que font les députés du RN là où ils ont été élus. Si la politique d’Emmanuel Macron se poursuit, s’il peut continuer à mener des politiques d’austérité, si les salaires n’augmentent pas, c’est parce que les députés du RN le permettent.

Il faut dénoncer cette collaboration entre l’extrême droite, la droite et les macronistes afin que la classe des riches continue de prospérer. Ça fait quinze ans que ça dure. En 2007, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, les 500 plus grandes fortunes avaient 280 milliards d’euros de patrimoine, soit 14 % du PIB.

« Les Français veulent que ça change, mais pas en passant par l’extrême droite. »

Après sept années sous Macron, ils ont aujourd’hui 1 200 milliards d’euros de patrimoine, qui représentent 41 % du PIB. On voit comment la richesse que nous produisons est siphonnée et captée par une minorité qui ne veut pas contribuer davantage, et qui est protégée par le camp présidentiel, « Les Républicains » et l’extrême droite.

Comment la gauche peut-elle faire passer le message selon lequel l’adversaire politique est la classe des riches ?

D’abord, en le disant. Dans la dernière période, les Français ont fait beaucoup de politique. Ils ont voté massivement Rassemblement national au premier tour des législatives, puis, en sept jours seulement, ils ont fait le front républicain. Ils veulent que ça change, mais refusent que cela passe par l’extrême droite.

Nous devons être une force d’espérance, comme lorsqu’on a reconstruit la France après guerre. La gauche doit porter une ambition collective, un espoir de changement réel, construit avec les Français. Relever le défi des « Jours heureux », le bâtir ensemble, demeure l’espoir que l’on veut construire.

Le RN a réussi à battre quatre députés communistes clairement identifiés sur la question du travail. Comment le PCF peut-il renverser la vapeur contre l’extrême droite ?

En continuant d’être fortement présent sur le terrain. Comme je le fais et comme le font les autres collègues députés battus, en étant ce que nous sommes : des élus de proximité combatifs. Je continuerai à tenir des permanences dans ma ville, à être auprès des maires, des associations, des syndicats. Les électeurs ont voulu essayer le Rassemblement national, ils l’ont. Qu’ils jugent.

La seule censure qui existe aujourd’hui est celle du peuple. Les citoyens seront les juges de paix dans les mois qui viennent et lors des prochaines élections. Soyons nous-mêmes, humbles militants du bonheur, honnêtes et désintéressés, présents. Et dénonçons la mystification du RN.

Les dirigeants du RN ont négocié avec Macron pour obtenir une seule chose : une élection à la proportionnelle. Cela veut dire qu’ils se foutent des salaires, des frigos vides, des conditions de travail. Ce qu’ils veulent, ce sont des places au Parlement. Il nous faut l’expliquer aux gens. C’est pour cela qu’il y a besoin d’un Parti communiste français plus fort, plus influent, avec davantage d’adhérents. Je me consacrerai à la campagne de renforcement dont a besoin le PCF.

Vous allez tenir une conférence nationale pour analyser ces défaites. Quelle est la vôtre ?

Une vague brune a déferlé sur la France. Que le monde du travail et les classes populaires estiment que les élus RN les défendraient mieux que la gauche est un problème. Il ne faut pas négliger aussi le fait que notre association avec Jean-Luc Mélenchon, dans la France des sous-préfectures comme chez moi, est une alliance perdante.

Il peut y avoir une dissolution dans un an. Il y aura des échéances locales en 2026 et la présidentielle en 2027. La gauche partira-t-elle unie à toutes les élections ?

Depuis un moment, nous sommes en campagne électorale permanente. L’union de la gauche et des écologistes, à laquelle nous avons contribué, dans une période où l’extrême droite est très forte, est indispensable. Il faut la préserver. Il faut aussi avoir l’humilité de dire qu’elle n’a pas permis d’élire suffisamment de députés. Elle n’a pas empêché la vague brune.

Elle doit s’adresser aux classes populaires, à une partie de la France qui s’en détourne. S’il faut défendre et porter le drapeau de l’union, c’est avec l’objectif de pouvoir l’emporter demain, donc de rassembler plus, de toucher davantage de Français.

La question du travail doit être centrale et nous permettre de rassembler tous les Français, dans les campagnes comme dans les banlieues, dans les écoles, dans les universités, etc. Les déserts médicaux sont partout. Quand la classe des riches mène une guerre sociale, c’est contre les classes populaires.

La classe ouvrière existe autant dans les campagnes que dans les banlieues. Elle ne fait pas de distinction de couleur, d’origine ou de religion. Les jeunes que je rencontre, qu’ils habitent en banlieue ou à la campagne, ont envie de participer à la vie de la société. Ils étudient parce qu’ils ont envie d’être psychologues, professeurs, ingénieurs, ouvriers, paysans, métallurgistes. C’est une énergie magnifique. On devrait leur ouvrir toutes les portes, leur garantir un débouché. Aucun d’entre eux ne devrait être laissé au bord de la route.

La Fête de l’Humanité peut-elle être un tremplin pour rassembler le peuple de gauche et préparer la riposte ?

La Fête de l’Humanité est un formidable lieu d’échanges, de débats, de réflexions avec des responsables politiques de tous horizons – de Lucie Castets à Dominique de Villepin –, des responsables syndicaux, associatifs, mais aussi avec le monde de la culture, du sport, des personnalités étrangères comme Angela Davis. Construisons l’espoir de changement ensemble. La paix, le travail, l’égalité, tout cela doit nous rassembler.



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